Un appel à l’action.
Par Joan Chittister
Je sais, je sais : « Il faut faire toutes choses avec modération. » J’ai aussi grandi avec ce petit adage de sagesse. Ceci dit, je dois également signaler la confusion qui s’est emparée de moi en lisant la réponse de Jésus : « Si vous n’êtes ni chaud ni froid, je vous vomirai de ma bouche » (Apocalypse 3:16).
Pour ceux qui peuvent éventuellement s’interroger, ça se traduit par « Debout. » Levez-vous pour quelque chose. Levez-vous et prenez position. Avec force, si nécessaire. N’attendez pas seulement de voir comment les choses vont se passer. Prenez part à la conversation. Prenez part à la sagesse. Participez aux questionnements qui l’accompagnent. Apportez les idées que vous avez apprises ailleurs pour que les autres puissent aussi y réfléchir. Et quoi que vous fassiez, ne restez pas « assis entre deux chaises. »
Le problème c’est que l’opinion est entièrement coincée en ce moment entre les deux chaises. On ne sait pas où s’asseoir. On ne sait pas quelle position adopter, alors on prend du recul et on laisse les autres réfléchir à notre place.
Les membres du Congrès qui font une croix sur leur conscience pour plaire au système plutôt qu’à l’Évangile ne vont rien défendre. Certes, les riches qui votent pour leurs rendements boursiers et leurs réductions d’impôts plutôt que pour répondre aux besoins de la nation tout entière ne vont pas se soucier de petites choses – comme la pauvreté de quelqu’un d’autre. Et sans aucun doute, le tout un chacun qui ne peut plus discerner les mensonges politiques de la vérité peut savoir dans son cœur ce qui est juste, mais n’a aucune idée de ce qui est arrivé au processus du Congrès qui a décidé ces choses.
Nous sommes tellement habitués aux faits alternatifs, aux valeurs concurrentes, aux interprétations constitutionnelles peu claires et à la différence entre les lois nationales et, disons, la montée d’une présidence impériale, qu’il est impossible de savoir qui sait quoi. Lorsqu’une « présidence royale » – un oxymore en soi, comme doux-amer ou mort-vivant – l’emporte soudainement sur toute autre force législative du pays, le peuple que le mensonge a conduit à ne plus croire aux faits. Maintenant, les « faits » ne sont plus qu’une fête mobile.
« Ils mentent tous », disent les gens à propos des politiciens et des agences nationales et des médias et même des scientifiques dont on leur a appris à douter afin que les entreprises n’aient pas à apporter de changements écologiques à leurs produits ou leurs procédures. En effet, les gens ont appris à douter, alors maintenant le gouvernement et la science nous supplient de nous sauver, car il est déjà trop tard pour débattre du changement climatique. Mais comment pouvons-nous gagner quoi que ce soit tout en continuant à faire reculer les réglementations écologiques dans l’intérêt à court terme des entreprises ?
Comment une nation est-elle censée faire confiance à quiconque ou à n’importe quelle loi alors que le président lui-même, s’étant déclaré supérieur, fait simplement des affaires avec la loi en refusant d’en être le gardien, de l’honorer, de la soumettre à son examen et à sa validation ?
Face à ce genre de raisonnement, dites à nos jeunes que nous sommes un pays de droit et entendez les rires par-derrière. Mais maintenant, c’est à vous.
Dans un monde comme celui-ci, beaucoup pensent qu’il vaut peut-être mieux garder la tête baissée et suivre le troupeau plutôt que de risquer l’attention, ou pire, la désapprobation publique. Ne rien faire et ne rien dire du tout est devenu la nouvelle définition de la paix et de la sécurité dans un monde de troubles politiques et de familles de travailleurs vivant dans des villages de tentes faute d’un salaire minimum décent et à cause de la disparition des logements sociaux. Cela, alors qu’en même temps, on nous dit que l’économie grimpe en flèche quand on dépense de l’argent pour construire des murs au lieu d’augmenter le salaire minimum pour en faire un salaire décent.
Je renonce : où est la mesure ? En fait, la mesure est-elle morale lorsque des sujets tels que ceux-ci ne sont même pas discutés et débattus dans les plus hautes sphères du gouvernement ?
Tant pis pour la démocratie. Nous avons vu des démocraties détruites. Mais il est tout aussi possible de laisser simplement la nôtre mourir prématurément de la peste de l’indifférence fédérale.
Dans une population et un système politique assis entre deux chaises, être ni chaud ni froid est devenu tout un art. Il y a bien sûr un ensemble de normes. Comme « Ne rien dire de ce qu’on n’aime pas. Rester silencieux et espérer que ce terrible cauchemar se termine enfin. S’écarter et faire de la place aux nationalistes blancs, aux racistes, aux fusils automatiques, à la nouvelle monarchie élue. » Après tout, « il y avait des gens très bien des deux côtés », non ?
Le problème ? La scène entière a la tonalité de « La servante écarlate ». Tout le monde est aligné, souriant avec un sourire affiché, sûr que le monde peut être sauvé malgré le fait que peu de gens disent quelque chose pour le sauver. Comme les lois sur les armes à feu. Comme rejoindre l’accord de Paris sur le climat. Comme arrêter la guerre tarifaire. Comme imposer des réglementations écologiques juste avant que la prochaine ville ne soit sous l’eau et que les pauvres n’aient pas d’eau du tout.
Non, la modération n’y parviendra pas. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de l’extrémisme chrétien, de l’idée qu’il y a des choses qui ne peuvent pas être tolérées dans la vie, qu’il y a quelque chose que nous pouvons faire pour résoudre ces problèmes si nous voulons vraiment le faire.
Nous avons besoin de gens qui sont « chauds ou froids ». Et Jésus les aime.
L’extrémisme chrétien est extrêmement préoccupé par ce qu’a semé cette époque d’insultes et de moqueries. Nous avons besoin de gens qui ne changent pas de chaîne de télévision parce que les nouvelles les « dépriment ». Au contraire, ils écoutent attentivement pour comprendre ce qui doit être fait et se joignent à des groupes divers pour commencer à le faire. Localement et globalement.
Les extrémistes chrétiens sont extrêmement ouverts aux idées nouvelles. Ils lisent attentivement les bons articles. Ils appellent à la création de groupes divers pour réfléchir à ce qui peut être fait pour résoudre les problèmes au niveau local. Ils découvrent auprès des autorités locales ce qui peut être fait pour contrôler les armes à feu, par exemple, et fournir des soins médicaux, démarrer des logements subventionnés et investir dans la préservation de l’environnement. En d’autres termes, ils participent à la démocratie, comme doit le faire tout citoyen qui veut la préserver.
Les vrais extrémistes chrétiens sont prêts à développer des sessions éducatives et àny assister afin de se renseigner sur tous les aspects d’un problème. Ensuite, ils peuvent aider les autres à comprendre. Surtout, ils peuvent le faire sans ridiculiser les personnes qui ont une approche de la question différente de la leur. Leur objectif est de participer à la discussion, de faire passer la question à un niveau supérieur, si possible, où l’action publique devrait se faire. Ils ne veulent déclarer la guerre à personne.
Les extrémistes chrétiens attendent des rapports extrêmement détaillés de la part des fonctionnaires, tant locaux que nationaux. Surtout, ils incitent leurs propres groupes à parrainer de telles sessions avec des représentants élus. Ils font partie de groupes dont le but est de familiariser les gens avec les effets de diverses propositions à tous les niveaux de la société.
Les extrémistes chrétiens prennent au sérieux la séparation des pouvoirs dans la Constitution américaine, jalousement et de tout cœur. Ils refusent de se taire face à l’embuscade. Les membres du Congrès et les sénateurs qui annoncent leurs positions avant même que les documents en question soient rassemblés rendent un mauvais service au pays. Ce ne sont pas des représentants ; ils ne sont qu’un autre type de pirate de l’air essayant de maintenir le pouvoir à des fins personnelles plutôt que de l’utiliser pour le bien commun.
De mon point de vue, l’esprit de parti est tout simplement une expression de plus pour la prise de pouvoir et l’effacement de la démocratie. Si cela ne s’arrête pas rapidement, il ne restera plus rien de la gloire de ce pays, que la division entre riches et pauvres, faibles et puissants, classes supérieures et inférieures – conquérants et conquis. Et cela, l’histoire le sait, sera une erreur fatale.
Traduction : Lucienne Gouguenheim
