L’unité de l’Église menacée par la naissance du mouvement anti-François de Bannon
Par l’équipe de rédaction du National Catholic Reporter
Le pape François, connu pour avoir embrassé des pieds de musulmans, mis en garde contre les dangers des combustibles fossiles et qualifié prophétiquement de mort spirituelle la construction d’un mur, s’est forgé une réputation d’anti-Trump.
Ce que nous avons appris à propos de Donald Trump au cours des deux dernières années, c’est que, si le président a tendance à tirer tous azimuts, que ce soit sur de femmes nouvelles venues au Congrès ou des joueurs de football qui protestent, il a en grande partie laissé indemne le chef religieux le plus puissant du monde.
François pourrait avoir en Steve Bannon, l’ancien collaborateur de la campagne de Trump, un ennemi plus redoutable. Celui-ci a récemment souligné que c’est l’œuvre de Dieu qui a généré des dizaines de milliers de votes au Wisconsin et au Michigan lors du triomphe des Républicaines aux élections de 2016 et il a clamé son engagement pour la « droite alternative », expression mal définie généralement associée aux partisans du Mémorial de la Confédération [1] et aux trolls anti-immigrés sur internet.
Maintenant, Bannon installe sa magie providentielle au Vatican, s’attaquant au pape, avec l’aide de riches amis américains et européens. Il a même acheté un monastère dans un village italien en dehors de Rome, une sorte de contre-Vatican où il organise des séminaires pour former une nouvelle génération de dirigeants à ce qu’il appelle le nationalisme populiste. Les villageois italiens qui protestent contre ses projets préfèrent le qualifier de fascisme.
Appelez-le comme vous voulez, mais dans un reportage diffusé le dimanche des Rameaux, le correspondant de NBC, Richard Engel, rapporte que Bannon est sérieux. Engel note que Bannon et d’autres ennemis du pape le voient comme « un libéral de gauche et qu’ils vont venir le chercher ».
Bannon, à la recherche de nouveaux domaines à conquérir après avoir été licencié par Trump il y a deux ans de son poste de conseiller à la Maison-Blanche, affirme qu’il bénéficie du soutien de puissants Américains et de catholiques importants, dont le cardinal Raymond Burke. Leur cri de ralliement est l’échec du pape à résoudre la crise des abus sexuels qui, selon Bannon, menace de mettre l’Église en faillite et de la forcer à liquider ses propriétés. C’était peut-être le mode d’expression d’Engel dans son article, mais quoi qu’il en soit Bannon se concentre sur la propriété, pas sur les victimes.
Le nationalisme populiste de Bannon reste un concept difficile à intégrer dans un cadre catholique. Depuis que Paul a convaincu Pierre que l’Église devait renoncer à la circoncision obligatoire pour les convertis, émerger de son cocon judaïque et embrasser pleinement le monde des Gentils, le catholicisme a toujours été symbole d’universalisme. La papauté a longtemps lutté contre les souverains européens qui voulaient contrôler l’Église à des fins nationalistes et, lorsque les catholiques sont venus aux États-Unis, ils ont été souvent perçus comme agents d’un État étranger hostile, accusations qui ont fait échouer la campagne présidentielle d’Al Smith en 1928.
Actuellement, Bannon a repris le flambeau nationaliste contre le pape. Suivant l’initiative de Trump, il a conseillé aux partis nationalistes européens de poursuivre leur déchaînement anti-immigrés. En nette contradiction avec François.
Engel pointe également un autre aspect de l’appel de Bannon. François bénéficie toujours de cotes de popularité que Trump ne pourrait espérer. Mais il y a un segment parmi les catholiques qui ont entendu François s’exprimer sur les dangers du capitalisme débridé, faisant certes écho aux papes antérieurs, mais avec une plus grande ferveur, ce qui provient de ses racines latino-américaines. Ce groupe n’aime pas ce qu’il entend.
Comme le dit Engel, le mouvement de Bannon est financé par ceux « qui pensent que le pape est mauvais en affaires ».
Bannon, tout en accueillant ce soutien avec sa promesse de beaucoup d’argent, s’attaque personnellement au point de vue du pape sur l’enseignement catholique.
« Voilà le problème… Il impute constamment toutes les fautes du monde au mouvement nationaliste populiste », a dit Bannon à Engel, à propos des raisons de son opposition à François.
Bien que le soutien à l’agenda de Bannon puisse être négligeable dans les sondages, le fait qu’il revendique l’allégeance d’une frange de catholiques influents est désastreux. Les évêques en particulier doivent savoir clairement de quel côté ils se trouvent : le pape ? Ou le mouvement émergent anti-François de Bannon ? L’enjeu n’est rien moins que la survie même d’une Église catholique unifiée.
Note de la rédaction :
[1] Allusion au Confederate Memorial Day (Fête de la mémoire confédérée), qui est un jour férié officiel dans certains États du sud des États-Unis afin d’honorer ceux qui sont morts durant la guerre de Sécession, en se battant pour les États confédérés d’Amérique (États esclavagistes).
Source : https://www.ncronline.org/news/opinion/bannons-emerging-anti-francis-movement-threatens-church-unity
Traduction : Lucienne Gouguenheim