Par Monique Baujard et Anne-Marie Pelletier

Monique Baujard, doctorante en thĂ©ologie et Anne-Marie Pelletier, bibliste, rĂ©agissent Ă la saisie du Conseil dâĂtat par de nombreux Ă©vĂȘques qui demandent la levĂ©e de lâinterdiction des cultes publics.
Faut-il ajouter Ă la dĂ©bauche de protestations, de revendications en circulation dans le corps social et dans lâĂglise ? Peut-ĂȘtre que oui, au vu de ce qui se passe en cette derniĂšre, oĂč une partie des catholiques sâest enflammĂ©e pour obtenir une exemption au confinement, que les autres religions ont acceptĂ©.
VoilĂ bien comment nous prenons notre part Ă la cacophonie et Ă la confusion ambiantes autour de la dĂ©fense des libertĂ©s. Ă chacun son culte. Ici, celui dâune laĂŻcitĂ© dont le fleuron ambigu serait le droit au blasphĂšme. LĂ , celui du « culte » tout court, dĂ©fendu avec des accents de piĂ©tĂ© irrĂ©cusable. Les catholiques font savoir quâils ont le droit dâ« aller Ă la messe », une libertĂ© non nĂ©gociable. Et si peu nĂ©gociable que lâon porte lâaffaire devant la justice, pour confondre un Ătat français, que lâon dĂ©clare en guerre contre les catholiques.
SĂ©rieuse inconsĂ©quence Ă lâheure oĂč il nous faut nous rassembler pour dĂ©fendre tous ensemble une juste laĂŻcitĂ©, contre la menace des communautarismes. Comme si une forme de trumpisation gagnait insidieusement les esprits, qui fractionne la sociĂ©tĂ©, creuse la mĂ©fiance de lâautre, fait se barricader dans une identitĂ© que lâon dĂ©clare menacĂ©e.
Une posture qui laisse songeur et inquiet. Comment assumer en vĂ©ritĂ©, câest-Ă -dire de maniĂšre Ă©vangĂ©lique, notre mission de chrĂ©tien dans le monde ? Un monde agitĂ© de peurs, de colĂšres, de frustrations. OĂč la peste de la dĂ©sinformation et de la manipulation des esprits est aussi active que le virus. OĂč lâislamisme radical recrute gaillardement pour semer la terreur. OĂč le quotidien de beaucoup de Français, sur fond dâune pandĂ©mie sans fin, est la peur du chĂŽmage, de la misĂšre, de bouleversements, qui laissent la jeunesse tragiquement aux prises avec un lendemain sans avenir.
Porteur dâespĂ©rance
Or, câest bien dans cette conjoncture quâil sâagit de vivre en chrĂ©tien, dâĂȘtre porteur dâespĂ©rance contre toute espĂ©rance, tĂ©moin du RessuscitĂ© face Ă de multiples dĂ©sespoirs et aux succĂšs insolents de la mort. Qui contestera quâil nous faut puiser notre fidĂ©litĂ© et notre Ă©nergie Ă partir de la source, câest-Ă -dire du Christ ? Qui contestera que la vie sacramentelle est la modalitĂ© la plus naturelle de cette relation ? Ă condition cependant de ne pas laisser contaminer cette vĂ©ritĂ© par les Ă©troitesses, qui voudraient quâil nây ait de vie chrĂ©tienne quâĂ frĂ©quenter les Ă©glises selon les protocoles du temps ordinaire. Et qui prĂ©tendrait en particulier assigner la relation au Christ Ă une participation dĂ©vote Ă la messe cĂ©lĂ©brĂ©e par des prĂȘtres en prĂ©sentiel ou en virtuelâŠ
Câest peut-ĂȘtre le moment de rĂ©entendre JĂ©rĂ©mie recevant, Ă lâheure du pĂ©ril, lâordre divin de se rendre au temple pour interpeller ceux qui en font un talisman protecteur. Cessez dâinvoquer le « Temple du Seigneur ». Câest une autre fidĂ©litĂ© qui est requise dâIsraĂ«l Ă cette heure de crise ! Cela nâest pas sans rapport avec notre situation prĂ©sente. Certes, câest bien lâEucharistie qui fait lâĂglise, en mĂȘme temps que celle-ci la cĂ©lĂšbre. Mais il est faux de prĂ©tendre que lâEucharistie Ă©puise les moyens par lesquels un chrĂ©tien partage la vie du Christ et Ă part Ă sa mission. Câest dâailleurs le discours que lâinstitution ecclĂ©siale sâest toujours empressĂ©e de tenir Ă lâĂ©gard des divorcĂ©s remariĂ©sâŠ
La Parole de Dieu, table de vie
La privation provisoire de lâEucharistie pourrait ĂȘtre lâoccasion salutaire pour tous de reprendre conscience que la Parole de Dieu est, de façon tout aussi nĂ©cessaire, table de vie. Et quâil suffise que deux ou trois soient rĂ©unis au nom du Christ, ouvrent ensemble les Ăcritures, pour que le marcheur anonyme du chemin dâEmmaĂŒs leur soit prĂ©sent, et que se renouvelle lâillumination des cĆurs qui devrait ĂȘtre le prĂ©alable de toutes les fractions du Pain cĂ©lĂ©brĂ©es dans lâĂglise.
Belle occasion en fait dâexpĂ©rimenter Ă neuf lâĂglise comme communautĂ© de disciples. De se rappeler mutuellement que lâon nâest pas chrĂ©tien en se recroquevillant sur lâentre-soi, mais en sortant comme le Christ en sortie dâĂvangile. Car la mission dâun chrĂ©tien a un nom que nous ne pouvons ignorer en ces jours de Fratelli tutti. Câest la fraternitĂ© ! Loin dâun plat humanisme, la premiĂšre lettre de saint Jean nous apprend quâelle est la vĂ©rification de lâamour de Dieu et, par consĂ©quent, en christianisme, une rĂ©alitĂ© Ă densitĂ© mystique ! Tout comme elle est lâantidote Ă nos replis, qui ne font que conforter la relĂ©gation des croyants dans la sphĂšre privĂ©e.
Ne nous leurrons pas, la vĂ©ritable fidĂ©litĂ© aujourdâhui nâest pas dans la dĂ©fense crispĂ©e de pratiques auxquelles nous tenons lĂ©gitimement, mais qui, dans leurs formes traditionnelles, sont en train de sâeffondrer. Elle a Ă voir plutĂŽt avec une confiance et une gĂ©nĂ©rositĂ© qui nous rendent crĂ©atifs de nouvelles formes de vie communautaire. Dans une solidaritĂ© avec une sociĂ©tĂ© remplie dâurgences, qui est le lieu oĂč les chrĂ©tiens ont rendez-vous avec Celui dont ils reçoivent leur vie et leur mission.
Source : https://www.la-croix.com/Debats/Hors-messe-pas-salut-2020-11-06-1201123346
Lire la  monition adressĂ©e au prĂȘtres du diocĂšse de StrasbourgÂ
inutile de te dire, je pense, mon total désaccord avec le texte publié dans la newsletter de NSAE intitulé
Hors de la messe, pas de salut ?
Je suis en total désaccord avec les idées défendues dans ce texte.
Bien entendu la publication de ce texte est intĂ©ressante pour connaĂźtre la publication et le contenu de cette prise de position. Mais ce que je lis me semble thĂ©ologiquement et surtout Ă©vangĂ©liquement insoutenable.le point dâinterrogation proposĂ© pour le titre par NSAE me semble trĂšs utile.
jean Rieidnger
Si, ce serait utile d’expliquer en quoi consiste le dĂ©saccord. En quoi ce texte est-il “thĂ©ologiquement et surtout Ă©vangĂ©liquement insoutenable” ?
Le point d’interrogation du titre n’est pas un ajout de NSAE. Il est celui des auteures. Il suffit de cliquer sur la rĂ©fĂ©rence pour avoir accĂšs Ă l’article et le vĂ©rifier.