Rappelons [1] que parmi les participants, auditeurs et collaborateurs du synode amazonien qui se déroulera du 6 au 27 octobre prochains, 185 membres ont le droit de vote et qu’un certain nombre d’auditeurs et de collaborateurs prenant également part aux discussions sont autorisés à assister et à participer aux discussions, mais ne peuvent voter sur aucun document final ou problème.
Il n’y a aucune femme parmi les 185 membres avec droit de vote. Parmi les 80 participants non-votants, on compte 20 femmes religieuses et 13 femmes laïques. Dix des religieuses sont des déléguées du groupe mondial représentant les ordres religieux des femmes, l’Union internationale des supérieures générales.
Nous publions ici la réaction de Phyllis Zagano [2]
J’ai bien compris. C’est un synode d’évêques, après tout. Mais, en théorie du moins, les supérieures générales des communautés religieuses féminines sont égales aux évêques. De même que les évêques diocésains, les supérieures ont compétence sur des centaines de femmes et contrôlent des millions de dollars en fonds et en biens. L’Union internationale des supérieures générales compte environ 1 500 membres, qui dirigent plus de 650 000 religieuses et supervisent la véritable miséricorde et le ministère de l’Église vivante. Pourtant, aucune n’a de droit de vote au synode.
Il n’en a pas toujours été ainsi. Dans le passé, les capacités, l’intelligence et l’autorité légale des femmes étaient respectées.
Jusqu’à la fin du 19e siècle, certaines abbesses ont exercé une juridiction ecclésiastique absolue sur le peuple et les terres de leurs abbayes territoriales. Ces abbesses ont eu la même autorité que les évêques. Elles ont accordé aux prêtres la faculté d’entendre les confessions, de célébrer la messe et de prêcher. Elles ont nommé des aumôniers et des curés ; elles ont supervisé les procédures judiciaires de l’Église ; elles ont veillé à la bonne marche des élections des supérieurs religieux. En clair, ces abbesses ont supervisé ce qui est sur la plaque d’immatriculation de votre évêque aujourd’hui. Pendant 700 ans, les papes successifs ont reconnu, voire accru, leur autorité, notamment en France, en Italie, en Espagne et en Suède.
Le pape Pie IX, pape de l’infaillibilité papale et du Premier Concile du Vatican, a mis fin à tout cela en 1873 avec une bulle intitulée Quae diversa ou « Différences ». Pie IX, élu à l’âge de 54 ans et décédé à l’âge de 85 ans, effectua le plus long pontificat de toute l’histoire. Il a été béatifié par le pape Jean-Paul II en 2000, après des années de controverse au cours desquelles sa cause de canonisation a été refermée à plusieurs reprises.
Aujourd’hui, l’aile droite des catholiques qui affectionent les pièces de musée de l’Église, en particulier la messe latine, trépigne dans une colère irrespectueuse face aux initiatives du pape François. Bien que François ne s’écarte pas de la doctrine de l’Église, ils inventent des problèmes dont ils se plaignent par le biais de divers blogs, sites Web, journaux, chaînes de télévision et stations de radio. Par exemple, François ne « préconise » pas la communion des catholiques divorcés et civilement remariés, mais des commentateurs de droite en colère disent que son approche pastorale le fait. De plus, l’extrême droite semble penser que ce sera la fin du monde si un homme marié est ordonné prêtre latin, malgré le caractère simplement disciplinaire du célibat clérical et le fait qu’il y a dans le monde plusieurs centaines de prêtres latins qui sont mariés. Quant à ordonner des femmes comme diacres, n’y pensez même pas. La droite ignore les ordinations sacramentelles historiquement documentées des femmes diacres, les liturgies utilisées, les témoignages littéraires et même les pierres tombales mentionnant leur titre : diacre.
Sous tous les feux et fumées, ce qui mijote c’est une misogynie flagrante héritée de l’imaginaire de la droite, pour qui ce qui a été est ce qui doit être. La misogynie est réelle. L’histoire nous apprend que les papes et les évêques se sont battus contre la présence des femmes à l’autel avec le même raisonnement que contre les prêtres mariés : les femmes sont impures et ne peuvent être proches du sacré. De plus, les femmes sont stupides. (Le canoniste italien du 13e siècle, Bernard de Botone, a estimé que les femmes ne pouvaient pas être excommuniées parce qu’elles étaient trop stupides pour comprendre la loi.)
Les hommes d’Église croient-ils encore cela ?
Certes, la majeure partie des hommes participant au synode en tant que membres votants, auditeurs ou experts sont des personnes extrêmement instruites et intéressantes. Mais les tambours de l’extrême droite fortunée doivent résonner fort dans leurs oreilles. Femmes diacres ? Prêtres mariés ? Chacune est une bonne idée pour pourvoir aux besoins de l’Église en Amérique du Sud et dans le monde entier. Chacune est un point proche de l’hystérie pour ces voix mineures, mais très fortes.
L’Église pourrait très bien être proche d’un point de rupture. La droite catholique est déjà dans le schisme quand elle nie l’autorité de l’enseignement du pape. Cependant, si le synode ne recommande pas les femmes diacres et les prêtres mariés, le jeu est terminé.
Le schisme dont il faut s’inquiéter, c’est celui de toutes les femmes quittant l’Église.
Notes :
[1] Voir : AMAZONIE : dans la ligne de « Laudato si » [2] Phyllis Zagano est auteure de nombreux ouvrages dont, traduit en français, Des femmes diacres
Source : https://www.ncronline.org/news/opinion/just-catholic/women-walking-together-away-church
Traduction : Lucienne Gouguenheim
Illustration : https://sites.hofstra.edu/phyllis-zagano/
