Le christianisme traduit en langage non religieux
Jim Burklo [1]
En Amérique, la catégorie croissant le plus rapidement est, de loin, celle des non-religieux. Comment nous qui sommes des chrétiens progressistes, parlerons-nous avec eux de notre foi, lorsque l’occasion se présentera.
La religion est l’expression concrète de la spiritualité. Mais celle-ci n’a pas besoin de la religion pour se développer comme de plus en plus de gens s’en rendent compte : ils trouvent des manières non religieuses de montrer à leurs enfants comment avoir de la compassion, comment traiter les autres avec respect, humanité et simplicité.
Chrétiens progressistes, nous sommes pluralistes, nous nous intéressons sincèrement à la religion des autres et nous la respectons. Nous pensons que les autres religions peuvent être aussi bonnes pour eux que la nôtre l’est pour nous. Nous y incluons aussi les non-religieux : être non-religieux est certainement aussi bon pour eux qu’être chrétien l’est pour nous. Et on doit pouvoir dialoguer avec eux dans la mesure où nous leur présentons le christianisme de manière compréhensible et crédible.
Mon amitié avec des personnes non religieuses m’a amené à réfléchir à la manière de leur parler du christianisme progressiste. Je ne pense pas que tout le monde devrait être chrétien, mais je pense que nous devrions être capables d’en parler à ceux que cela peut intéresser, et évidemment dans leur langage non religieux.
Simone Weil a bien écrit : « Je recherche une conception systématique de la présence divine qui n’influence en rien notre destin et qui peut être proposée à tout le monde. » Elle disait aussi que les chrétiens (catholiques et protestants) « parlent trop de surnaturel », alors qu’il faudrait être capable de s’exprimer sans jargon, de manière claire et simple pour être compris par tout le monde.
Il est toujours difficile pour les gens de l’intérieur de comprendre la pensée des gens de l’extérieur. Maintenant que la majorité de nos contemporains ignorent tout du christianisme, comment nous adresserons-nous à eux alors qu’ils ne comprennent pas notre langage ?
Les évangéliques, qui sont majoritaires en Amérique, accueillent ceux qui viennent à eux en les immergeant immédiatement dans leur langage et leur culture fondamentaliste. Ils ne traduisent pas leur foi dans un langage profane dans la mesure où ils considèrent la Bible telle qu’elle est, comme la Parole infaillible de Dieu, où tout ce qui est dit est historiquement parfaitement exact. Ils pensent qu’on ne peut pas transmettre son message sans utiliser son langage et répéter ses doctrines.
Chrétiens progressistes, nous ne partons pas de l’idée que la Bible est infaillible, mais de l’amour de Dieu, ce qui devrait nous faciliter l’usage plus fréquent d’un langage séculier qui serait plus naturel et intelligible pour tout le monde. Si Dieu est amour, on doit pouvoir présenter la foi chrétienne dans le langage de l’amour et sans utiliser le mot-Dieu. Non qu’il soit mauvais : il est riche de toute la culture mythico-poétique de notre tradition religieuse, mais il rebute nos contemporains qui ne le comprennent pas ou en ont eu de mauvaises expériences.
Je crois que si nous nous lançons dans l’utilisation d’un langage profane pour présenter notre foi religieuse, non seulement nous accueillerons mieux ceux qui se disent « sans religion », mais en même temps, nous approfondirons la compréhension et la pratique de notre foi.
Lorsque nous pratiquons la prière méditative ou les sacrements, nous participons à une réalité globale qui dépasse le seul christianisme, car ce qui est essentiel au christianisme l’est aussi au monde naturel global. Ce qui est vrai dans le christianisme ne l’est pas parce que c’est chrétien, mais parce que les narrations et les rituels chrétiens sont des reflets de l’âme humaine universelle. Le christianisme n’est qu’une des nombreuses expressions possibles de la réalité humaine profonde.
Voici donc un essai que je propose pour décrire le christianisme dans un langage véritablement profane.
Des milliards d’années de la vie de l’univers, où création et destruction étaient en effervescence, une réalité saisissante finit par émerger : l’amour.
L’amour, d’abord un simple lien unissant les membres de la famille, a pris de l’ampleur, est devenu inconditionnel et a pris une réalité de profondeur universelle. Il coule désormais comme un fleuve de conscience attentive et ouverte à tous. Il élève les hommes au-dessus de leur égoïsme et de leur superficialité à un niveau supérieur d’existence, dans une vie tissée de compassion, de désintéressement, de créativité, d’esprit de service et de lutte pour la justice.
Cet amour se vit dans le respect et la joie quotidienne. Il est plus beau et plus saisissant qu’on ne pourrait dire. Il inspire les poètes, les musiciens, les rédacteurs de nos mythes et il tend à nous rassembler dans une célébration commune pour une pratique créatrice.
L’Église chrétienne est une de ces communautés et tout le monde y est bienvenu.
[1] Pasteur de l’Église Unie du Christ – Université de Californie du Sudhttp://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-libres-opinions/gl1707.htm (traduction Gilles Castelnau)