L’excuse de Dieu
Par Jim Burklo [1].
Salut, les humains. Je suis Dieu qui vous parle.
Voici quelques nouveautés dont je veux vous parler.
J’ai plusieurs façons de me faire connaître. Comme vous avez aussi plusieurs manières de vous présenter, toutes basées sur votre propre existence. En voici une en ce qui me concerne. Vous la trouverez peut-être utile.
J’ai commencé par être le créateur de l’univers : c’était moi le gars demeurant au-dessus du ciel qui a amené le cosmos à l’existence. J’étais une entité ressemblant à un être aux pouvoirs surnaturels illimités. J’avais créé l’univers parce que je me sentais seul. J’avais besoin de compagnie. Alors j’ai formé le monde et j’y ai mis un humain, quelqu’un à qui je pouvais parler. Quelqu’un qui m’adorerait.
Mais j’ai vite vu qu’il y avait un problème. Il est difficile d’entretenir de l’amitié avec quelqu’un qui n’est pas votre égal. Mais si j’avais créé l’homme comme mon égal, il serait Dieu lui aussi. C’était un problème dont je ne pouvais pas me sortir par mes pouvoirs surnaturels. Je voulais de la compagnie, mais pas de rivalité.
Adam voulait la compagnie de quelqu’un qui serait à son niveau. Je voyais bien qu’il n‘était pas à l’aise. Alors je l’ai fait dormir, je lui ai retiré une côte que j’ai transformée en femme. Cela a marché un moment, mais il n’a pas fallu longtemps pour qu’ils deviennent tous deux ambitieux. Les promenades dans le jardin d’Eden étaient très bien pour nous trois, mais ils se sont mis à vouloir davantage. Ils voulaient mes super pouvoirs.
Alors ils ont mangé le fruit de l’Arbre de la Connaissance et tout a basculé. Leur prétention m’a déplu et je les ai chassés du jardin. Je les ai obligés à travailler pour gagner leur vie en pensant que cela les calmerait. Mais ils ont finalement bien réussi en agriculture, ils ont commencé à amasser des surplus et leur progéniture a créé des cités et des civilisations.
Ils ont réussi à construire des choses très bien, comme l’étonnante tour de Babel. Ils m’ont impressionné, mais ils m’ont aussi effrayé à cause de leur proximité avec le royaume des cieux. J’ai dû les faire revenir sur terre en confondant leur langage de sorte qu’il leur soit difficile de s’entendre et de s’employer à ce qui doit demeurer du domaine de Dieu.
C’était bien essayé, mais cela n’a pas marché.
Ils ont développé des civilisations de plus en plus élaborées et se sont tellement focalisés sur la recherche du plaisir qu’ils ont commencé à m’oublier. Cela m’a vraiment mis en colère et j’ai décidé de nettoyer la terre et de tout recommencer.
J’ai sélectionné une famille, je lui ai fait construire un grand bateau et y placer un couple de chaque animal et j’ai inondé la terre entière.
Après le Déluge, Noé a repeuplé la terre et pendant un temps tout allait mieux. J’étais plus respecté et les gens semblaient calmés. Mais évidemment, ils ont fini par retrouver leurs anciennes habitudes.
Cette fois j’ai essayé de me montrer plus subtil. J’ai envahi l’esprit de certains hommes – les prophètes – qui parlaient de ma part pour corriger l’orgueil et les mauvaises attitudes des gens. Cela a parfois marché, mais la plupart du temps les prophètes étaient ignorés ou persécutés : on ne leur manifestait du respect qu’après leur mort.
Je commençais à ne plus m’intéresser à l’humanité exactement comme elle ne s’intéressait plus à moi. Je me suis senti isolé et frustré.
Pourtant un homme m’a fait plaisir : Job. Il suivait mes commandements et m’adorait de tout son cœur. Avec lui je sentais que je pouvais espérer avoir avec les hommes une véritable relation.
Dans ma cour céleste d’anges et d’archanges, Satan me servait d’inspecteur particulier. Il a vu que j’étais content de Job, mais il savait aussi que j’avais bien souvent été déçu par les hommes. Il m’a suggéré de tester Job pour être sûr de sa fidélité. J’ai fini par accepter à contrecœur sa proposition. Job a enduré mille souffrances pendant cette période de test. Il a perdu sa famille, sa richesse et sa santé. J’avais le cœur brisé de l’entendre crier vers moi pour me demander justice et compassion. Il savait que ma conduite à son égard était injuste et il me le répétait. Il avait parfaitement raison.
J’ai essayé de le faire taire en lui tenant un grand discours sur ma puissance et ma gloire, mais il n’y a trouvé aucune satisfaction – et moi non plus évidemment.
Finalement nous lui avons rendu sa famille, sa richesse et sa santé, mais le test nous avait laissé tous les deux traumatisés. Depuis des millénaires j’en suis culpabilisé.
Cela m’a amené à repenser toute cette histoire de divinité.
Être divin est très surévalué. À l’origine, j’ai créé l’univers parce que je voulais une relation d’amour. Mais l’amour exige une certaine vulnérabilité. Job était vulnérable, je ne l’étais pas et ma divinité compliquait tout.
Alors j’ai décidé de devenir un être humain, un mortel. En Jésus j’ai vécu tout ce que Job avait enduré et souffert. C’était merveilleux et c’était horrible.
Après la torture de la croix, après la tombe, il n’y avait plus de recours. J’avais abandonné mon omnipotence et mon omniscience. C’était maintenant mon omniprésence. Trois jours après je suis sorti de la tombe : je n’étais désormais rien de plus et rien de moins qu’amour inconditionné.
L’amour est tout ce qui me reste. Je reconnais que je ne peux pas tout faire, je ne peux rien forcer. Je ne peux pas contrôler les événements. Tout ce que je peux faire est formuler des invitations, attirer, accueillir, rayonner la bonté et la compassion et espérer attirer ainsi tous les êtres vivants. Et lorsqu’ils m’ouvrent leur cœur et se traitent mutuellement avec amour, lorsqu’ils abandonnent toute prétention démesurée, je ressens alors une joie irrépressible en leur compagnie.
J’ai abandonné ma solitude cosmique. J’ai dû renoncer à moi-même, comme d’ailleurs tout le monde devrait faire, afin de trouver l’amour que je recherchais si désespérément.
Pendant des temps et des temps, j’ai souffert de solitude et de frustration et j’ai par conséquent fait souffrir les hommes par ma prétention à leur donner l’impossible. Je n’étais pas vraiment une très bonne divinité surnaturelle, car j’étais trop préoccupé par ma jalousie rageuse.
Je suis sincèrement désolé de tout cela, chers humains.
Le fait de me mettre à votre niveau me donne une infinie empathie pour tout ce que vous avez vécu.
Je ne veux pas que la religion rende votre vie plus dure qu’elle n’est déjà.
Alors, à partir de maintenant, pensez à moi comme Amour.
Ainsi je pourrai vous connaître tels que vous êtes et vous pourrez aussi me connaître vraiment.
Note :
[1] Pasteur de l’Église Unie du Christ. Université de Californie du Sud
Source : http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-libres-opinions/gl1548.htm
Source originale : https://tcpc.blogs.com/musings/2021/06/gods-apology.html (traduction Gilles Castelnau)