Sortir du cléricalisme
La déclaration suivante tient compte des développements qu’a connus au Chili le combat du mouvement des laïcs. Cela part évidemment de la dénonciation des actes pédophiles et de leur dissimulation par la hiérarchie de l’Église. Mais, ayant démontré sur le cas Barros qu’ils étaient dans le vrai, les laïcs du Chili ne sont plus dans la dénonciation des coupables et de la hiérarchie, ils mettent directement en cause la structure de pouvoir. Leur mouvement rejoint nos préoccupations de toujours. Il s’agit de faire en sorte que la place des laïcs soit enfin reconnue jusqu’au niveau des décisions, voire des nominations. Ne nous dissimulons pas que c’est une révolution. Au Chili, les laïcs affichent, depuis le début, qu’ils ne souhaitent pas “tuer” l’Église, mais la sauver. Cette révolution, ils la vivent pas à pas, dans le concret.
Cette remise en cause de la structure de pouvoir rejoint exactement le diagnostic du pape : abus de pouvoir, abus de conscience, abus sexuels, qui débouche sur la nécessité de faire appel aux laïcs. Cependant, il tarde un peu à sortir du diagnostic pour prendre des mesures, peut-être parce que cela suppose des changements “trop” radicaux.
C’est pourquoi ce texte sort du seul problème de la pédophilie, pour mettre en relief le combat des laïcs. Il se veut au-delà des dénonciations plus ou moins tapageuses, et de la seule demande de justice, qui ne suffira pas à résoudre le problème, faute de s’attaquer à ses causes.
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Communiqué
Le scandale soulevé par les actes de pédophilie atteint un nouveau sommet avec les révélations concernant la Pennsylvanie : le nombre des exactions citées, les faits révélés – et de façon explicite, au point d’être insoutenables – valent à l’institution de l’Église catholique une vague de réprobation sans précédent. Comme tous les catholiques, et beaucoup de simples citoyens, nous en sommes profondément malheureux. Nous exprimons ici une pensée pour tous ceux, prêtres et laïcs, qui témoignent, jour après jour, du message du Christ et donnent leur vie. Par l’attitude des prédateurs, mais aussi par les réactions de défense de l’institution, ils peuvent se sentir trahis.
On nous explique que la plupart des faits relatés sont anciens et que la situation s’est améliorée. S’en tenir là serait ne pas voir que des faits similaires se sont produits à grande échelle, et dans toute sorte d’institutions catholiques (séminaires, collèges, congrégations religieuses, etc.). Citons : le Chili, les États-Unis (Boston, mais ailleurs aussi), l’Irlande, l’Australie. La France n’est pas épargnée : affaire Preynat et beaucoup d’autres cas. Empruntons au Rapport sur la Pennsylvanie [1] la phrase définitive : « Maintenant, nous connaissons la vérité : c’est arrivé partout. »
Le mal est endémique, il ne date pas d’hier, le diagnostic a été clairement porté par le Pape François lui-même [2] : abus de pouvoir, abus de conscience, conduisant à des abus sexuels. Le pouvoir et la façon dont il est exercé doivent donc faire l’objet d’une profonde transformation. Dans le même texte, et dans d’autres venus ensuite, le Pape invoque avec force la nécessité de la participation des laïcs. Dans sa lettre au Peuple de Dieu du 21 août 2018, il appelle à « la participation active de tous les membres de l’Église » et à « promouvoir une culture capable de faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas ». Mais pour l’heure, au Chili, les évêques continuent à fonctionner entre eux, et à chercher des solutions techniques à un problème qui tient, en fait, au statut des clercs. Quant à l’appel aux laïcs, nous ressentons comme un peu décalé qu’il se réduise à ce jour à un appel « à l’exercice pénitentiel de la prière et du jeûne ».
Il y a le feu à la maison, les causes du problème sont connues, des solutions sont proposées avec force, et dans l’action effective, par les laïcs au Chili. Le mouvement des laïcs d’Osorno, en refusant l’inacceptable en la personne de l’évêque Barros, a permis que soit mis au jour l’effroyable scandale que l’on sait. Ils demandent maintenant, et le mouvement a gagné tout le pays, que les laïcs aient voix au chapitre, notamment sur la nomination des évêques [3], mais aussi sur les décisions prises par l’Église, c’est-à-dire en leur nom. Le mouvement grandit, fort d’un premier succès qui a montré qu’ils pouvaient être dans le vrai contre la hiérarchie. Ils ne demandent pas des évêques parfaits, ils veulent, et c’est, au fond, leur seule revendication depuis le début, vivre et être traités en adultes dans la foi, et en adultes responsables. Ils n’attendent rien de la hiérarchie, origine du problème, ni des modalités ecclésiastiques, ni d’institutions créées d’en haut, mais ils avancent de façon pragmatique devant la faillite de l’institution.
NSAE est depuis toujours en recherche d’une forme d’Église libérée du cléricalisme. Dans le même esprit que ce qui se fait concrètement au Chili, nous appelons tous les chrétiens, sans distinction, chacun là où il est, à avancer dans le même sens.
Le Bureau de NSAE
24 août 2018
Notes :
[1] https://www.ncronline.org/news/accountability/just-catholic/we-may-never-know-truth-about-abuse-cases [2] Dans sa lettre aux évêques chiliens du 8 avril 2018[3] Ce n’est nullement une hérésie, mais un usage de l’Église ancienne.
Illustration : Assemblée du Synode des évêques sur les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation, réunis au Vatican.
Lire aussi le Communiqué des Réseaux du Parvis