Le pape François veut-il enterrer la question des prêtres mariés ?
Pierre Collet.
Dans un article du National Catholic Reporter du 25 mars dernier, le jésuite Thomas Reese se posait très sérieusement la question [1] : la nouvelle « stratégie » annoncée par le pape François et relayée par le cardinal Grech a totalement occulté la question des prêtres mariés qui ne se trouve même plus évoquée pour être étudiée par l’un des dix groupes mis en place en parallèle du synode. Rien de bien surprenant sans doute si l’on se souvient du sort que le pape avait réservé à la demande du synode pour l’Amazonie il y a cinq ans !
Le jésuite ne pratique pas la langue de bois… « En réponse à des questions, le cardinal Mario Grech, secrétaire général du Secrétariat du Synode, a déclaré que la question des prêtres mariés “n’avait jamais été mise sur la table.” En conséquence, il n’a été affecté à aucun groupe pour une étude future. Grech a raison de dire que peu de délégués synodaux ont soulevé la question des prêtres mariés, et cela n’a pas été mentionné dans le rapport du synode. Ils ont passé beaucoup plus de temps à discuter des femmes diacres, de la sensibilisation pastorale aux LGBTQ+ et à la participation des laïcs à la prise de décision dans l’Église. Cependant, nous ne devons pas oublier que l’ordination d’hommes mariés était un problème majeur au Synode 2019 sur Amazonie. Ce synode a conclu que le problème ne pouvait être résolu sans une consultation plus large dans l’Église. Le Synode sur la synodalité aurait dû être cette consultation. Honte donc aux délégués du synode de ne pas avoir soulevé la question ! »
Les groupes de notre Fédération Européenne des Prêtres Mariés se sont consultés pour savoir s’il ne serait pas de notre « devoir » de tenter une démarche directe vis-à-vis du Synode pour demander, une fois de plus, la levée de l’obligation du célibat. Nous ne sommes pas arrivés à nous mettre d’accord pour diverses raisons, plusieurs délégués exprimant clairement leur lassitude et leur désillusion après tant d’années de combat. Mais les Espagnols et les Italiens disent en même temps que d’autres engagements les intéressent davantage, comme l’animation proche et concrète des petites communautés, le plus souvent informelles. Les Allemands ont consacré leur assemblée annuelle en mars dernier à Francfort à une journée d’étude sur « la grave crise que rencontrent les Églises quant à l’avenir de l’image du pasteur : compte tenu des défis actuels – baisse du nombre de candidats au ministère, profils plus conservateurs, évolution due à la numérisation dans tous nos domaines de vie –, comment envisager un nouveau type de “pasteur” adapté à l’avenir ? » Cette rencontre intitulée « Sans charisme ni pouvoir ? » était animée par trois personnes, un père jésuite, une pasteure protestante et un pasteur vieux-catholique.
Mais en d’autres lieux et avec d’autres vécus, les convictions et les stratégies peuvent être très différentes. La Fédération des Prêtres Mariés d’Amérique latine – qui représenterait aujourd’hui quelque 30 000 prêtres mariés – réunie en janvier dernier au Chili, a tenu à envoyer une lettre ouverte au Synode [3] portant sur les deux priorités qu’elle tient à promouvoir, le rejet du cléricalisme et la valorisation de la place des femmes, et se terminant en demandant que le célibat soit facultatif, « ce qui serait très sain pour l’Église et pour l’évangélisation, car c’est une obligation qui, dans l’histoire, a causé beaucoup de souffrances : l’Église doit aborder et résoudre la question des difficultés liées à la sexualité des ministres. »
Faudrait-il conclure de cette diversité d’attitudes que la question du célibat obligatoire serait devenue une question « périphérique » par rapport à un enjeu plus fondamental d’une « égalité radicale » (hommes-femmes, clercs-laïcs) de plus en plus affirmée comme prioritaire ? Et qu’elle peut même être perçue comme « ambiguë » dans un contexte où on préférerait prôner la participation de tous plutôt que l’autorité ou le pouvoir de certains… ? C’est en tout cas dans cette direction que penchent nos préférences.
Souhaitons donc au moins que nos représentants au Synode et nos autorités en général aient enfin le souci premier d’un peu de liberté et de respect des diversités culturelles…
Notes :
[1] Thomas REESE, Le pape François insiste sur la synodalité : http://www.pretresmaries.eu/fr/Publications.html#709[2] Pierre COLLET, Après Querida Amazonia. Les contradictions du pape François : http://www.pretresmaries.eu/en/Publications.html#639
[3] https://www.religiondigital.org/america/sacerdotes-Sinodo-Sinodalidad-valientes-celibato_0_2644235568.html
Source : Hors-les-Murs & Communautés en Marche, p. 59