Noël : un appel à la sobriété dogmatique
Christophe Cousinié.
Les récits de la nativité de Matthieu et Luc révèlent des visions divergentes d’un évènement unique, soulignant la simplicité d’une naissance face à des dogmes complexes. Alors que la raison moderne remet en question le surnaturel, le besoin d’amour et d’espoir persiste, nous poussant à réfléchir sur notre place dans l’univers. Retrouvons la sobriété d’une foi essentielle, dépouillée des constructions théologiques superflues.
Les deux seuls récits de la nativité, chez Matthieu et chez Luc, sont des histoires radicalement différentes où le seul point commun, au final, est la naissance d’un enfant.
Épisode ou évènement ? Un épisode banal dans le monde. Des milliers de femmes accouchent chaque jour, des milliers de personnes deviennent jeunes parents et c’est alors pour chacun d’eux un évènement unique, le miracle de la vie. Et de miracle, il ne faut pas en vouloir plus.
Dire ce qui ne peut pas se dire
Mais l’évènement de la foi des premiers chrétiens ne pouvait se dire qu’au travers d’images prenant la forme d’épisodes miraculeux ; une manière de dire ce qui ne peut pas se dire. Petit à petit, c’est ce miraculeux qui deviendra l’évènement et de lui va découler toute une doctrine qui va définir à travers des dogmes ce que sont Dieu, Jésus-Christ, l’Esprit, puis leurs relations et celle avec le croyant ; et ainsi de suite pour aboutir à un édifice dogmatique qui se veut absolu. De la simplicité d’une étable, on transporte l’enfant dans un luxuriant palais d’apologètes.
Il y a bien longtemps que la raison et la science ont mis à mal le surnaturel et tout ce qui ne pouvait s’expliquer qu’en invoquant l’intervention divine. Pour autant, le sentiment religieux n’a pas disparu. Si la raison conduit la femme et l’homme d’aujourd’hui à repousser le surnaturel presque toujours associé à la religion, nous faisant entrer pleinement dans une sécularisation, la conscience, elle, nous amène à dire que nous ne vivons pas de sciences seulement et que nous avons besoin d’aimer et d’espérer, de croire à la vie, la prolonger au-delà de ce qui se donne à voir, de nous sentir en paix, en joie, en mouvement vers l’infini.
Peut-on encore croire…
C’est justement notre conscience, bien plus que notre raison, qui nous empêche de revenir aux croyances traditionnelles. Il faut faire œuvre de lucidité et comprendre que le dogme a cessé de vivre dans nos consciences, parce qu’il ne peut plus y vivre.
Peut-on encore croire, comme nous l’avons cru autrefois, à un Dieu créant des milliards de pauvres êtres pour les envoyer ensuite au supplice éternel ?
Peut-on encore croire en un Dieu qui ferait éclater sa toute-puissance par un arbitraire absolu, qui accorderait un salut personnel uniquement à ceux qui le méritent et qui confessent un Credo déclaré vérité universelle ?
Peut-on encore croire en un Dieu frappant de mort dans la souffrance, son fils innocent, pour expier les fautes des êtres humains et consentir à ce pacte sans nom ?
Peut-on encore croire en un Diable personnifié, à un enfer avec tout son arsenal de torture ?
Peut-on croire encore à tant et tant d’autres choses, à l’instar de la Trinité, de la divinité de Jésus ou de sa résurrection historique et véritable, qui sont totalement étrangères à nos consciences contemporaines ?
Noyer le divin dans un superflu de discours et de formules
Qu’on le veuille ou non, les siècles sont passés sur ces croyances, et à notre insu, nos esprits se sont élargis et il n’est plus possible de faire habiter ce Dieu si lointain et étranger dans nos consciences.
Oui, les siècles sont passés et nous continuons à accumuler les constructions théologiques au point même d’être submergés et de noyer le divin dans un superflu de discours et de formules. Les siècles sont passés et ils nous appellent à la sobriété dogmatique.
Se dénuder du fatras théologique qui voile le divin qui vient à nous
Alors, pourquoi ne pas revenir à la sobriété d’une simple naissance ? L’enfant qui vient au monde, sans rien, sinon l’amour de ses parents dans le meilleur des cas et surtout avec la promesse d’une vie appelée à s’épanouir nous invite à retrouver l’essentiel de toute foi et de tout sentiment religieux : que suis-je dans ce vaste univers. Et plutôt que d’y trouver la place d’un misérable, prenons celle d’un nouveau-né qui a tout à découvrir, qui a tout à bâtir.
Ayons cette conscience libre, comme l’esprit de l’enfant est libre de tout.
Comme le nouveau vient au monde totalement nu, peut-être devrions-nous retrouver une sobriété dogmatique qui nous dénude du fatras théologique qui voile le divin qui vient à nous.
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