« De la parole aux actes » : rassemblement du 16 novembre pour les victimes de violence sexuelle dans l’Église
Régine et Guy Ringwald.
Après la décision de l’Assemblée plénière des Évêques de reporter une nouvelle fois une action en réponse au rapport CIASE, un rassemblement se tenait, samedi 16 novembre, devant le siège de la CEF, Avenue de Breteuil. 27 associations étaient représentées à l’appel du Collectif « De la parole aux actes ». Yolande du Fayet de la Tour s’exprimait au nom du Collectif : « Les victimes ont pris la parole, elles ne se tairont plus… Elles réclament justice, une justice totale, pas une justice au rabais qui ne ressemble pour l’instant qu’à des actes de repentance, de charité. »
Nous reproduisons ici l’allocution prononcée par Claire Conan-Vrinat, vice-présidente de la Commission d’Études sur la Place des femmes dans l’Église qui fixe bien la question du pouvoir. Cette commission mène des recherches afin de proposer des réformes et parvenir sur tous les plans et dans toutes les fonctions à l’égalité entre femmes et hommes dans l’Église.
« Aujourd’hui, nous sommes plus que jamais solidaires des victimes de l’Église catholique, de leurs proches et des associations amies qui les défendent et portent leur parole.
Au regard de notre engagement, nous souhaitons rappeler ici les recommandations formulées par la CIASE, à savoir, je cite : « Au-delà [du] triple défi de la responsabilité, de la reconnaissance et de la réparation, la commission propose […] un plan d’action vigoureux dans les domaines de la gouvernance, de la sanction, de la formation et de la prévention. » S’agissant de sa gouvernance, elle invite à « s’interroger en profondeur sur les tensions palpables entre sa constitution hiérarchique et le désir de synodalité, et sur les conséquences de la concentration entre les mains de l’évêque des pouvoirs d’ordre et de gouvernement. »
Elle incite à « réfléchir […] à l’articulation entre verticalité et horizontalité et à la séparation des pouvoirs, […] à développer la démarche d’évaluation et de contrôle interne, […] pour faire progresser la gouvernance de l’Église. »
À cet égard, nous insistons en particulier sur la Recommandation n° 36 :
« La commission estime qu’il faut, au regard du principe d’égale dignité, grandement renforcer la présence des laïcs en général et des femmes en particulier dans les sphères décisionnelles de l’Église catholique. Ce travail suppose un état des lieux préalable et la détermination d’objectifs et d’un calendrier de mise en œuvre. »
Alors, Messieurs les Évêques… Qu’en est-il ?
« Ne nous trompons pas : il ne s’agit pas de dire « on va mettre quelques femmes à des postes visibles et c’est bon, le débat est clos ». Ça n’est pas pour cela que nous vous interpelons !
Il s’agit, messieurs, de reconnaître, enfin, l’égale dignité de toutes les personnes… Femmes autant qu’hommes, enfants autant qu’adultes, vulnérables autant que puissantes. Mais la reconnaissance, ce n’est pas seulement un mot !
Il s’agit de passer, puisque c’est l’expression du jour, de la Parole aux Actes !
Une réforme mettant en place une réelle égalité femme-homme au sein de la gouvernance de l’institution constituerait un premier pas vers la fin de l’entre-soi mortifère :
- Un entre-soi qui a favorisé et favorise encore les pires crimes.
- Un entre-soi qui se rend complice par dissimulation, protection, silence ou déni, coupable en pensée, par action et par omission.
- Un entre-soi enfin qui vous tue à bas bruit, en encourageant le schisme silencieux des catholiques écœurés et des brebis non pas égarées, mais effarées.
Une réforme de l’Église catholique serait aussi un signal fort envoyé à la société tout entière. Nous ne pouvons, à ce sujet, que nous surprendre du silence étatique face à l’insoutenable. Un silence pour le moins assourdissant.
Le combat pour les victimes de l’Église catholique nous concerne toutes et tous, nous, la société dans son ensemble, car l’Église n’est pas hors du monde, qu’elle le veuille ou non.
De fait, chaque enfant agressé, violé, meurtri, au sein de l’institution catholique, est avant tout un enfant agressé, violé, meurtri au sein de la communauté des humains.
Barbara chantait : « car un enfant qui meurt au bout de vos fusils est un enfant qui meurt ». Je dirais dans son sillon : « car un enfant qui souffre au pied de vos crucifix est un enfant qui souffre. »
Il est de notre devoir de citoyen d’en prendre conscience et d’agir en conséquence sans nous retrancher derrière une séparation Église/État de convenance, qui n’a jamais été établie dans le but de protéger des crimes, et qui ne doit pas aujourd’hui permettre à qui que ce soit de les perpétrer de nouveau dans le déni, le silence, ou une compassion de façade.
Rappelons-nous l’évangile selon Matthieu (Mt 18, 5-6)
« Celui qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, il m’accueille, moi.
Celui qui est un scandale, une occasion de chut, pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en pleine mer. »
Messieurs les évêques, nous comptons sur vous.
Comptez sur nous pour vous le rappeler !