En marche ! *
Évangile Matthieu 5,1-12 – Matyah 5 André Chouraqui – lu et commenté pendant l’Assemblée Générale de NSAE le 9 février 2020, lors de la célébration préparée et animée par le groupe NSAE 34 .
1 Et, voyant les foules, il monte sur la montagne et s’assoit là. Ses adeptes s’approchent de lui.
2 Il ouvre la bouche, les enseigne et dit :
3 « En marche, les humiliés du souffle ! Oui, le royaume des ciels est à eux !
4 En marche, les endeuillés ! Oui, ils seront réconfortés !
5 En marche, les humbles ! Oui, ils hériteront la terre !
6 En marche, les affamés et les assoiffés de justice ! Oui, ils seront rassasiés !
7 En marche, les matriciels ! Oui, ils seront matriciés !
8 En marche, les cœurs purs ! Oui, ils verront Elohîms !
9 En marche, les faiseurs de paix ! Oui, ils seront criés fils d’Elohîms.
10 En marche, les persécutés à cause de la justice ! Oui, le royaume des ciels est à eux !
11 En marche, quand ils vous outragent et vous persécutent, en mentant vous accusent de tout crime, à cause de moi.
12 Jubilez, exultez ! Votre salaire est grand aux ciels ! Oui, ainsi ont-ils persécuté les inspirés, ceux d’avant vous. »
*« En marche, ashréi : Cette interjection à l’état construit revient quarante-cinq fois dans la Bible hébraïque. Elle dérive de la racine ashar qui revient seize fois dans la Bible et a pour sens fondamental la marche, le pas de l’homme sur la route sans obstacle qui conduit vers IHVH-Adonaï. Le sens de ce mot a dévié quand les LXX [Septante] l’ont traduit par makarioï, “heureux”, “bienheureux” ; et cette traduction a influencé toutes celles qui ont été faites dans les langues indo-européennes, ainsi que le grec du Nouveau testament. En réalité, le verbe ashar et les mots qui en dérivent signifient moins le bonheur que la démarche qui y conduit, dans la mesure où elle permet d’atteindre YHVH-AdonaÏ. »
« La Bible traduite et commentée par André Chouraqui », éditions Lattès, 1994
Notes :
En marche !
5,1. Ces paroles ont été prononcées non pas en grec, mais en hébreu ou en araméen. La facture hébraïque se reconnaît dans le parallélisme des phrases, dans le rythme et la formulation chiasmatique des idées.
2. En marche Makarioï, dit le grec : « Bienheureux », et les « béatitudes » sont supposées acquises d’entrée de jeu, alors qu’elles ne le seront, en plénitude, que dans le royaume de IHVH. Or Iéshoua` n’a pas dit makarioï, mais ashréi (voir Ps 1,1), qui est une exclamation au pluriel construit, d’une racine ashar, qui implique non pas l’idée d’un vague bonheur d’essence hédoniste, mais celle d’une rectitude, iashar, celle de l’homme en marche sur une route qui va droit vers IHVH.
Les humiliés du souffle : la découverte des manuscrits de la mer Morte a permis de comprendre le sens de l’expression traduite habituellement « les pauvres en esprit » en nous donnant son équivalent hébreu : ‘anié rouah. Le terme humiliés traduit exactement, croyons-nous, le mot ‘anié, proche de ’anav, humble, et évoquant une idée d’humiliation et d’humilité.
4. Les endeuillés sont les victimes promises aux châtiments exercés par les Romains : la croix ou l’esclavage.
5. La terre, en hébreu èrès, est d’abord le pays natal de Iéshoua` et, par extension, le monde où nous vivons.
7. Les matriciels non pas les « miséricordieux », mais ceux qui assument parmi leurs frères la fonction principale de IHVH, qui est d’être comme la matrice de l’univers.
9. Les faiseurs de paix ce mot composé en grec eïrènopoïoï ne se rencontre nulle part dans la Bible des LXX, mais on en retrouve l’idée dans la littérature talmudique et dans la liturgie des synagogues. Ils sont appelés fils d’Elohîm, parce qu’un des principaux attributs de IHVH est de faire régner la paix. Iéshoua` sera appelé fils de Dieu, bèn Elohîm, parce qu’il est, lui aussi, un faiseur de paix (Eph 2,14-I8 ; Col 1,20).
10. Les persécutés : allusion à la situation politique d’Israël.
11. Le conflit majeur exprimé par Iéshoua` est celui qui oppose le royaume aboli des Hébreux, dont IHVH était le roi, à l’empire triomphal dont Tibère prétend être le dieu.
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Commentaire
Levez-vous, en marche, faites quelque chose, remuez-vous, vous qui avez faim et soif de justice, car vous obtiendrez satisfaction.
Levez-vous, en marche, faites quelque chose, remuez-vous, vous qui êtes des artisans de Paix, car vous serez appelés enfants de Dieu.
Pour moi, cette traduction rend les paroles et les enseignements de Jésus de façon plus fidèle. Je peux l’entendre dire :
« Allez-y ! Salissez vos mains et construisez une société humaine pour des êtres humains ; autrement, les autres tortureront et assassineront les pauvres, ceux qui n’ont pas d’audience, pas de pouvoir. » Le christianisme n’est pas passif, mais actif, énergique, vivant. II espère contre toute espérance.
Un jour deux chauves-souris tombèrent dans un pot de lait. L’une, pessimiste, dit : « Que puis-je faire ? Vais-je faire des efforts pour finalement me noyer et mourir dans l’épuisement ? Je ne veux pas mourir épuisée de fatigue ». Et elle coula et se noya immédiatement.
La chauve-souris optimiste dit : « je vais me battre jusqu’à la fin, et, à la fin, on pourra dire que j’ai tout essayé. » Elle se battit, autant qu’elle put, faisant des efforts pour s’envoler, jusqu’à l’évanouissement. Plus tard, elle s’éveilla et se retrouva en sécurité sur une grosse motte de beurre. C’est là se refuser au désespoir, mais espérer contre toute espérance.
« Levez-vous, en marche, faites quelque chose, remuez-vous », disait Jésus à ses disciples.
Lire le livret de la Célébration de clôture de l’AG