Par Christopher White

Le pape François, qui a fait la une des journaux au cours des premiers mois de son pontificat en répondant « Qui suis-je pour juger ? » lorsqu’on l’interrogeait sur les prêtres homosexuels, a maintenant approuvé un décret du Vatican selon lequel les prêtres ne peuvent pas bénir les unions homosexuelles puisque Dieu « ne peut pas bénir le péché ».
Le décret, publié le 15 mars par la Congrégation pour la doctrine de la foi du Vatican, stipule qu’« il n’est pas licite de donner une bénédiction à des relations ou des partenariats, même stables, qui impliquent une activité sexuelle en dehors du mariage ».
Pour certains, le nouveau décret peut être une provocation, arrivant moins de cinq mois après que le pape ait fait les gros titres dans un documentaire pour avoir affirmé une fois de plus son soutien aux lois sur les unions civiles pour les couples de même sexe. Pour d’autres, c’est une nouvelle affirmation de l’enseignement de l’Église selon lequel « les actes homosexuels sont intrinsèquement désordonnés ». Mais pour tous, il s’agit d’une nouvelle manœuvre délicate dans la marche sur la corde raide de François, qui maintient l’enseignement de l’Église tout en essayant de réserver un accueil plus chaleureux aux personnes LGBTQ.
Que peut bénir un prêtre, qui peut-il bénir et pourquoi ?
Un prêtre peut bénir une maison, une automobile ou un animal domestique ; le Livre des bénédictions de 400 pages, qui est approuvé à la fois par le Vatican et par les conférences épiscopales locales, comprend même des prières pour les engins de pêche, les bateaux et les terrains de sport.

Parmi les objets et les personnes qui peuvent être bénis par les prêtres figurent les homosexuels, mais avec une réserve.
Selon le nouveau décret, un prêtre peut bénir une personne qui se trouve être homosexuelle, mais celle-ci doit « manifester la volonté de vivre en fidélité aux plans révélés de Dieu, tels que proposés par l’enseignement de l’Église ». Les mêmes conditions s’appliquent à « toute union qui implique une activité sexuelle hors mariage. »
« Il s’agit d’une version de la vieille mentalité bien connue “aimer le pécheur, mais haïr le péché” qui se manifeste non seulement dans le catholicisme romain, mais aussi dans d’autres confessions chrétiennes », a déclaré Patrick Hornbeck, professeur de théologie à l’université Fordham.
« La comparaison serait que le prêtre peut bénir la voiture, mais le prêtre ne peut pas bénir la voiture dont il sait qu’elle va être utilisée dans un braquage de banque », a déclaré Hornbeck à NCR. « Ici, ce que le Vatican dit, c’est que par la nature même de ce que sont les personnes LGBTQ, leur corps et leur moi sont tels qu’ils ne peuvent pas être bénis en relation les uns avec les autres. »
Qu’est-ce qui se cache derrière le timing de ce décret ?
« Il semble que ce soit la réponse du Vatican à certains évêques allemands qui avaient lancé cette idée à l’approche du synode de leur pays, comme un moyen de tendre la main aux personnes LGBTQ », a déclaré à NCR le père jésuite James Martin, un des principaux défenseurs de l’amélioration du ministère de l’Église envers les catholiques LGBTQ.
Le « chemin synodal » de l’Église catholique allemande est un processus de deux ans visant à aborder les questions névralgiques de l’Église, telles que le leadership des femmes et l’inclusion des personnes LGBTQ.
En 2019, l’évêque Franz-Josef Bode, vice-président de la Conférence épiscopale allemande, a déclaré qu’il était « sûr que la catégorie de la bénédiction jouera un rôle » dans le processus synodal. Mgr Bode, qui s’est déjà prononcé en faveur d’un débat ouvert sur la bénédiction des unions homosexuelles, a déclaré : « Nous ne devons pas toujours traiter l’homosexualité sous l’angle du péché grave. »
De même, le cardinal allemand Reinhard Marx de Munich et Freising, qui fait partie du conseil des cardinaux conseillers de François, a déclaré que les couples homosexuels peuvent recevoir une bénédiction de l’Église « dans le sens d’une attention pastorale », bien qu’il ait cherché à la distinguer de la même bénédiction que l’Église offre aux couples mariés, en disant : « Le sacrement du mariage vise une relation fidèle entre un homme et une femme qui est ouverte aux enfants. »
Ce décret signifie-t-il que François est moins favorable aux LGBTQ qu’on ne le pense généralement?
Le 13 mars, François a fêté le huitième anniversaire de son entrée en fonction et, selon Hornbeck, « au cours de cette période, il a réservé un accueil plus chaleureux aux personnes LGBTQ qu’aucun de ses prédécesseurs. »
Pourtant, Hornbeck, qui est homosexuel et marié dans l’Église épiscopale, a déclaré que « la seule chose qu’il n’a pas faite pendant cette période, c’est de procéder à des ajustements ou même de faire un geste vers des ajustements concrets dans les enseignements de l’Église catholique sur la sexualité des personnes de même sexe ou sur les questions LGBTQ en matière de théologie morale ».
De même, Natalia Imperatori-Lee, professeur d’études religieuses au Manhattan College, spécialisée en sexualité et théologie, a déclaré que François « a fait beaucoup pour nous éloigner du qualificatif d’ » intrinsèquement désordonné” » que la théologie catholique a traditionnellement utilisé pour décrire les personnes homosexuelles. Mais le nouveau décret assimile le mariage homosexuel au péché, a-t-elle ajouté.
« Cela va à l’encontre de l’idée que les personnes LGBTQ sont faites à l’image de Dieu », a-t-elle déclaré à NCR. « Alors laquelle des deux versions est la bonne ? »
Dans une déclaration, Francis DeBernardo, directeur général de New Ways Ministry, a qualifié le décret d’« inopérant » et a déclaré que « cela n’arrêtera pas le mouvement de bénédiction de ces couples, et, en fait, cela encouragera les fidèles et les nombreux dirigeants catholiques qui sont impatients que de telles bénédictions se produisent à travailler plus fort dans leur soutien – et leur bénédiction – des couples de même sexe ».
Le décret du Vatican intervient à un moment où les catholiques d’Europe occidentale et des États-Unis acceptent de plus en plus les relations LGBTQ, 61 % des catholiques américains approuvant le mariage gay.
Bien que François ait toujours soutenu l’enseignement officiel de l’Église sur le mariage, il a encouragé des discussions honnêtes sur la nécessité d’une meilleure approche pastorale de la communauté LGBTQ. Sur le plan personnel, son action auprès des catholiques LGBTQ a été significative. En 2018, il a fait les gros titres pour avoir dit à Juan Carlos Cruz, victime d’abus, que « cela n’a pas d’importance que vous soyez gay. Dieu vous a fait de cette façon et il vous aime comme vous êtes, et cela n’a pas d’importance pour moi. » De même, le pape a personnellement tendu la main à un couple italien marié et gay, les encourageant à élever leurs enfants comme des catholiques.
« La plupart des personnes LGBTQ ne suivent pas le Vatican de très près », a déclaré Patrick Hornbeck, notant que « l’on a le sentiment que le pape François a en fait déplacé l’aiguille » et que ceux qui ne font que lire les gros titres pourraient être surpris par ce nouveau décret.
Pourtant, il n’y a pas lieu d’être surpris, a-t-il ajouté, car François « s’est toujours abstenu de bénir une union, et encore moins un mariage ».
« Il s’agit d’une réaffirmation d’une position que l’Église catholique a toujours tenue depuis qu’elle a écrit des déclarations sur les relations modernes entre personnes de même sexe », a déclaré Hornbeck. « Mais dans le contexte de toutes les choses que le pape a semblé faire pour et avec les personnes LGBTQ, il est difficile de ne pas prendre cela comme une condamnation inutile de relations que beaucoup de gens trouvent profondément sources de vie. »
Traduction : Lucienne Gouguenheim