Par Shlomo Sand
Le terme antisémitisme a été inventé au XIXe siècle par W. Marr, qui détestait les juifs et se référait à l’idée de hiérarchie des races. En fait on ne connaît que des langues sémites, mais pas de race sémite, et les juifs d’Europe ne peuvent être considérés comme sémites, même si des chercheurs israéliens essaient d’identifier un ADN juif ! Cet antisémitisme est l’héritage des Églises chrétiennes du IVe siècle, avec l’invention du mythe de l’Exil (de Jérusalem) en punition du meurtre du Fils de Dieu. En fait il n’y a pas eu d’exil en 70 au moment de la destruction du Temple par les Romains. Il n’y a pas de peuple-race étranger à l’Europe, comme l’ont reconnu de multiples auteurs tels qu’Ernest Renan. Le recul du christianisme ne s’est pas accompagné du déclin de la tradition judéophobe. Les nouveaux laïcs l’ont transformée en idéologie nationaliste moderne, avec des préjugés récurrents sur le rapport à l’argent que l’on trouve chez Shakespeare, Voltaire, Hegel, Marx… Fourier, Proudhon… Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la majorité des juifs étaient antisionistes. Par exemple le Bund (juifs de gauche) considérait que les sionistes étaient des alliés des judéophobes. Mais le diagnostic sioniste d’un danger pour les juifs dans la civilisation européenne (et non judéo-chrétienne comme on dit) était exact. Au bout du compte chaque sioniste s’obstine à voir Israël comme l’État des juifs du monde entier, et non comme une république pour tous ses citoyens. L’assimilation antisionisme/antisémitisme est une manœuvre cynique et manipulatoire contraire aux apports de tant de personnes reconnues dont la liste est très longue : ces personnalités tomberaient-elles sous le coup de l’accusation ? Certes il y a des idiots antisionistes et judéophobes, et aussi des imbéciles prosionistes et judéophobes, mais ce ne peut être un argument. Parmi les facteurs de l’antijudaïsme en France, on ne peut nier que la politique d’Israël dans les territoires occupés amplifie le phénomène. Pour sa part, il est partisan de la désionisation de l’État d’Israël.
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