Quand l’Église se débarrasse de ses fossiles
Le 22 avril dernier, à l’occasion du « Earth Day », journée de mobilisation internationale pour la terre, 35 organismes catholiques ont annoncé officiellement leur désinvestissement financier de tout organisme soutenant les énergies fossiles.
Ces 35 institutions catholiques rejoignent ainsi 60 autres déjà engagées depuis octobre dernier dans cette mobilisation internationale. Dans la fournée d’avril, on retrouve des acteurs comme le Secours catholique, la Caritas internationale, trois banques catholiques, trois diocèses, etc. De quoi représenter quand même un bilan cumulé de près de 7,5 milliards d’€.
Cette annonce illustre le renforcement du mouvement de désinvestissement au sein de l’Église catholique, d’autant que certaines des institutions concernées sont directement liées au Vatican. Ainsi, Caritas Internationalis, une organisation d’aide humanitaire, est une institution officielle de l’Église catholique. Son président, S.E. Le cardinal Luis Tagle a déclaré : « Les pauvres souffrent beaucoup de la crise climatique et les énergies fossiles sont parmi les principaux moteurs de cette injustice. C’est pourquoi Caritas International a décidé de ne plus investir dans les énergies fossiles. Nous encourageons nos organisations membres et d’autres groupes ou organisations liés à l’Église à faire de même. »
En France, le Secours Catholique-Caritas France, membre du réseau mondial Caritas Internationalis, a annoncé son désinvestissement, décision prise indépendamment de Caritas Internationalis. Le Secours Catholique, qui coordonne l’assistance humanitaire auprès de 67 000 volontaires, annonce un désinvestissement total d’environ 10 millions d’euros. Il est rejoint par la Communauté Mission de France, un diocèse de la région parisienne. Véronique Fayet, Présidente du Secours Catholique-Caritas France, a déclaré : « Nous sommes fiers que le Secours Catholique-Caritas France se joigne aujourd’hui au mouvement de désinvestissement, car il est important pour nous de contribuer à la construction d’un monde juste et solidaire, et de prendre un engagement concret dans la lutte contre les changements climatiques, qui partout dans le monde impactent les plus pauvres. »
En Afrique, six institutions catholiques ont décidé de se désengager. Ils sont situés au Cameroun, au Kenya, au Nigeria, au Rwanda et en Ouganda. Allen Ottaro, directeur exécutif fondateur du Réseau catholique de la jeunesse pour la durabilité de l’environnement en Afrique du Kenya, a déclaré : « En tant que jeunes et en tant qu’Africains, nous vivons en première ligne de la crise environnementale. Nous nous efforçons de jouer notre partition pour résoudre ce grand défi. Nous encourageons fortement les responsables à faire leur part. »
Les principales banques catholiques ont également rejoint le mouvement de désinvestissement, qu’elles entreprennent afin de donner aux investisseurs institutionnels catholiques des options responsables et de faire face au changement climatique. La banque Pax, la banque Im Bistum Essen eG et Steyler Ethik Bank font partie des institutions qui ont annoncé leur désinvestissement aujourd’hui. Au total, ces établissements ont des bilans d’environ 7.5 milliards d’euros.
Ces décisions mettent l’accent sur la force croissante d’un mouvement qui s’éloigne des combustibles fossiles et qui, à bien des égards, est de plus en plus dirigé par des hauts fonctionnaires de l’Église. L’archidiocèse de Luxembourg, l’archidiocèse de Salerno-Campagna-Acerno et le diocèse de la Communauté Mission de France ont annoncé aujourd’hui le désengagement de leurs diocèses.
Jean-Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg, a déclaré : « Avec nos frères et sœurs dans l’Église, nous, les évêques, nous engageons de plus en plus à prendre des décisions financières en accord avec nos valeurs morales. Bénédictions à tous ceux qui servent « le plus petit de nos frères » en protégeant l’environnement ». L’archevêque Hollerich est également président de la COMECE, la communauté des évêques qui surveille les politiques dans l’Union européenne, et le président de Justice et Paix Europe, un réseau de 31 commissions de justice et de paix des conférences épiscopales.
Ensemble, ces institutions représentent un engagement interne significatif de l’Église à maintenir les combustibles fossiles dans le sol. À mesure que l’Église grandit dans son enseignement sur les changements climatiques, qui dure depuis des décennies, ces institutions et d’autres joignent le geste à la parole.
Le désengagement coïncide avec un appel du pape François à instituer des pratiques financières moralement saines. Le Pape a consacré le mois d’avril à des prières pour l’économie, nous demandant de prier « que les économistes aient le courage de rejeter toute économie d’exclusion et sachent ouvrir de nouvelles voies »
En réaction à cette annonce, John O’Shaughnessy, le fondateur du Catholic Impact Investing Collaborative, un groupe d’institutions catholiques qui gèrent collectivement plus de 50 milliards de dollars d’actifs, a déclaré : « Le désinvestissement des combustibles fossiles envoie un signal important. Les institutions financières sont bien conscientes que ces investissements ne sont pas durables et qu’ils nuisent à long terme à leurs investisseurs et à la communauté au sens large : de plus en plus, les gestionnaires financiers sages s’éloignent de l’énergie polluante pour un avenir propre et durable. »
Cet engagement commun des catholiques à se défaire des combustibles fossiles a été coordonné par le Mouvement Catholique Mondial pour le Climat, qui annonce également son désinvestissement aujourd’hui. Tomás Insua, son directeur exécutif, a déclaré : «Quand il s’agit de protéger notre maison commune, nous n’avons pas un moment à perdre. Il est important de se départir des combustibles fossiles pour faire baisser rapidement l’arc des émissions. Ce Jour de la Terre, nous nous réjouissons de rejoindre le mouvement croissant des institutions catholiques s’éloignant de l’énergie sale et vers une meilleure sauvegarde de la création. Le leadership de l’église sur cette question n’a jamais été aussi important. »
Le Mouvement Catholique Mondial pour le Climat est une organisation internationale qui rassemble plus de 650 organisations membres et des milliers de catholiques répondant à l’appel du Pape François pour protéger notre maison commune.
A noter que cette année, le G7, le G20 et la COP seront présidés par des pays à majorité catholique (Canada, Argentine et Pologne), et où les catholiques ont une forte influence.
Source : https://eglisesetecologies.com/2018/05/03/action-quand-leglise-se-debarasse-de-ses-fossiles/
Pour plus d’infos sur l’histoire du Earth day, on lira utilement ici