Kairos Palestine : Appel de Pâques 2020
Jérusalem est la base de notre vision et de toute notre vie. Elle est la ville à laquelle Dieu a donné une importance particulière dans l’histoire de l’humanité. Elle est la ville vers laquelle tous les peuples s’acheminent et se rencontrent dans l’amitié et l’amour, en présence du Dieu un et unique, selon la vision du prophète Esaïe : « Il arrivera dans la suite des temps que la montagne de la maison de Dieu sera établie en tête des montagnes et s’élèvera au-dessus des collines. Alors toutes les nations afflueront vers elle…. Il jugera entre les nations, il sera l’arbitre de peuples nombreux. Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre » (Is 2.2-5).
C’est sur cette vision prophétique et sur la légitimité internationale concernant l’ensemble de Jérusalem, habitée aujourd’hui par deux peuples et trois religions, que doit se fonder toute solution politique. C’est le premier point à traiter dans les pourparlers, car la reconnaissance de la sainteté et de la vocation de Jérusalem sera une source d’inspiration pour la résolution de l’ensemble du problème – qui relève de la confiance mutuelle et de la capacité à construire une « nouvelle terre » sur cette terre de Dieu.
Document Kairos Palestine – Un Moment de Vérité, chapitre 9.5
Vendredi Saint
Notre présence, en tant que Palestiniens – chrétiens ou musulmans – sur cette terre n’est pas un accident. Elle a des racines profondes liées à l’histoire et à la géographie de cette terre, comme c’est le cas de tout peuple qui vit aujourd’hui sur sa terre. Une injustice a été commise à notre égard, lorsqu’on nous a déracinés. L’Occident a voulu réparer l’injustice qu’il avait commise à l’égard des juifs dans les pays d’Europe, et il l’a fait à nos dépens et sur notre terre. Il a ainsi réparé une injustice en en créant une autre.
« Quand l’exception est la règle »
L’arrestation d’enfants palestiniens à Jérusalem-Est
Pour les enfants palestiniens de Jérusalem, tout déplacement, que ce soit le retour de l’école ou une course à l’épicerie du coin, comporte le risque de se faire tirer dessus ou d’être arrêtés par les forces israéliennes, sans la moindre raison ni aucune justification légale.
Vers 5 heures de l’après-midi le 24 janvier 2019, Mohammad Al Qasawmi, 14 ans, se rendait à l’épicerie à Jérusalem-Est lorsqu’il a vu quelques jeunes rassemblés autour de la boutique. Alors qu’il cherchait à sortir de la cohue, il s’est heurté à quelqu’un et est tombé à terre. Alors qu’il essayait de se relever, il s’est fait tirer dans le dos par des agents israéliens en civil, un geste contraire aux règles internationales selon lesquelles on ne peut avoir recours à une force létale qu’en dernier ressort : en cas d’exposition à un danger mortel ou à des blessures graves.
Mohammad est tombé à terre. « Je souffrais tellement que j’ai perdu connaissance, et je me suis réveillé dans l’ambulance à un checkpoint », a-t-il déclaré à Défense des Enfants International – Palestine. Mohammad fut alors transféré à l’hôpital Hadassah de Jérusalem-Est pour y subir une intervention chirurgicale. Il y resta en soins intensifs pendant quatre jours. En raison de la trajectoire de la balle, les médecins ont dû procéder à l’ablation de la rate de Muhammad et lui faire des points de suture à l’estomac, au rein et au diaphragme. Malgré des demandes d’enquête impartiale et transparente, les forces israéliennes sont rarement mises en cause pour leurs tirs. Elles bénéficient d’une immunité presque totale pour les graves violations signalées contre des enfants palestiniens. Cela concerne entre autres leur recours injustifié à une force excessive et létale qui rend les enfants palestiniens de plus en plus enclins à la violence.
Au mépris de son état de santé, Mohammad avait la main droite attachée à son lit par des menottes durant tout le temps de son hospitalisation tout en étant gardé par quatre membres de la police des frontières. On l’a informé qu’il était en état d’arrestation sous l’accusation d’avoir participé à des affrontements et lancé des cocktails Molotov. En son absence, le juge d’instruction israélien a prolongé sa détention.
À la différence de la Cisjordanie occupée où c’est la loi militaire israélienne qui s’applique, Jérusalem-Est est régie par le droit civil israélien. Les enfants sont soumis à la Loi israélienne pour la Jeunesse, qui s’applique en théorie à tous les enfants, palestiniens et israéliens, et offre à ceux qui se trouvent en situation de conflit une garantie et une protection spéciales pendant tout le processus d’arrestation, de transfert, d’interrogation et de comparution en justice. Dans la pratique cependant, les autorités israéliennes font preuve de discrimination dans l’application de la loi, violant ainsi les droits officiellement reconnus aux enfants palestiniens de Jérusalem-Est.
En 2019, 382 enfants ont été arrêtés à Jérusalem-Est sans accusations portées contre eux, et 125 avec accusations, ce qui porte le nombre total d’enfants palestiniens arrêtés à 507, selon les chiffres officiels de la police israélienne. À Jérusalem-Est un nombre total de 730 enfants ont été arrêtés sans accusation en 2018-2019 tandis que 354 enfants ont fait l’objet d’accusations. Les enfants qui sont arrêtés sont souvent dépourvus de leurs garanties légales, sont souvent arrêtés en fin de soirée et soumis à des violences physiques et morales.
En 2019, Défense des Enfants International – Palestine a recueilli 35 dépositions d’enfants arrêtés à Jérusalem-Est. Selon une analyse de ces dépositions, 49 % des enfants ont déclaré avoir été arrêtés de nuit tandis que 57 % déclaraient avoir subi des agressions physiques et 57 % avoir été soumis à des humiliations et des intimidations.
Le 28 janvier et malgré son mauvais été de santé, Mohammad a été interrogé à l’hôpital à midi. « J’étais seul (avec l’interrogateur) dans la chambre. Il m’a fait voir une vidéo de quelqu’un ayant un cocktail Molotov en main, mais je lui ai dit que ce n’était pas moi. » L’interrogatoire a duré près d’une heure et demie, au cours duquel l’interrogateur a demandé à Mohammad de signer une déclaration écrite en hébreu. Mohammad a refusé de signer parce qu’il ne comprenait pas le contenu du document. Selon les dossiers recueillis par Défense des Enfants International – Palestine, 74 % des enfants arrêtés avaient signé ou s’étaient vu demander de signer un document rédigé en hébreu.
Le 31 janvier, Mohammad a été remis en liberté à condition de payer une caution de 2.000 NIS (500 €), de fournir un chèque d’une tierce personne d’un montant de 7.000 NIS (1.710 €) et de s’engager à ne pas prendre contact avec des suspects dans la même affaire. Le jour du verdict, l’interrogateur a aussi prélevé un échantillon d’ADN de Mohammad en prétextant des « motifs d’interrogatoire ».
« Je souffre encore de fortes douleurs à l’endroit de la blessure et je subis encore des examens médicaux, et je ne peux donc pas encore retourner à l’école », a confié Mohammad à Défense des Enfants International – Palestine le 21 février 2019.
Dans l’ensemble il apparait que, lorsqu’elles s’appliquent aux enfants palestiniens, les lois civiles israéliennes sont loin de respecter les normes ‟garanties ». L’enquête de Défense des Enfants International – Palestine sur les dernières années que cela tient au fait qu’Israël applique à l’excès aux enfants palestiniens la clause d’exception de sa Loi pour la Jeunesse, – ce qui veut dire que, pour les enfants de Jérusalem-Est, l’exception est de règle.
Défense des Enfants International – Palestine (DCIP) se consacre à assurer un avenir juste et viable aux enfants palestiniens des territoires palestiniens occupés. Depuis plus de 20 ans, Défense des Enfants International – Palestine soutient et défend cette population d’enfants : elle mène des enquêtes et établit des dossiers sur les violations graves des droits humains, demandant des comptes aux autorités tant israéliennes que palestiniennes, et assurant des services juridiques aux enfants en situation de besoin urgent. Défense des Enfants International – Palestine continue à demander aux organismes nationaux et internationaux de prendre des mesures plus fortes pour protéger la vulnérabilité de cet élément de la société palestinienne. Depuis la création de Défense des Enfants International – Palestine, en 1991, nous restons la seule organisation palestinienne de droits humains à se consacrer spécifiquement aux droits des enfants. La valeur la plus élevée de Défense des Enfants International -Palestine est la poursuite des meilleurs intérêts de chaque enfant. Pour cela, Défense des Enfants International -Palestine est guidée par la Convention des Droits de l’Enfant des Nations Unies (UNCRC), comme aussi par d’autres normes internationales, régionales et locales.