CONTRE TOUTES LES BARRIÈRES
Par Luis Miguel Modino, correspondant au Brésil de Religión Digital
Un hommage à Pedro Castadáliga, un mois après sa Pâque
C’est pour commémorer et célébrer la vie de Pedro Casaldáliga, à un mois de son décès, qu’a été organisée une rencontre virtuelle, convoquée par différents mouvements sociaux et pastoraux, qui a réuni ce mardi 8 septembre un bon nombre de personnes venues des quatre coins du Brésil et de différents pays. Le titre de cette manifestation : « Contre toutes les barrières », rappelle celui d’un des nombreux poèmes écrits par quelqu’un qui se considérait avant tout comme un poète.
Parmi les personnes présentes, il y avait un sentiment de gratitude, d’espérance, même à un moment où le Brésil est devenu l’un des foyers les plus importants de la COVID-19, avec plus de 127 000 vies perdues « par l’action et l’omission de nos dirigeants », comme l’a déclaré Pedro César Moreira, l’un des organisateurs de l’événement, qui a déclaré que « en ces jours sombres, nous nous retrouvons comme les premiers chrétiens, partageant le pain dans la sécurité des catacombes ».
L’hommage était une mosaïque de témoignages, de sa famille, de l’Église et des mouvements sociaux, mais aussi du monde de la politique et de l’art, des voix entrelacées qui voulaient témoigner de l’affection, de la reconnaissance et de l’amour à l’évêque d’Araguaïa, comme le fleuve qui glisse doucement devant sa tombe, creusée dans la terre rouge, à l’ombre d’un piqui [1]. Pedro est quelqu’un qui demeure important pour beaucoup de gens, par la force de son amour et de ses idées, par son exemple, par la force de son indignation contre l’injustice, par la force de sa lutte indignée pour faire tomber toutes les barrières.
Les nombreux témoignages de reconnaissance à Pedro, comme il aimait à être appelé, qui ont permis de comprendre qui était Casaldáliga, ont été entrecoupés de différentes vidéos qui ont recueilli son témoignage prophétique pour la défense des plus pauvres, pour la défense de la vie, ce qu’il a assumé comme un engagement et une utopie. À une époque où les communications n’étaient pas aussi rapides qu’aujourd’hui, Pedro Casaldáliga, depuis un endroit totalement isolé, comme l’était, et l’est encore, São Félix do Araguaïa, a dépassé les limites de l’Église et du Brésil, montrant la dure réalité locale, se positionnant dès le début de son ministère épiscopal contre les latifundia [2] et l’oppression, ce qui lui a valu de multiples menaces de mort et de dures critiques de la part de l’Église et du gouvernement de la Dictature militaire.
Selon Marcelo Barros [3], « Pedro était quelqu’un d’humain », qualité particulièrement appréciable à une époque où « nous vivons au Brésil un moment d’une certaine inhumanité, d’indifférence au fait de la mort », que le moine bénédictin considère comme une conséquence « de la négligence du gouvernement, due à l’inefficacité de la politique publique que nous subissons en cette période de pandémie ». Ces éléments sont mis en évidence à la lumière de la vie d’une personne qui s’est engagée à vivre dans la pauvreté, à choisir la cause des indigènes et des « posseiros » [4].
Quelqu’un qui est un grand pasteur, selon les mots de Leonardo Boff, qui a participé aux souffrances et aux joies du peuple, un prophète, qui dénonce les latifundia et proclame la Bonne Nouvelle de Jésus. Un poète, que Boff place au niveau de Saint-Jean de la Croix, un saint, qui nous rappelle les vertus évangéliques de simplicité, de compassion, d’amour inconditionnel, lumière qui illumine notre Église et nous donne la certitude que l’Évangile est un chemin de vérité pour l’humanité.
Pedro était quelqu’un de très engagé en Amérique latine, avec la Grande Patrie, comme le rappelait l’hommage, engagé dans les luttes du Nicaragua, du Salvador, de Cuba, moments relatés par différents témoins de ces voyages, en particulier Frei Betto [5], qui rappelait une phrase que Pedro, avec son sens de l’humour, disait à Fidel Castro, « pour la droite, il vaut mieux avoir le Pape contre la Théologie de la Libération, que Fidel en sa faveur ».
Le témoignage de Pedro est allé au-delà de sa mort, comme on l’a montré tout ce qui a été rassemblé dans cet hommage, tout ce qui a été vécu lors de sa veillée funèbre, et lors de son enterrement, où une fois de plus la voie de Pierre a été respectée. C’est quelqu’un qui est considéré comme un grand exemple du lien entre la foi, la mystique et la lutte sociale en faveur des plus pauvres et des exclus, et qui continue d’être une référence pour beaucoup de gens.
Restons sur les mots de l’évêque Adriano Ciocca, qui a dit que « ici, dans la prélature, Pedro, nous nous efforçons de maintenir l’héritage de l’engagement pour la justice, l’engagement pour les plus pauvres de notre région, et de voir comment nous pouvons faire en sorte que la prophétie que tu as tenue toute sa vie ne meure pas ». L’actuel évêque de São Félix do Araguaïa a déclaré aussi : « il est très important de savoir qu’il a lutté jusqu’au bout et qu’il s’est engagé pour un monde plus juste et plus fraternel. À tel point que quelques jours avant d’être admis à l’hôpital, il a donné son accord pour signer la lettre qu’un groupe d’évêques a écrite au peuple de Dieu et qui a été publiée en août de cette année ». Monseigneur Adriano insiste sur le fait que « sa mémoire ne peut ni ne doit disparaître, car Pedro vit, et il vit dans sa lutte pour la justice, et il vit dans le cœur de tous ceux qui l’ont connu et reconnaissent qu’il était un poète, un prophète, et aussi un saint.
Notes :
[1] le péqui, grand arbre brésilien
[2] vastes propriétés aux mains des grands possédants
[3] Marcelo Barros, moine bénédictin brésilien, théologien et bibliste, proche de Dom Helder Camara et de Joseph Comblin
[4] petits producteurs, non-propriétaires des parcelles de terre sur lesquelles ils pratiquent une agriculture de subsistance.
[5] Frei Betto, frère dominicain brésilien, théologien de la libération
Source : https://www.religiondigital.org/luis_miguel_modino-_misionero_en_brasil/Cercas-homenaje-Pedro-Casaldaliga-Pascua_7_2266943296.html
Traduction : Régine Ringwald