Les catholiques doivent confesser leur complicité dans le coup d’État manqué
Éditorial du 7 janvier du National Catholic Reporter
Il y a beaucoup de reproches à faire après la prise d’assaut honteuse du Capitole américain hier par une foule droitiste tentant d’empêcher le décompte officiel du vote du Collège électoral pour le prochain président des États-Unis légalement élu.
Il est clair que l’actuel résident de la Maison-Blanche qui, pendant des mois, a menti de manière répétée et délibérée à propos de fraudes électorales qui n’existaient pas, et qui, alors même que des voyous brandissant le drapeau confédéré déambulaient dans le Capitole, est coupable d’avoir incité à la violence dans son discours du matin. Plus tard dans la journée, il a exprimé son « amour » pour ceux qu’on ne peut pas qualifier autrement que de terroristes de l’intérieur.
Et on se souviendra, bien sûr, de la centaine de républicains de la Chambre et de la douzaine de sénateurs du GOP qui avaient prévu de s’opposer aux résultats du collège électoral hier – y compris ceux qui ont changé d’avis par la suite et, soyons honnêtes, ce sont presque tous les républicains à l’exception du sénateur Mitt Romney – et qui ont ainsi alimenté un feu qui a fini par s’embraser.
Même le vice-président Mike Pence et le leader de la quasi (ex-)majorité du Sénat Mitch McConnell, qui ont essayé de faire ce qu’il fallait en prononçant des discours raisonnables le matin, ne peuvent pas effacer les quatre dernières années pendant lesquelles ils ont soutenu Trump et contribué au climat qui a alimenté le déchaînement.
Mais parmi ceux qui ont une part de responsabilité dans l’échec de l’insurrection d’hier, il y a aussi bon nombre de dirigeants de notre église. Les apologistes catholiques de Trump ont du sang sur les mains.
De nombreux Américains ont exprimé le choc qu’ils ont ressenti en regardant une foule violente briser du verre et escalader les murs tandis que les membres du Congrès se cachaient sous les bureaux ou se précipitaient dans des bunkers sécurisés.
Cela ne nous a pas surpris.
C’est le point culminant de ce qu’a été cette présidence depuis le début – et certains catholiques sont restés silencieux, ou pire, l’ont acclamée, notamment certains évêques, des prêtres, quelques sœurs, des médias catholiques de droite et trop de personnes du mouvement pro-vie.
Nous vous parlons de CatholicVote.org, du procureur général William Barr et d’autres catholiques de l’administration Trump, d’Amy Coney Barrett, du cardinal Timothy Dolan, de Bill Donohue de la Ligue catholique, de cette intarissable voyou qu’est Abby Johnson. La liste est malheureusement encore longue.
Et que dire des catholiques ordinaires – environ 50 % d’entre eux – qui ont voté pour Trump cette année, après quatre ans d’incompétence, de coups de sifflet de chiens racistes et d’attaques contre les normes démocratiques ? Tous n’ont pas participé à la « manifestation » de Washington, mais beaucoup ont soutenu des organisations qui ont attisé les flammes. Trop d’électeurs catholiques se sont satisfaits de Trump en échange de réductions d’impôts, de juges de la Cour suprême ou de subventions pour les écoles catholiques.
Nombre de ces personnes ont été façonnées par les médias catholiques de droite, qu’il s’agisse de prêtres voyous sur Twitter, de sites web tels que Church Militant ou LifeSiteNews, ou du conglomérat médiatique catholique the Eternal Word Television Network (EWTN). Ce dernier, sous son vernis de respectabilité, a désinformé des millions de catholiques dans le monde entier avec ses émissions d’information et d’opinion biaisées. Le présentateur de l’EWTN, Raymond Arroyo, qui travaille au noir dans l’émission de Laura Ingraham « The Ingraham Angle » sur Fox News, où il est libéré de la prétendue respectabilité de l’EWTN, mérite une mention particulière.
Il faut que cela cesse. Si l’Église doit se montrer à la hauteur des enseignements de son fondateur et si elle doit un jour être témoin dans la culture, elle ne peut pas, ne doit pas faire partie de ce qui s’est passé au Capitole de notre nation. Il ne doit pas y avoir de nationalisme catholique blanc. Et un mouvement pro-vie qui embrasse le nationalisme blanc n’est pas un vrai mouvement pro-vie. Point final.
Si certains prélats se sont exprimés dès le début, la conférence des évêques, en tant qu’organe, doit confesser publiquement et expier sa complicité dans l’octroi de pouvoirs au président et au parti républicain dans cette violence et dans le dénigrement du parti démocrate. Les évêques américains pourraient commencer par dissoudre ce comité ad hoc et contradictoire sur le président élu Joe Biden, et utiliser ses diverses ressources pour réorienter la manière dont nous discutons de ce que signifie être des catholiques pro-vie. Un mouvement pro-vie qui ne veut pas proclamer « La vie des Noirs compte » n’est pas un mouvement pro-vie.
On peut penser « au sac et aux cendres », mais il faudra plus qu’une confession.
Nos chefs religieux, dont beaucoup perpétuent la suprématie blanche qui a conduit au coup d’État d’hier, doivent commencer le long et difficile travail de reconstruction d’une culture politique de confiance et d’unité. Cela ne peut se faire avec de l’hyperpartisanerie et une intense concentration sur une seule question.
La tentation de se sentir à l’aise avec le pouvoir est réelle, et certains refusent encore de lâcher prise. Certains tentent de donner une fausse image antifa du coup d’État d’hier, d’autres vont trop vite pour « mettre cela derrière nous ».
Un refrain fréquent dans le contrecoup a été que « nous sommes meilleurs que cela ». D’une certaine manière, c’est faux. Cela fait partie de ce que nous sommes – cela a toujours fait partie de ce que nous sommes – et Trump l’a encouragé et légitimé d’une manière franchement terrifiante.
Mais les insurgés et les gens de droite, y compris les catholiques, qui les ont encouragés ne sont pas tout ce que nous sommes.
Dans moins de deux semaines, le deuxième président catholique de notre nation – un homme correct – prendra la relève et entamera la longue et difficile tâche de reconstruire notre démocratie. Les catholiques doivent s’engager pour aider, et non entraver, ce processus.
Source : https://www.ncronline.org/news/opinion/editorial-catholics-need-confess-their-complicity-failed-coup
Traduction : Lucienne Gouguenheim
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Déclaration de Catholic Organizations for Renewal (COR), 8 janvier 2021
Nous, membres soussignés des Organisations catholiques pour le renouveau (COR), sommes indignés et condamnons sans équivoque l’assaut dont a été victime le Capitole à Washington auquel nous avons assisté le 6 janvier 2021. En même temps, en tant que fidèles catholiques, nous déplorons la complicité de la communauté catholique américaine et sa participation à la création d’un environnement qui a encouragé et permis une telle violence.
Pour être clair, le chaos et la violence qui ont terrorisé notre nation mercredi étaient le résultat direct et prévisible de la rhétorique violente, raciste, xénophobe et misogyne du président Trump pendant plus de quatre ans – une rhétorique que de nombreux évêques américains ont à plusieurs reprises omis de nommer et de condamner aussi bien individuellement que collectivement. Même maintenant, le président de la Conférence épiscopale des États-Unis (USCCB) a publié une déclaration bien tiède qui condamne la violence mais ne reconnaît pas le rôle qu’a joué le président Trump en l’encourageant ni la complicité même des évêques.
Nous reconnaissons également que beaucoup de nos amis catholiques ont fermement soutenu Donald Trump tout au long de ses quatre années à la présidence. Certains ont même servi dans son administration. Et près de la moitié des électeurs catholiques ont voté pour lui en 2020.
Nous ne pouvons ignorer que le vote de nombreux catholiques a été influencé – en partie – par des déclarations, des lettres et des sermons du clergé que l’on faisait passer pour un message du catholicisme. En désaccord flagrant avec le pape François, la déclaration officielle de la Conférence épiscopale, « Formation des consciences pour la citoyenneté des fidèles », plaçait l’opposition à l’avortement et aux droits des LGBTQ au-dessus de la protection de la vie et de la dignité des pauvres et des personnes vulnérables, au-dessus de la lutte contre les effets désastreux du changement climatique mondial, et au-dessus du démantèlement d’idéologies oppressives telles que la suprématie blanche et le nationalisme.
En tant que peuple de foi, nous réaffirmons notre attachement aux valeurs évangéliques de non-violence et d’amour du prochain et nous prions pour que la violence qui s’est déroulée devant nous lors de la fête de l’Épiphanie produise une nouvelle épiphanie – de sorte que nous, en tant que communauté catholique, nous travaillions avec toujours plus de diligence à devenir la communauté de faiseurs de justice à laquelle notre baptême nous appelle. Nous prions également pour le président élu Joseph R. Biden (un fidèle catholique comme nous), pour la vice-présidente élue Kamala Harris et pour tous nos représentants élus alors qu’ils s’engagent dans la tâche de conduire notre nation vers la guérison et la justice.
Signataires :
Call To Action
Catholics for Choice
CORPUS
DignityUSA
FutureChurch
New Ways Ministry
Quixote Center
RAPPORT
Roman Catholic Womenpriests – USA
Southeastern Pennsylvania Women’s Ordination Conference
Women’s Ordination Conference
Catholic Organizations for Renewal (COR) est une plateforme de réflexion d’organisations ayant comme objectif la réforme de l’Église catholique américaine. Le but est de promouvoir la réforme et le renouveau de l’Église catholique romaine, de construire une Église non exclusive, de favoriser la survenue d’un monde de justice et de paix et de refléter le caractère sacré de toute la création. COR offre un travail collectif afin de fournir une voix morale catholique authentique sur ces questions et coordonne des projets qui font avancer ces objectifs.
Bref historique : La plateforme a été créée lorsque les dirigeants d’une douzaine d’organisations ont passé un après-midi à débattre juste avant le congrès de Call To Action à Chicago en novembre 1991. Ayant pris conscience de la force du nombre, les dirigeants se sont rendu compte de ce qu’ils avaient en commun et se sont engagés à unir leurs forces pour faire avancer le travail de réforme.