La question posée aux Églises
Exhortation d’Olivier Brès, pour le Christianisme Social, 11 juin 2024
Le président de la République joue au poker plutôt que de faire de la politique. Il a participé à la perte de crédibilité de la classe politique en multipliant pendant la campagne les interventions intempestives. Il joue maintenant notre avenir à la roulette (russe ?)…
Le président de la République provoque le chaos en croyant en sortir plus puissant. C’est sa responsabilité, ce sera sa responsabilité devant l’histoire si cette dissolution donne le pouvoir à l’extrême droite.
Maintenant quelle va être la responsabilité des Églises, et singulièrement des Églises protestantes ? Vont-elles se taire devant le risque que court notre pays ? Parce que nous avons appris que les membres de nos Églises votent approximativement comme la moyenne des français, vont-elles préférer attendre silencieusement les résultats des législatives ? Ou vont-elles, plus vraisemblablement rappeler quelques valeurs généreuses ?
Il est nécessaire qu’elles aillent plus loin. Qu’elles condamnent sans équivoque le vote pour l’extrême-droite. Que ce soit pour le Rassemblement national comme pour Reconquête. Il n’y a pas d’atermoiement possible quand il s’agit de la direction du pays. Il ne s’agit plus de considérer que ce pourrait être un vote de protestation, et de détourner le regard. Maintenant il faut parler.
Face à l’extrême droite une Église accablée, déterminée et engagée
Pasteure Emmanuelle SEYBOLDT, Présidente du Conseil national de l’Église protestante unie de France, 14 juin 2024
Les résultats français des élections au Parlement européen nous accablent. Depuis dimanche soir, nous sommes sous le choc d’un parti politique d’extrême droite, porté en première place par notre pays.
L’Église protestante unie de France ne peut pas se taire. Vivre sa foi dans le monde engage notre responsabilité à travailler ensemble et individuellement pour le bien commun. Se tenir à l’écoute de l’Évangile a nécessairement des conséquences politiques qui s’opposent au programme du Rassemblement national.
Avec toutes celles et ceux qui, dans l’Église et hors de l’Église, dans les associations, les entreprises et toute la société, œuvrent pour la solidarité et la paix, pour le partage et le dialogue, pour l’hospitalité et l’écoute, nous appelons chacune et chacun à exercer son droit de vote en participant aux prochaines élections législatives. Se rendre aux urnes est une prise de parole nécessaire au bien commun.
Pendant des décennies, nos synodes successifs ont affirmé que l’Évangile nous appelle à dépasser nos peurs, à résister au piège de la violence et à la tentation du rejet. Dans la fidélité à l’Évangile du Christ crucifié et ressuscité, nous redisons que chaque personne humaine est reconnue digne. Nous refusons de laisser l’Évangile servir d’argument pour exclure les uns et réduire au silence les autres.
Alors que les discours violents et méprisants occupent une large place de l’espace médiatique et empoisonnent les esprits, nous vous encourageons à entrer en discussion avec parents, voisins, collègues, amis. Nous vous encourageons à vous joindre à toutes les forces de dialogue, de justice et de paix pour débattre et construire ensemble une alternative aux idéologies d’extrême droite.
C’est de reconnaissance que l’être humain a besoin, d’estime et d’attention, et non de mépris, de rejet et d’humiliation.
Nous n’ignorons rien des situations de vie précaires, des injustices économiques et des violences sociales : faire le malheur des uns ne fera pas le bonheur des autres. La liberté, l’égalité et la fraternité sont les seuls chemins à emprunter ensemble pour une société juste. La division et l’exclusion nous mèneraient dans de dangereuses impasses.
Devant la complexité des enjeux nationaux et internationaux, nous refusons les messages rapides, lisses et simplistes. Bien loin de répondre aux défis de notre temps, ils sont inopérants, car mensongers.
Toujours nous confessons que Dieu aime le monde. Cet amour nous conduit à résister à tout ce qui défigure l’être humain. Nous résisterons donc aux sirènes de la violence et de l’inhumanité véhiculées par l’extrême droite et le Rassemblement national. Nous résisterons aujourd’hui et demain, pour la vie, pour la joie, par l’espérance. En Christ est notre assurance. Nous croyons que « c’est dans le calme et la confiance que sera votre force » (Esaïe 30,15).
Source : https://www.christianismesocial.org/spip.php?article700