Pour un nouveau pacte des catacombes
Par Marcelo Barros.
C’est la deuxième année que le pape propose que toutes les Églises locales du monde dédient le 33e dimanche du Temps ordinaire à une « Journée mondiale des pauvres », c’est-à-dire un jour au cours duquel l’engagement de toute l’Église, pasteurs et fidèle, aux pauvres du monde est célébré et intensifié.
L’intuition du pape découle certainement de son expérience lorsqu’il a constaté que l’évolution de la société actuelle entraînait une augmentation considérable de la pauvreté, des inégalités sociales et une masse d’immigrés et de réfugiés qui défient les îles de luxe du Premier Monde. Le pape s’est déplacé ; il s’est réuni avec des centaines de pauvres et de sans-abri au Vatican pour des repas. Et il propose que les évêques de leur diocèse et les prêtres de leurs paroisses fassent de même. Je connais beaucoup de gens disposés à suivre toutes les règles canoniques concernant la discipline ecclésiastique, mais je ne connais presque personne qui veuille suivre l’exemple du pape sur cette voie de la solidarité avec les pauvres.
En établissant sans aucun doute cette journée de communion avec les pauvres du monde, le pape rappelle que le 16 novembre 1965, 42 évêques qui se trouvaient à Rome lors de la dernière session du Concile Vatican II se sont réunis pour célébrer dans les Catacombes de Domitille et ont signé un document d’engagement pour simplifier leur vie, renoncer à tout signe d’ostentation du pouvoir et de la richesse et se mettre, ainsi que leur diocèse, au service des pauvres. Dans les jours qui ont suivi, d’autres évêques qui ne pouvaient être présents à la célébration initiale ont rejoint les premiers et ont signé le document [1].
En effet, le pacte des catacombes qui n’a pas été repris par le Concile ni par le pape Paul VI a eu un impact profond sur le diocèse et en particulier en Amérique latine [2]. Personnellement, il y a un peu plus d’un an, j’ai moi-même été interrogé dans le processus de béatification de Dom Helder Camara, à propos d’un point d’accusation. Dom Helder était accusé d’être un pauvre administrateur du diocèse. Quand il a démissionné de ses fonctions d’archevêque, ses accusateurs ont déclaré que son archidiocèse était dans une mauvaise situation économique. Le juge des référés m’a demandé si j’étais d’accord avec cette accusation. J’ai répondu « oui » et j’ai expliqué que Dom Helder avait pris au sérieux le pacte des catacombes et avait toujours vécu pauvre et appauvri l’archidiocèse. J’ai remarqué que le juge avait du mal à comprendre cela et j’ai conclu : « En fait, seul Jésus peut bien comprendre cela et le défendre. »
Au moment de la signature du pacte des catacombes, les défis étaient à la hauteur de l’époque. Aujourd’hui, nous devons demander aux pasteurs et aux fidèles un nouveau pacte des catacombes, qui ne concerne plus seulement la sobriété du mode de vie (qui reste important), et qui ne renonce pas seulement aux signes du triomphalisme religieux (malheureusement, ces dernières décennies les évêques et les prêtres ont retrouvé le pire du triomphalisme liturgique lors de cérémonies pompeuses médiévales, de gestes et de signes d’autocélébration narcissique pendant la Cène de Jésus et d’autres péchés similaires). Un nouveau pacte des catacombes est nécessaire pour rétablir le droit à une liturgie plus simple et plus priante, plus sobre et plus évangélique comme expression du discipulat d’égal à égal. Dieu doit toucher le cœur des ministres et des fidèles, des hommes et des femmes, tous témoins du plan divin pour le monde, qui ne consiste pas à revenir à la monarchie et à l’extravagance des cours médiévales.
Le nouveau pacte des catacombes doit nous libérer du cléricalisme que le pape dénonce comme la maladie de notre église. Il doit convaincre les nouveaux prêtres que Dieu est Dieu et l’amour et qu’il ne peut être ni socialement ni politiquement de droite ni réactionnaire. Un nouveau mode d’engagement envers les pauvres est nécessaire, il ne s’agit pas seulement de faire de la pauvreté un mode de vie, mais également un engagement de défense et de solidarité avec la lutte pour la libération des pauvres organisés. Le nouveau pacte des catacombes poursuivra les rencontres du pape François avec les mouvements sociaux et se battra pour une Église sortante et la résistance à un faux usage de Dieu légitimant de très mauvaises choses pour les démunis. Nous avons besoin d’un nouveau pacte des catacombes qui ne sera plus seulement les catacombes romaines de persécution des premiers chrétiens, mais les catacombes d’aujourd’hui, d’une société qui enterre la justice et les droits de l’homme comme si ceux-ci n’avaient rien à voir avec la foi. Ceux qui le font se proclament chrétiens et, malheureusement, de nombreux évêques et pasteurs, évangéliques et catholiques, les approuvent et les bénissent. Un nouveau pacte des catacombes s’impose en réaction à ce christianisme fasciste et anti-évangélique.
Grâce à Dieu, nous avons encore des frères et sœurs qui continuent le chemin du pacte des catacombes aujourd’hui. Récemment, je suis allé à Bahia et j’ai rencontré des habitants de la rue et des missionnaires laïques qui vivaient avec eux comme un choix évangélique. Ils m’ont donné des nouvelles du frère Henrique Peregrino, de la Trinité, qui vit depuis des décennies avec des enfants des rues dans les ruines d’une église à Salvador. Aujourd’hui, je rends grâce à Dieu pour le témoignage de certains diocèses d’ici, au Brésil, qui poursuivent cette ligne du Pacte des Catacombes et lui restent totalement dédiés.
Notes :
[1] Note de la rédaction : lire https://nsae.fr/2012/11/16/le-pacte-des-catacombes/ [2] Note de la rédaction : lirehttps://nsae.fr/2016/08/03/comment-helder-c…acombes-a-recife/
https://nsae.fr/2015/11/30/limpact-du-pacte…lise-daujourdhui/
Source : http://www.marcelobarros.com/blog/por-um-novo-pacto-das-catacumbas/
Traduction en anglais : http://iglesiadescalza.blogspot.com/2018/11/for-new-pact-of-catacombs.html
Traduction en français : Lucienne Gouguenheim