Par Marité Delalande
Ce texte est repris d’un article du site de Dieu Maintenant intitulé « Scandale dans l’Église » et présenté ainsi :
Les médias dévoilent presque chaque jour des comportements très graves dont sont responsables des prêtres et des responsables dans l’Église. On ne peut ni rester indifférent ni se taire. Comment réagir ? Trois membres de l’équipe animatrice de Dieu Maintenant se situent. Chacun d’eux, de façon différente, dit sa souffrance.
J’ai été longtemps heureuse de vivre dans différentes paroisses. J’ai aimé ces lieux où l’on peut rencontrer des personnes de sensibilités chrétiennes différentes et parler les uns avec les autres en vérité. Progressivement, je n’ai plus trouvé cette liberté de parole et ce poids d’humanité qui pour moi vont avec la foi. J’ai cessé depuis des années d’être active dans une communauté chrétienne. J’ai pourtant toujours tenu à participer à l’eucharistie dominicale. J’ai préféré assister à des messes le dimanche soir parce qu’elles étaient plus courtes et que l’assemblée était moins nombreuse. Dans l’église, j’avais le sentiment d’être sur les marches de la cave, mais j’étais à l’intérieur. Cette pratique dominicale régulière était ma manière d’affirmer que… quand même j’en suis ! Aujourd’hui je ne suis pas sûre de pouvoir continuer à le dire.

Nous sommes à l’entrée du Carême. Il conduit aux célébrations de la Semaine Sainte. Je me projette au Jeudi Saint, ce jour où – entre tous – on célèbre le dernier repas de Jésus, mais aussi où on affirme une communion en Église qui dépasse les communautés particulières ; une communion qui, pour les catholiques, s’affirme par un lien avec la hiérarchie. Ce lien ne peut être que de confiance.
Je n’ai jamais été dupe d’une tendance de la hiérarchie à aimer et sacraliser son pouvoir. Mais après tout l’Église catholique est faite d’êtres humains, avec leur grandeur et leur faiblesse. Je pouvais regretter profondément telle ou telle attitude, mais je faisais quand même confiance. Aujourd’hui, cette confiance a disparu. Participer à l’eucharistie du Jeudi Saint – et par contre coup à celles du dimanche – manifeste la confiance en cette Église hiérarchique. Puis-je en toute vérité le dire aujourd’hui ? J’aurais le sentiment soit d’avoir un comportement menteur, soit de couvrir par ma présence un fonctionnement hypocrite.
L’hypocrisie qui apparaît aujourd’hui dans la manière dont fonctionne la hiérarchie catholique me scandalise. Elle atteint ma foi la plus profonde non pas en Jésus Christ, mais en l’Église. Je savais que les évêques avaient été alertés sur la pédophilie de certains prêtres, en particulier dans des communautés nouvelles. Je savais qu’ils n’avaient pas toujours réagi à temps. Mais je pensais que c’était de l’ordre de dysfonctionnements ponctuels. En fait, je découvre que c’est plutôt le fonctionnement habituel. Je ne savais pas que des prêtres qui avaient violé des religieuses pouvaient être maintenus dans leur statut clérical. Je ne savais pas que la même hiérarchie qui interdit l’avortement peut revenir sur ses positions quand il s’agit de « protéger » (!) un prêtre. Je ne savais pas que l’homosexualité était de pratique courante au Vatican et que ceux-là mêmes qui recommandent aux homosexuels de s’abstenir de tout rapport sexuel n’hésitent pas à passer eux-mêmes à l’acte ou à couvrir ceux qui y passent. Je pourrais également parler du nonce à Paris, du cardinal australien proche du pape et de tant d’autres faits qui nous sont révélés presque tous les jours. Cela va-t-il s’arrêter ? Je pourrais aussi évoquer le fait que la hiérarchie semble jouer entre ses propres lois et celles de la société selon ce qui l’arrange. Elle met en avant le fait de se soumettre d’abord aux lois civiles, dans l’affaire du cardinal australien. En revanche quand il s’agit du nonce à Paris, elle met en avant l’immunité diplomatique qui le protège comme envoyé de l’État du Vatican.
On pourra me dire – et je le fais moi-même – que ce n’est pas seulement cela l’Église catholique. Je le sais bien. Je n’ai personnellement jamais rencontré de prêtre pédophile ; en revanche je compte dans mes amis plusieurs prêtres que j’estime profondément. Je sais combien leur travail est rude. Je connais beaucoup de chrétiens qui luttent, au nom de leur foi, pour que les étrangers soient accueillis. J’en connais qui, avec une simplicité et un dévouement sans borne, accompagnent bénévolement des enfants gravement malades. Je pourrais ainsi multiplier les exemples. Mais il se trouve que je suis catholique et, dans mon Église, on demande de faire confiance au fonctionnement hiérarchique. Certes on pourra toujours me dire que tel ou tel évêque est profondément honnête ou que le pape lui-même essaye de faire le ménage. Mais étant donnée l’ampleur du scandale, je pense qu’il ne s’agit pas d’abord des personnes, mais du fonctionnement général dans lequel elles sont prises. Ce fonctionnement me semble schizophrénique. D’un côté, des paroles d’une rigueur totale en ce qui concerne les questions liées en particulier à la sexualité : avortement, remariage des divorcés, homosexualité, PMA, GPA… De l’autre des pratiques intra cléricales dévoyées.
J’ai déjà constaté que ceux qui défendent envers et contre tout des valeurs morales sont souvent ceux dont le comportement caché est le plus perverti. Ce que l’on voit chez certains individus me semble jouer au niveau de l’institution entière. Comment lui faire confiance ? Comment lui confier nos enfants ? Comment participer à l’eucharistie quand le lien de confiance est rompu ?
Si encore le désastre actuel pouvait contraindre la hiérarchie à tenir un discours moins vertueux et plus humain en particulier en matière de sexualité ! Mais même sur ce point, je n’en suis pas sûre !
J’ai honte pour mon Église !
Source : http://www.dieumaintenant.com/scandaledansleglise.html

Je me retrouve absolument dans le 2° témoignage que j’aurais pu signer…
Annie Grazon