Par Jean-Luc Lecat
Si le prêtre est présenté comme figure du Christ tête, pourquoi ne pas imaginer les prêtres soumis de la même façon que Jésus aux tentations vécues au désert ? Essayons !… Avec un brin d’humour et de caricature…
Voilà Satan qui vous entraine, vous les prêtres, au cœur d’un rassemblement dominical ; il vous interpelle :
« Vous qui vous dites configurés au Christ-tête, cela ne vous séduirait-il pas de rester les seuls à pouvoir changer le pain en corps du Christ ? Ne voulez-vous pas continuer à être les seuls dignes et aptes à rassembler autour de la table du Seigneur ? N’est-ce pas merveilleux d’être les seuls à pouvoir donner le pardon de Dieu ? N’est-ce pas évident que les femmes doivent en être exclues ? »
Et vous pourriez répondre :
« nous, prêtres, pas question d’accepter de telles propositions, même si nous y avons cédé pendant des siècles ! Nous ne voulons plus nous approprier des pouvoirs qui sont à tous ».
Satan va essayer autrement de vous tenter ! Voilà qu’en cette pleine période des scandales de l’Église (sexe, pouvoir, argent), Satan, devant une immense foule assemblée, à nouveau, vous provoque :
« Vous qui vous dites représentants du Christ, si vous voulez, vous pouvez continuer de jouir d’influence et d’autorité sur le plus grand nombre de ces humains. N’est-ce pas extraordinaire quand vous les voyez suspendus à vos lèvres ? N’est-ce pas grisant de vous proclamer experts en humanité, détenteurs de la vérité et de l’erreur, spécialistes de ce que Dieu veut ou ne veut pas ? … »
Et vous de répondre à ce Satan séducteur :
« tu n’as rien compris ! Nous nous sommes peut-être beaucoup laissés séduire par toutes ces grandeurs et ces pouvoirs, mais cette fois, Satan, tu ne nous auras pas ! Nous ne sommes pas institués pour dominer, ni pour écraser les autres de notre supériorité, nous sommes là pour servir, pour mettre en lien, pour permettre à chaque femme et chaque homme de croire en eux, et d’être debout ! avec tous les baptisés nous sommes en route… comme tous les humains, pas plus et pas moins ! »
Une fois encore Satan ne se résout pas à la défaite ! Et il susurre au fond de vos cœurs de prêtres :
« mais vous qui vous dites signes du Christ tête, ne voudriez-vous pas continuer à bénéficier des privilèges et des honneurs attribués à votre statut ? n’avez-vous plus soif du respect admiratif, servile même parfois, dû à votre charge ? n’est-ce pas grisant cette écoute et cette obéissance craintive ou résignée de tous ces baptisés ? Et votre autorité, et le faste, et la considération, ne serait-ce pas bien frustrant d’y renoncer ? N’avez-vous pas très envie et plaisir et fierté de continuer à en profiter ? »
Et vous, prêtres, de crier :
« Arrière Satan !! Tes pensées, tes sollicitations sont toutes plombées par l’intérêt, l’orgueil, le goût de dominer ! Elles n’ont rien à voir avec le projet de Jésus que nous pensons avoir à vivre ! Elles ne sont que mirages, désirs de grandeur et illusion pour être plus, ou différents des autres… arrière ! Ça suffit ! »
« Attention, ils résistent ces prêtres », s’exclame Satan.
« Mais ils vont voir ! Ils ne résisteront plus longtemps ! J’ai une dernière botte, une arme absolue : les fidèles, leurs paroissiens dévoués, et si souvent flatteurs… »
« Oui », intervient à nouveau Satan, « vous, les prêtres, continuez de vous laisser sacraliser et endormir par tous ces laïcs qui vous entourent, et qui sont aux petits soins pour vous : “monsieur le curé n’a besoin de rien ?” “Oh, mon père, qu’est-ce que je peux faire pour vous ? ” “Il ne faut pas le déranger, il est si débordé !” “Sa vie n’est pas facile, déjà qu’il est seul !”… »
« Voilà », exalte Satan : « mes meilleurs alliés ! les fidèles ! »
« Ils ont vraiment envie que vous restiez les prêtres qu’ils ont toujours connus »… « allez ! Continuez, vous, laïcs, à sanctuariser et à a surprotėger vos prêtres pour que je les garde sous ma coupe ! »
Et vous prêtres, tout ébahis, vous n’en revenez pas !
« Satan, c’en est assez ! retire-toi ! Arrête tes tromperies ! Et vous, nos frères et nos sœurs, dits laïcs, comme nous, ne vous laissez pas entourlouper par le pseudo respect que vous nous devriez, ni par une considération infantilisante : nous ne sommes, comme vous, que des humains passionnés de Jésus-Christ. Osez nous contredire, nous contrarier, être “vous” ! éventuellement n’ayez pas peur de faire l’inverse de ce que nous voudrions ou attendons, mais aussi acceptez de nous écouter, sans vous laisser enfermer dans nos paroles ou nos choix ! Nous sommes tous, vous et nous, des humains baptisés en route de vie et d’humanité ! Paix et liberté à vous ! »
Ayant épuisé toutes formes de tentation, le diable se retira.
« Jésus, reste avec nous ! Au milieu de cette avancée pleine de tempêtes, de vagues et de cris, confrontés à l’instable et aux remous violents, à l’aide ! Au secours, ne nous laisse pas couler ! Ouvre-nous davantage à notre siècle, à notre monde d’aujourd’hui, à ses valeurs et à ses besoins ! Donne-nous de vivre cette aventure, baptisés avec les baptisés.
Donne-nous le pain du jour ! Délivre-nous du malin. »
