L’Église catholique peut-elle accepter de changer quelque chose ?
Par Phyllis Zagano
Il faut parfois retenir son souffle lorsque les propos d’un officiel du Vatican font écho aux écrits d’un théologien. Dans quel sens cela va-t-il se passer ?
Il n’y a pas longtemps, le secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin, s’est fait l’écho d’un passage vieux de 50 ans tiré d’un livre de… attendez un peu… le théologien suisse Hans Küng.
S’exprimant sur le réseau radio COPE, propriété de l’Église espagnole, P. Parolin est revenu sur le thème du Vendredi saint du cardinal Raniero Cantalamessa, prédicateur de la maison papale, et a (peut-être sans le savoir) mis en avant un concept défini par Küng il y a 50 ans : Certaines choses peuvent changer, mais les divisions internes de l’Église sont dangereuses.
Dangereuses, elles le sont, et de nombreuses divisions encouragées par la droite dure bien financée aux États-Unis sont fixées sur des questions d’utérus et incorporent des formes de Trumpisme. La gauche progressiste relativement désorganisée peut également avoir tendance à franchir la ligne, dans la direction opposée.
Pourtant, certaines choses, a déclaré Parolin, peuvent et doivent changer, bien qu’« il y ait un niveau qui ne peut pas être changé, la structure de l’église – le dépôt de la foi, les sacrements, le ministère apostolique – ce sont les éléments structurels. »
Alors, qui peut changer quoi ? Le droit canonique maintient le pouvoir dans la classe sacerdotale, bien que le pouvoir combiné du porte-monnaie séculier et celui des médias puissent présenter des freins et des contrepoids au pouvoir clérical. Mais l’argent soutient également le cléricalisme. L’argent et les médias, notamment les médias sociaux, démontrent les dangers d’une soupe clérico-politique infusée d’argent.
Il ne fait aucun doute que de nombreuses personnes ne sont que trop heureuses de remplacer tout ce qui est vaguement post-Vatican II par lce qu’elles imaginent des années 1950. Il y a probablement tout autant de personnes agacées par les prêches mal informés des jeunes clercs en dentelle et de certains évêques. (Récemment, l’évêque de Kildare et Leighlin, prêchant lors de la messe radiophonique irlandaise de RTE, a parlé de « Marie-Madeleine avec son passé coloré »).
Pour ceux qui pensent que le Concile Vatican II était une bonne idée, il y a de nombreuses questions légitimes à discuter et de nombreuses « lois purement ecclésiastiques » qui peuvent et doivent être modifiées. Et la majorité de l’église – les 99% de laïcs – veut avoir son mot à dire. C’est là que la question de la justice entre dans le débat. Au-delà de l’ordination des femmes comme diacres, qui est un fait continuellement affirmé par les historiens, il existe des faits bien étudiés, bien documentés et bien établis qui étayent la participation des laïcs à la gouvernance de l’Église.
Au cours des siècles, l’Église a exclu les laïcs de toute participation à la gouvernance et à la juridiction, et le Code de droit canonique a verrouillé cette issue. Le canon 129.1 du code de droit canonique de 1983 – rédigé par le cardinal Joseph Ratzinger – stipule fermement que les laïcs peuvent coopérer, mais pas participer au pouvoir de gouvernance.
Alors comment l’Église – c’est-à-dire nous tous – voit-elle ce qui se passe avec l’argent, le cléricalisme, les divisions et l’autorité ? L’argent derrière l’extrême droite est de l’argent laïc visant à affecter la façon dont l’église réagit aux questions de justice : pour les pauvres, pour les nécessiteux, pour les femmes, en plus de la fixation sur les questions sexuelles.
Changement ou pas de changement ? Les partisans du « non-changement » bénéficient d’un soutien clérical important. Certains partisans du « changement » continuent à parler, mais beaucoup s’en vont tout simplement.
Nous savons que l’Église peut changer parce qu’elle l’a fait, généralement pour maintenir le pouvoir clérical. Au fil des siècles, l’Église a évolué pour retirer aux femmes tout rôle dans la célébration de l’Eucharistie, pour les maintenir à l’extérieur de la « barrière » de l’autel par misogynie superstitieuse. (Les croyances ridicules demeurent : Un évêque m’a dit l’autre jour que le recteur de sa cathédrale s’était excusé parce qu’une femme se trouvait dans le sanctuaire pendant la Vigile de Pâques).
Pourtant, il y a un peu de lumière au sommet de l’échelle cléricale. Le pape François a modifié la loi pour que les femmes puissent être installées comme lecteurs et acolytes. Cantalamessa a mis en garde contre les divisions. Et le discours de Parolin ressemblait à un passage du livre de 1971 de Küng, « Prêtre pour quoi faire ? », où il écrit :
Une multiplicité d’opinions, de critiques et d’oppositions ont leur place légitime et exigent un dialogue constant et la présentation constructive d’idées contraires. Dans tout cela, la sphère privée de chaque membre de l’Église doit être respectée (qu’elle soit de nature avant-gardiste ou conservatrice). Dans les « questions de foi et de morale », rien ne peut être obtenu par de simples votes. À cet égard, lorsqu’il est impossible d’obtenir une sorte de consensus (et non l’unanimité), il vaut mieux laisser la question ouverte selon l’ancienne tradition conciliaire.
Faisant écho à Küng, Parolin a déclaré : « Parfois (…) on ne parvient pas à distinguer entre ce qui est essentiel et qui ne peut pas changer et ce qui n’est pas essentiel et qui doit être réformé, qui doit changer selon l’esprit de l’Évangile. »
Le secrétaire d’État a poursuivi : « Il y a toute une vie de l’Église qui peut être renouvelée. »
Mais craint-on que le changement fasse que l’extrême droite reprenne son argent et s’enfuie ? Vous vous souvenez peut-être que l’Église laisse de nombreuses questions ouvertes car, comme le souligne Küng, « il est impossible d’obtenir une sorte de consensus. »
Je ne suis pas si sûre qu’éviter les décisions soit la meilleure voie. Il n’est jamais bon de préférer la paix à la justice.
Source : https://www.ncronline.org/news/opinion/just-catholic/can-catholic-church-agree-change-anything
Traduction : Lucienne Gouguenheim