Par Mélinée Le Priol
Un nouvel exemple montre que le pape actuel n’a pas peur de permettre à la doctrine d’évoluer.
L’Église catholique est connue pour sa position résolument « pro-vie ». Pourtant, bien qu’elle n’ait jamais fait d’exception à cette position concernant les débuts de la vie, il restait jusqu’à présent une ambiguïté concernant la fin de la vie humaine.
Ainsi, l’Église a continué à permettre le recours à la peine de mort dans les cas où elle était « la seule manière possible de défendre efficacement des vies humaines contre l’agresseur injuste » (Catéchisme §2267).
Mais dans son édition modifiée de 1997, l’Église a également noté que « les cas dans lesquels l’exécution du délinquant est une nécessité absolue sont très rares, voire pratiquement inexistants. »
En date du 2 août, le pape François est allé plus loin en approuvant une nouvelle modification au Catéchisme qui qualifie la peine de mort « d’admissibilité ».
« À la lumière de l’Évangile, l’Église enseigne que ‘’la peine de mort est inadmissible parce qu’elle porte atteinte à l’inviolabilité et à la dignité de la personne ‘’ et travaille avec détermination pour son abolition dans le monde ».
Le changement, initialement annoncé lors d’une conférence internationale à Rome en octobre 2017, marquant le 25e anniversaire de la publication du Catéchisme en 1992, s’appuie sur les efforts continus du pape Jean-Paul II et de Benoît XVI pour faire avancer l’Église sur la question.
Dans une lettre aux évêques, également publiée le 2 août, le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Luis Ladaria, a souligné que la nouvelle formulation « ne contredit pas l’enseignement antérieur » du Magistère.
Néanmoins, le théologien hollandais Hendro Munsterman a décrit la décision comme « un autre exemple montrant que le pape actuel n’a pas peur d’autoriser l’évolution de la doctrine ».
« C’est un pas en avant très important que les gens attendent depuis longtemps ! », a déclaré Munsterman.
Munsterman a également noté que les modifications apportées à l’article 2267 reposent moins sur des progrès exégétiques ou théologiques que sur « une prise de conscience au sein de la société qui n’a pas nécessairement besoin se Dieu pour se caractériser comme humaniste ».
Le nouveau texte du § 2267 dit : « Aujourd’hui, on prend de plus en plus conscience que la dignité de la personne n’est pas perdue même après la commission de crimes très graves ».
Elle note également que « des systèmes de détention plus efficaces ont été mis au point pour assurer la protection des citoyens » tout en préservant la vie des coupables.
« C’est une avancée très importante que nous espérions depuis longtemps », a déclaré Bernadette Forhan, présidente d’Action chrétienne pour l’abolition de la torture (ACAT) en France.
Les changements apportés au catéchisme pourraient constituer une « autorité morale » et une plus grande légitimité pour la campagne abolitionniste de l’ACAT, a-t-elle déclaré.
« Lorsque nous parlons dans les églises, nous entendons souvent les paroissiens dire que la peine de mort devrait être rétablie dans certains cas », a déclaré Forhan.
« Ce type de discours a considérablement augmenté à la suite des récentes attaques terroristes », a-t-elle déclaré.
Concernant les 57 autres pays qui appliquent encore la peine de mort, Forhan estime que le changement dans l’enseignement de l’Église peut avoir un impact politique.
« C’est particulièrement important pour le moment, plusieurs pays envisageant de revenir sur cette question », a-t-elle déclaré.
« Par exemple, le président Rodrigo Duterte des Philippines veut rétablir la peine de mort pour les trafiquants de drogue. »
« Nous pouvons maintenant lui dire que cela conduirait les Philippines, pays catholique, à être en contradiction avec le catéchisme. »
Jésus donne à chacun une seconde chance.
« La peine de mort et sa logique de rétribution ne sont pas compatibles avec l’Évangile », a déclaré Mgr Jean-Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg et président de la COMECE, la Commission des conférences épiscopales de l’Union européenne.
« Jésus donne toujours une chance à chacun », a-t-il déclaré. « L’amour infini de Dieu donne à chaque personne une dignité que même les crimes ne peuvent pas enlever. »
Dans le passé, l’Église a regardé avec méfiance le mouvement abolitionniste qui a commencé à se développer au 18e siècle.
Du point de vue de l’Église, le mouvement semblait être une concession à l’esprit des Lumières et s’opposer à la tradition catholique.
Cependant, en 1969, la Cité du Vatican a aboli la peine de mort – avec 16 ans d’avance sur la France.
Toutes les déclarations officielles du Saint-Siège au cours des 20 dernières années se sont clairement opposées à l’utilisation de la peine de mort.
Traduction par Lucienne Gouguenheim
Illustration par Sultan Edijingo [CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], from Wikimedia Commons
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