Ces murs politiques qui écartent les migrants et détruisent aussi la biodiversité
Par Claude-Marie Vadrot
Du Mexique à Israël en passant par la Hongrie, les barrières pour les hommes font aussi obstacle à tous les animaux.
15 000 scientifiques et chercheurs des États unis et du monde entier viennent de se joindre à l’appel lancé par l’Américain William Ripple, professeur d’écologie de l’Université de l’État d’Oregon pour demander à Donald Trump de renoncer au projet de mur qui doit isoler les États unis du Mexique et de l’Amérique centrale. Dans un article publié par le journal Bioscience (www.biosciencejournal.ufu.br/), cet universitaire explique que cette séparation des deux pays entrainera aussi des conséquences tragiques pour la biodiversité de cette région de centaines de milliers d’hectares en supprimant tous les échanges entre des espèces vivantes de part et d’autre du mur.
L’appel lancé par le professeur Ripple a été rédigé par une quinzaine de scientifiques de renom travaillant pour les grandes associations américaines de protection de la nature et a été immédiatement relayé par des milliers de scientifiques originaires de 43 pays. Tous dénoncent les dégâts prévisibles sur la faune sauvage. Qu’il s’agisse de mammifères protégés par les conventions internationales comme le jaguar, l’ocelot, le loup mexicain, l’antilope ou la chèvre sauvage. Ceux-là et d’autres, expliquent les scientifiques, seront rapidement éliminés par un « mur continu qui réduira les échanges entre les petites et grandes espèces qui font la richesse naturelle de la région. Les grillages priveront les animaux de leur territoire de chasse et de pâturages et affecteront toute la vie d’une zone très riches, y compris en leur refusant l’accès à des points d’eau et à des rivières, que cela soit en territoire mexicain ou en territoire américain ».
Ce n’est pas la première fois que les scientifiques de la nature dénoncent les projets de ce type destinés à séparer des populations et prétendant protéger certaines populations contre d’autres ou contre des migrants. L’exemple le plus connu est la muraille qui a peu à peu séparé Israël des territoires de l’Autorité palestinienne. Avec des conséquences irréparables pour la Cisjordanie et pour Gaza : des espaces déjà ravagés par la guerre et les colonies israéliennes à tel point morcelées que 90 % de la petite et grande faune sauvage à pratiquement disparu. Les mêmes dégâts ont été constatés à la suite de l’érection des grillages et barbelés qui séparent la Hongrie d’une grande partie des pays voisins, ne laissant un passage que le long de quelques routes ou voies de chemin de fer où le peu qui reste est guetté par des chasseurs qui exterminent les animaux survivants. Dans toute l’Europe, mais aussi sur les frontières avec la Turquie, des obstacles destinés à écarter les hommes et les femmes à la recherche d’un asile, se mettent en place des barrières inhumaines qui peuvent aussi éliminer des centaines d’espèces sans que nul ne songe à protester et à expliquer que la faune est également menacée.
Mur de séparation construit par Israël à l’entrée de Bethléem.
Illustration : Wikimedia Commons