Nous voulons que Dieu soit comme Batman
Thomas Reese.
Le pape François a été critiqué par certains, y compris des cardinaux, pour avoir trop parlé de la miséricorde de Dieu et pas assez de sa justice.
Ils lui reprochent notamment son ouverture à la possibilité pour les catholiques divorcés et remariés de communier. Ses détracteurs affirment que ces personnes ont enfreint la loi de Dieu et qu’elles devraient en subir les conséquences. François a également été critiqué pour son accueil des homosexuels et pour son manque de fermeté à l’égard des théologiens dissidents.
La plupart d’entre nous se rangent du côté de François lorsqu’il s’agit d’être miséricordieux envers nous-mêmes et nos amis. Mais pour d’autres, nous voulons un Dieu qui punisse les méfaits. Lorsque je regarde les informations à la télévision, par exemple, je vois beaucoup de personnes que je voudrais voir punies par Dieu.
Au fond de notre cœur, nous voulons un Dieu Batman, quelqu’un qui batte nos ennemis et punisse les méchants. Nous ne respectons vraiment pas un Dieu mauviette, qui tend l’autre joue. Nous voulons un Dieu qui s’énerve et se venge. Nous voulons un Dieu qui soit un vrai coup de poing.
Nous voulons cela, bien sûr, pour les autres, pas pour nous-mêmes. Pour nous-mêmes, il y a toujours des circonstances atténuantes. Les péchés sont des erreurs, les mensonges sont des fausses déclarations, l’infidélité est l’indépendance et l’irresponsabilité est la liberté. Il nous est facile d’affirmer que « tout le monde le fait » et que la fin justifie les moyens.
Nous voulons pour nous-mêmes un Dieu miséricordieux et compréhensif, mais pour les autres, nous voulons un Dieu qui punit
Le passage de l’Évangile de Matthieu lu dans les églises catholiques le 23 juillet remet en question notre conception de Dieu. Jésus raconte l’histoire, une allégorie, d’un agriculteur qui a semé du bon grain et qui s’aperçoit que de la mauvaise herbe, semée par un ennemi, pousse en même temps que le blé. L’agriculteur dit à ses serviteurs de laisser les mauvaises herbes pousser avec le blé.
Cette idée semble stupide. Quiconque jardine sait qu’il ne faut pas laisser les mauvaises herbes pousser avec les fleurs et les tomates. Il faut les arracher ou les asperger de désherbant. Les agriculteurs qui écoutaient Jésus ont dû être surpris par son histoire. Ils se sont probablement dit : « Ce type est manifestement un charpentier, pas un agriculteur ».
Dans ses paraboles, Jésus dit souvent quelque chose de surprenant ou de choquant lorsqu’il veut faire passer un message. Dans cette parabole, Jésus veut souligner que Dieu n’agit pas comme nous pensons qu’il devrait le faire. Il n’agit pas comme nous le ferions si nous étions Dieu.
Si j’étais Dieu, j’enverrais des éclairs aux méchants toute la journée. Le Dieu de Jésus ne fait pas cela.
Les spécialistes de l’Écriture nous disent qu’après l’ascension de Jésus, certains des premiers chrétiens ont estimé que l’Église devait être réservée aux bonnes personnes. Ces premiers chrétiens, comme les opposants de François, pensaient que les faibles, les pécheurs ou ceux qui avaient une théologie différente devaient être jetés hors de la communauté, excommuniés.
Matthieu leur dit dans cette parabole qu’ils doivent laisser ces jugements à Dieu. Ou, comme l’a dit François à propos des catholiques LGBTQ, « Qui suis-je pour juger ? ».
Nous devons faire preuve de patience. La justice viendra, le jour des comptes viendra, mais il ne faut pas se précipiter.
Ce n’est pas le travail des chrétiens, ce n’est pas notre travail, de décider qui est le bon grain et qui est l’ivraie, qui sont les bons et qui sont les méchants ; c’est à Dieu d’en décider.
Comme l’a souligné François dans son homélie du 23 juillet, « dans l’histoire de l’humanité, comme dans chacune de nos vies, il y a un mélange d’ombre et de lumière, d’amour et d’égoïsme. Le bien et le mal sont même entremêlés au point de sembler inséparables ».
Mais nous voulons détruire le mal. Nous voulons arracher les mauvaises herbes.
« Cette attitude part de bonnes intentions, mais elle est impulsive et même agressive », explique François. « Ils s’illusionnent en pensant qu’ils peuvent déraciner le mal par leurs propres efforts afin de rendre les choses pures. En effet, nous voyons souvent la tentation de chercher à obtenir une “société pure” ou une “église pure”, alors qu’en travaillant pour atteindre cette pureté, nous risquons d’être impatients, intransigeants, voire violents envers ceux qui sont tombés dans l’erreur ».
La communauté chrétienne doit être assez grande pour tous, les pécheurs et les saints, les forts et les faibles, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, les libéraux et les conservateurs, les homosexuels et les hétérosexuels, les républicains et les démocrates.
Cela s’applique également à notre vie politique.
Dans le document « Forming Consciences for Faithful Citizenship » (Former les consciences pour une citoyenneté fidèle), qui conseille les catholiques américains sur les questions politiques mises à jour à chaque cycle d’élection présidentielle, les évêques catholiques des États-Unis s’opposent à un esprit partisan qui diabolise nos adversaires. Ils remettent également en question une culture qui se tourne vers la violence pour résoudre les problèmes, que ce soit par l’avortement, l’euthanasie, la peine de mort, un « recours imprudent à la guerre » ou la violence collective.
Lorsque François a déclaré que le bien et le mal sont si étroitement liés qu’ils sont inséparables, il a voulu dire que nous devons voir le monde tel qu’il est.
« Cette approche réaliste nous aide à regarder l’histoire sans idéologie, sans optimisme stérile ni pessimisme empoisonné. Les chrétiens, animés par l’espérance de Dieu, ne sont pas des pessimistes ; ils ne vivent pas non plus naïvement dans un conte de fées, feignant de ne pas voir le mal et affirmant que “tout va bien”. Non, les chrétiens sont réalistes : ils savent qu’il y a du bon grain et de l’ivraie dans le monde ».
Dans nos vies personnelles et politiques, nous devons prier pour obtenir la grâce d’être justes et bons, de faire confiance à la miséricorde de Dieu, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour les autres. Pardonner comme nous sommes pardonnés. De nous traiter les uns les autres comme notre Père nous traite, et non comme Batman.