Le 7 février, l’archevêque de Paris annonçait la fermeture du Centre pastoral Saint-Merry. Dans une lettre qui trahit son style, à la fois cassant et faux-fuyant, Mgr Michel Aupetit met fin sans prévenir à un dialogue engagé depuis plus de deux ans, et à une mission prometteuse, confiée à deux personnes qui avaient et méritaient la confiance de part et d’autre, pour dessiner l’avenir du Centre.
Le Centre pastoral Saint-Merry, connu précédemment sous le nom de CPHB, Centre pastoral Halles-Beaubourg, était un lieu devenu unique à Paris, où tous, oui tous, pouvaient être accueillis sans qu’on leur demande rien, mais où ils pouvaient tout exprimer. Avec toutefois une préférence pour les personnes en souffrance, exclues par une société qui n’en finit pas de produire de la pauvreté, de la détresse pas seulement matérielle, ou exclues de fait par une Église qui fait passer des règles formelles avant la vie, au contraire d’ailleurs de l’Évangile.
Du côté du diocèse, on dit que la décision de fermer Saint-Merry n’a pas été prise à la légère. C’est sûrement vrai, et cela a un sens, c’est un choix. Il semble que plus rien ne puisse arrêter la glissade vers le conservatisme, c’est peu dire, vers l’enfermement identitaire, vers le culte et le formalisme rituel, comme, en une certaine période, au Temple de Jérusalem.
Au centre de Paris, Saint-Merry, sur le chemin de Compostelle, une des églises qui fait partie de la mémoire – on pourrait dire des gènes – des vieux Parisiens, mais aussi une paroisse qui était en train de perdre ses paroissiens quand la modernité s’est installée sur le plateau Beaubourg, chassant les habitants. De l’intuition d’un petit groupe autour de Xavier de Chalendar, est né, en lien avec le cardinal Marty, le Centre pastoral Halles Beaubourg, le CPHB. Tout était possible, ils ont choisi un centre ouvert sur la ville, accueillant à tous, et surtout à ceux qui étaient éloignés de l’institution, alors que l’Église était en recherche de rencontre avec le monde, un monde qui déjà bouillonnait. Dans les derniers temps où il pouvait encore venir à Saint-Merry, Xavier redisait à la communauté l’ordre de mission qu’il avait reçu : « liberté totale ». Mais c’était un autre temps.
Le CPHB s’est vite construit l’image d’un lieu d’Église : un lieu qui accueille en permanence tous ceux qui viennent, quelle que soit la raison qui les a amenés, et même s’ils sont entrés par hasard, un centre où la pastorale s’exprime par des mots qui peuvent être entendus par tous, même s’ils ne sont pas des formules toutes faites, un centre ouvert aux problèmes du monde tel qu’il est, tel qu’on l’aime plutôt que de le condamner, avec une attention active aux personnes en difficulté, un « café-rencontre » pour les gens de la rue, une présence des arts et de la culture, en résonance avec le Centre Georges Pompidou, autrement dit « Beaubourg ».
Et d’abord un lieu d’accueil. Tous les après-midi, on ouvre grand les portes sur la rue Saint-Martin, on allume le chœur, on éclaire la Gloire qui porte le tétragramme. La lumière, une lumière qui éclaire vraiment, donne envie d’entrer, et ils sont nombreux à venir voir, mais aussi parler. L’accueil n’est ni insistant ni intrusif ni prosélyte, il est disponible. Que de rencontres inattendues, que d’échanges libérateurs, que de paroles qu’on ne savait même pas pouvoir dire.
Quant à la vie au milieu du monde, citons quelques exemples : dans les relations interreligieuses : cinq « nuits sacrées » ont été organisées récemment, avec participation spirituelle et artistique ; en lien avec la vie de la cité : le Centre participe régulièrement à la « nuit blanche » qui concerne, début octobre, les monuments et lieux publics de Paris ;
en lien avec le monde : accueil des exilés chiliens en 1974-1975, accueil des immigrés par RCI2 ; un groupe de solidarité avec Gaza ; aide aux exclus : logement, recherche d’emploi ; ce sont des membres du CPHB qui ont lancé les « Restos du Cœur », à l’initiative de Coluche ; pour les chrétiens marginalisés : accueil des divorcés remariés, accueil de David et Jonathan3 qui organise chaque mois une veillée « Fêter Dieu » ; accueil du « Conclave des femmes » organisé par le Comité de la Jupe et la CCBF en mars 2013 ; l’art est présent par la musique et par des expositions sur des thèmes variés qui font parfois, comme c’est normal, débat dans la communauté. Un atelier cinéma est très actif, des ateliers de formation théologique et pastorale.
La paroisse a pu subsister, où est né le sentiment d’être dépossédé de son église. Mais avec le temps, les rapports se sont apaisés et plusieurs paroissiens ont participé aux activités de la communauté, les célébrations des grandes fêtes étaient partagées.
Pour aller plus loin : 661. Golias Hebdo n° 661 (Fichier pdf)