OSONS DE VRAIES RÉFORMES !
Entre désolation, révolte, compassion et découragement, quelques ami.e.s se sont rencontrés à propos de la « crise » que traverse l’Église catholique en raison des actes de pédo-criminalité perpétrés par quelques-uns de ses membres, y compris haut placés dans la hiérarchie.
Réparer l’Église et ne pas la déserter, interroger notre foi en Christ crucifié et ressuscité, accueillir les victimes, mettre des mots sur des mécanismes destructeurs et reprendre en partie notre théologie, ne pas en rester au constat mais proposer un vrai Grand Débat dans l’Église, … les buts différent, mais tous nous nous sentons convoqués.
Nous poursuivons cet échange pour en rejoindre bien d’autres, avec un sentiment mêlé d’urgence et d’humilité créatrices, au service de l’annonce de l’Évangile !
• ALTÉRITÉ. Le non-respect du principe d’altérité est à l’origine des comportements fautifs et de la passivité à leur égard. La non-possession de l’autre, la rencontre et le respect de chacun dans sa dignité originale sont des éléments centraux du message évangélique. Cette caractéristique principale du « style » de la proposition chrétienne doit s’incarner dans l’organisation de l’Église comme dans ses relations avec la société.
Au sein de la communauté, la reconnaissance de l’autre doit permettre d’ouvrir plus largement à tous et toutes le partage des diverses responsabilités nécessaires à la vie commune. Il ne s’agit pas d’un simple souci organisationnel, mais de l’expression de la féconde altérité, base de toute vie sociale et personnelle.
Dans sa relation avec le monde, l’Église, tout spécialement à la suite du Concile Vatican II, est invitée à apprendre à se mettre vraiment à l’écoute bienveillante de la société, plutôt que de donner l’impression qu’elle la juge. Est-il possible de rester sourds aux messages proposés par la sécularisation des sociétés, la quête du bonheur et de l’autonomie personnels, la vitalité des cultures ici et à travers le monde ? Cette priorité donnée à l’autre, aux autres est une condition pour la réception de la proposition d’une bonne nouvelle par nos contemporains. L’altérité ne conduit ni au relativisme réducteur ni à l’acceptation de toutes les évolutions de la société. Elle permet aux membres de l’Église d’entrer « en conversation » avec le monde et de contribuer ainsi à son humanisation.
Que la dynamique d’altérité, condition de toute fraternité, si présente dans le message biblique et dans le comportement de Jésus, inspire la nécessaire réformation de l’Église dans ses modes de fonctionnements. Que la rencontre avec le monde « autre » soit perçu comme une source de joie et de responsabilité ; non comme une menace pour la foi.
• GOUVERNANCE. Cette question est centrale, à condition de ne pas la traiter pour elle-même mais en référence avec la mission confiée à la communauté des disciples de Jésus. Un système institutionnel hiérarchique – dont les dirigeants s’estiment seuls et à vie en responsabilité -, semble s’opposer ou se déployer en ignorance avec un système « associatif » fonctionnant avec des mandats limités, (associations, groupes et mouvements de laïcs), – auquel est confié la relation de générosité avec la société. Au point de nier l’égale responsabilité des chrétiens dans la prise de décisions, en particulier pour tout ce qui les concerne directement.
Au point de rendre difficilement « vivable » pour ceux et celles qui n’appartiennent pas au cercle « institutionnel », le projet de communion pourtant proclamé par les « responsables ». Au point de taire les scandales pour ne pas fragiliser l’édifice. Au point de ne penser la gouvernance qu’à travers la gestion calamiteuse de la pénurie de clercs, sans ouvrir de nouvelles pistes d’animation. Ce système -qui fait partie du cléricalisme- ne va pas jusqu’au bout de l’exigence de coresponsabilité, collégialité, synodalité présente dans l’histoire de l’Église.
Que se développent localement, en lien avec toute l’Église, des expériences différentes d’animation où le partage de l’autorité sera vécu comme un service. Que la coresponsabilité au sein de l’Église Peuple de Dieu ne soit pas ressentie comme une concurrence entre des systèmes hiérarchiquement qualifiés, mais dans le souci de la co-construction des décisions à prendre et de l’exigence d’une relecture des pratiques suivies par chacun ! Que soit créée, une Assemblée particulière de l’Église de France dont les membres seraient élus et parleraient à voix égale qu’ils soient clercs, religieux ou laïcs.
• NON A LA SACRALISATION DE CERTAINES FONCTIONS. Dans la suite du souci d’une meilleure gouvernance il convient de mettre en cause, la « mise à part » qui vise certaines personnes, généralement masculines, auxquelles seules sont confiées des missions décisionnelles et sacramentelles. Ces personnes, souvent formées dans un esprit de séparation d’avec les autres -tout en prétendant être à leur service-, sont enfermées dans un sentiment « d’intouchabilité » qui peut être éprouvé tant par des clercs que par des laïcs. Les titres et les appellations qui leur sont réservés en sont souvent le signe.
C’est une autre expression du cléricalisme dénoncé par le pape François qui peut conduire à la passivité ou pire à la compromission par rapport à des pratiques non respectueuses de la dignité de la personne- tout spécialement des plus faibles-, et contraires au primat de la conscience libre qui inspire la vision chrétienne de la personne. Une telle sacralisation amène par ailleurs à enfermer l’image de Dieu dans une seule expression humaine, démarche d’idolâtrie que le message biblique dénonce fortement.
Que la formation permanente des « animateurs » (femmes et hommes) au service de la mission de la communauté soit inspirée par un Esprit de fraternité s’interdisant de faire de certains, des « représentants » de Dieu sur terre, coupés du reste de la population. Que le partage des tâches d’animation et des fonctions diverses, confiées à des hommes et à des femmes, évite de créer des castes de personnes « intouchables ».
• SEXUALITÉ ET CONJUGALITÉ. La parole de Dieu et le discours de l’Église ont magnifié, la beauté de la capacité d’amour présente en chaque être humain. A certaines périodes, et encore aujourd’hui, ce discours a pris une tournure où le juridisme et l’interdiction l’emportent sur l’appel à la responsabilité. Une méfiance s’instaure, parfois inconsciemment, envers la sexualité, et le « péché de la chair » l’emporte en gravité sur tous les autres. La place faite à la femme dans ce domaine jette sur elle un discrédit contraire à la beauté du geste de la Création « Homme et Femme ».
Si nombre de textes de l’Église contredisent un tel discours, il faut bien reconnaître qu’il existe dans la communauté catholique. Une telle « obsession » négative de la sexualité ou pour le moins le manque de clarté à ce sujet, jette un discrédit sur l’ensemble des recommandations faites par l’Église dans ce domaine et augmente le fossé entre elle et la société. D’autant plus en ces temps où ceux qui tiennent les discours les plus exigeants sont parfois ceux dont le comportement est en contradiction avec les interdictions proclamées. Par ailleurs certaines des « règles » imposées par l’Église catholique dans le domaine de la conjugalité et de la procréation, apparaissent totalement décalées au regard du principe de la responsabilité reconnue à chaque personne ainsi qu’au message de confiance que propose la Bonne Nouvelle.
Que s’ouvre, à la lumière des textes relatifs à la Création qui soulignent la richesse de la relation, un vrai débat dans l’Église au sujet de ses « discours » relatifs aux pratiques de la sexualité, de la conjugalité et de la procréation. Que soit privilégié le principe de la responsabilité et de la dignité due à chaque personne. Que la sexualité soit perçue, comme un don de Dieu, un chemin vers l’épanouissement de la personne et du groupe familial.
• AJUSTEMENT ÉVANGÉLIQUE. Devant l’ampleur des réformes à réaliser, chacun est appelé à une conversion. Ce mot pourrait servir de fuite devant la réalité institutionnelle et structurelle qu’il convient de transformer s’il restait cantonné à une sphère intérieure et individuelle. Oui nous sommes conviés à nous laisser transformer par l’incarnation du message de Jésus. Oui nous sommes invités à devenir toujours plus « christien », adepte du Nazaréen mort et ressuscité, avant de nous rassurer dans la quiétude d’une structure de chrétienté. Oui il s’agit de re-susciter notre communauté dans la dynamique de la victoire de la vie sur la mort, de l’amour sur l’indifférence. Oui, suite à l’appel du Christ qui nous confie à tous et toutes la mission d’évangélisation, le « sensus fidei » donne à chacun de nous, non un pouvoir mais une responsabilité.
Parce qu’il y a urgence nous rebâtirons dans la durée et dans la diversité des approches. La patience et le débat ne sont pas démission. Ils peuvent même, et cela est sain, être affrontement. Parce tant d’êtres humains blessés par d’autres êtres humains appellent au secours, nous donnerons la priorité à leur accueil comme Jésus le fit sur les routes de Galilée. Parce que les fautes commises exigent justice nous veillerons à ce que l’évocation du pardon, si nécessaire devant tant de désespoir, ne soit pas un prétexte pour fuir les responsabilités mais l’occasion d’entendre le Christ dire « Lève-toi et marche ». Parce le fossé s’est agrandi parmi les membres de la communauté catholique nous n’utiliserons pas le légitime souci de communion pour taire les divergences ni les critiques, comme Jésus lui-même en fit l’expérience radicale.
Que dans nos réactions et propositions de réforme, dans nos comportements personnels et communautaires, nous prenions toujours le temps d’ajuster nos analyses et nos décisions à la Parole évangélique, sans nous en tenir à la seule référence à un dogme, un rite, ou à une habitude.
Signataires :
Anne Marie AITKEN, xavière
Guy AURENCHE, avocat honoraire
Laurent GRZYBOWSKI, journaliste
Monique HEBRARD, écrivaine
Jean Pierre ROSA, ancien directeur général des SSF
Gérard TESTARD, responsable d’association
Le 9 Mai 2019 (Contacts : Guy@aurenche.com ou m.hebrard@wanadoo.fr )