Bioéthique : les évêques invitent à quatre vendredis de jeûne et de prière
Alors que l’examen en deuxième lecture du projet de loi bioéthique démarre au Sénat le 2 février prochain, les évêques de France invitent les catholiques et les hommes et femmes de bonne volonté à « se tourner vers Dieu en priant et en jeûnant pour Lui demander la grâce de nous ouvrir les yeux ».
La prière, dernier recours face au projet de loi bioéthique ? C’est une initiative inédite que proposent les évêques de France à celles et ceux qui désirent témoigner de leur inquiétude au projet de loi bioéthique. Alors que le texte, qui ouvre notamment la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, va être débattu en deuxième lecture au Sénat à partir du 2 février, les évêques proposent à partir du 15 janvier quatre vendredis de jeûne et de prière. « Nous souhaitons appeler tous les catholiques ainsi que les hommes et femmes de bonne volonté à se tourner vers Dieu en priant et en jeûnant pour Lui demander la grâce de nous ouvrir les yeux à tous et d’être ensemble des artisans du respect de tous les êtres humains dès leur conception », expliquent-ils dans un communiqué.
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Jeûnes et prières voulus par la hiérarchie catholique pour mobiliser qui, pour faire quoi ?
Par Patrice Dunois-Canette
Sexualités, familles, maîtrise de la fécondation, IVG, personnes divorcées remariées… GPA, PMA, recherche bioéthique : contenu, forme et style, la parole publique du magistère de l’Église de catholique en France ne passe pas. Globalement son épiscopat est perçu comme dogmatique, conservateur, rétrograde, et contribuant finalement au maintien d’un ordre social et politique qui pourrait lui sauvegarder encore une place et un rôle.
Sur le contenu, l’écart entre les prises de position morales ou éthiques de l’Église et l’opinion commune ou encore la position juridique en vigueur dans notre société, est trop grand. Mais l’institution en attribue sans s’interroger plus loin, la responsabilité à l’hédonisme, à l’individualisme, au consumérisme…
Sur la forme et le style, l’Église parle, écrit comme si elle avait le monopole sur le message portant sur la « vie bonne », le monde humain habitable. Elle le fait sans modestie en oubliant que la loyauté envers la vérité est faite de prudence, de goût pour l’interrogation, d’ouverture à la recherche des autres, d’une réserve dans l’affirmation d’être détenteurs de toutes les réponses, de capacité à se remettre en question.
Elle le fait en affirmant des principes de respect des autres démentis par une manière de s’adresser à eux qui rejette leurs questions propres, leurs compétences, leurs cheminements, leurs incompréhensions, leurs doutes légitimes sur son humanisme et l’ordre moral qu’elle voudrait.
Elle le fait comme une institution qui croit pouvoir parler de tout et méconnaît l’intime.
Elle le fait sans laisser d’espace, de jeu à la circulation d’une autre parole, fut-elle celle d’une grande partie de ses fidèles, de nombre de ses acteurs et penseurs.
Elle le fait sans chercher la délibération. Elle le fait en donnant l’impression qu’une seule parole, sa parole est de jure la seule valide et de facto la seule valable.
Elle le fait en invoquant la loi naturelle comme un slogan rétrograde, inquisitorial, répressif et culpabilisant, une « loi des lois » immuable, inflexible et divine, un fondamentalisme auquel il faut se soumettre, qui regarde la liberté comme inessentielle, et voit l’avenir comme un « éternel » hier.
Sa parole, contenu, forme et style n’invite pas à la recherche de la vérité qui n’est pas l’affirmation de certitudes. Sa parole en contenu, forme et style n’invite pas à creuser nos manques pour un surcroît de vie.
Elle ne fait pas place au questionnement, au doute, aux histoires de vie, aux échecs et aux souffrances.
Elle occulte la dimension de l’amour et de la grâce, la promesse d’une vie qui ne finit pas.
Elle donne toujours à voir un effondrement, un avenir tragique, néfaste, mortifère voulu par des forces entreprenantes, sournoises qui s’avanceraient masquées. Elle nourrit la face sombre du complotisme, de la colonisation du monde par le mal.
Elle libère la pulsion ressentimiste des plus conservateurs par ses neuvaines, jeunes et prières, enferme dans le sentiment d’avoir raison « seul contre tous » et la violence d’un « prophétisme » qui ne voit qu’aveuglement chez les autres.
Elle n’emprunte qu’a minima au Pape François et son discours de « Bon pasteur » entendu par tous comme une promesse de changements encore à venir. Elle brouille le message évangélique. Elle éloigne encore l’espérance d’une Église qui se reconstruit.
Illustration : https://fr.aleteia.org/2021/01/13/loi-de-bioethique-comment-participer-a-la-priere-proposee-par-les-eveques/