La fraternité associative, réponse aux violences des pouvoirs
Par Parténia 77
Dernièrement, dans une émission de France Inter, une journaliste posait systématiquement à ses invités une question : des trois termes de la devise républicaine, lequel a vos préférences ?
La plupart des invités choisirent la Liberté. Aucun ne prononça le mot de Fraternité.
C’est pourtant cette valeur qui irrigue la pensée contemporaine, pour peu qu’on s’y arrête, comme une vertu sublime vers laquelle l’humanité doit tendre, tout en sachant qu’elle ne saura jamais atteindre la perfection.
Combien pauvre à côté d’elle que la Liberté. Chacun s’accorde, à juste titre, pour en reconnaître la grandeur et la nécessité première. Les constituants français de 1789 en avaient cependant cerné les limites en inscrivant dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen cette sorte de définition : « La liberté consiste à pouvoir faire ce qui ne nuit pas à autrui. » Quelques années auparavant, les pères fondateurs des États-Unis d’Amérique lui avaient innocemment conféré une origine divine : « Les hommes ont été créés libres et égaux. » De cette liberté prétendument sans rivage avait bientôt découlé en droit le fameux premier amendement à la constitution américaine qui souligne le caractère illimité d’une telle liberté, car, en matière d’expression et de pratique morale ou religieuse, elle dénie en principe le regard de la loi civile, et, en conséquence, entraîne une série d’absurdités révérencielles. On ne peut ainsi, aux États-Unis, interdire des opinions racistes ou pédopornographiques, seule leur mise en pratique tombe sous le coup de la loi. Ces incohérences, si elles ne concernaient que la société américaine, n’auraient qu’un effet circonscrit. Mais l’« Empire du bien » ne pouvait s’en contenter. Des institutions officielles ont aujourd’hui pour mission d’inspecter et, le cas échéant, de réprimander les législations étrangères (celles de la France en particulier).
L’Égalité vient en second lieu dans les réponses des interviewés. Comment ne pas la reconnaître en droit, et dans toutes ses conséquences sociales, si on ne peut la constater en raison des différences sensibles qui affectent les personnes humaines dans leur diversité : la nature si souvent mise en exergue ne connaît pas l’égalité et lorsque des hommes et des femmes militent pour en réduire les effets redoutables, ils deviennent souvent suspects aux yeux de ceux qui tirent parti personnel des discriminations sociales. Contre ce constat cruel qui exige des mesures fortes pour être réduit, des partisans sincères de l’égalité sont allés politiquement jusqu’à pouvoir réaliser leurs espoirs par la contrainte. C’est Lénine contre Jaurès, tandis qu’avec une certaine hypocrisie Chateaubriand, un siècle plus tôt, parangon d’une classe nobiliaire et fortunée, s’était exclamé avec quelque inquiétude : « Les Français n’aiment pas la liberté, seule l’égalité est leur idole, or l’égalité a plus d’un lien avec la tyrannie. »
Si ni la Liberté, même encadrée par la loi, ni l’Égalité ne peuvent satisfaire à elles seules les espérances intimes des humains, en tant que personnes et comme sociabilité, reste heureusement la fragile Fraternité.
Quant à la Fraternité Associative sur laquelle nous réfléchissons actuellement, répond-elle « aux violences des pouvoirs » ? Il faudrait qu’elle soit suffisamment consciente et solidaire pour devenir durablement efficiente. Certes, en termes de bienfaisance et de courage, cette Fraternité Associative ne cesse de faire ses preuves. Que de personnes s’engagent aujourd’hui contre la misère, les handicaps, pour la protection des réfugiés, le combat écologique, l’aide aux pays les moins avancés ! Ce vaste mouvement, parfois amorcé au XIXe siècle, s’est imposé peu à peu au XXe. Il perdure et s’amplifie au XXIe, au fur et à mesure que les habitants de la Terre prennent conscience des périls imminents de la planète, et surtout cherchent activement les voies et moyens d’y soustraire les générations montantes.
De ce point de vue, la Fraternité Associative (dont les membres s’éduquent en agissant, comme on prouve la marche en marchant) joue un rôle essentiel contre toutes les formes d’injustice et de violence, notamment celles qui peuvent émaner des autorités publiques. N’oublions pas leurs fonctions d’ordre et de respect des valeurs universelles quand ces dernières sont défaillantes : ni Amnesty International ni Médecins du Monde ne sont d’initiative publique. Leur fonction sociale s’est néanmoins imposée, qui vaut reconnaissance sociale des États, des collectivités territoriales et des institutions internationales.
En ce premier quart du XXIe siècle, la Fraternité Associative a pris un tour d’indispensabilité que n’avaient pas prévu ses initiateurs.
Aussi serait-il opportun désormais d’éviter de réduire cette forme féconde de solidarité aux seules croyances ou idéologies fondatrices dont elles gardent la trace dans leurs titulatures.
La Fraternité Associative, ouverte sans distinctions à tous et à toutes, est probablement la force politique de demain car elle pousse les autorités internationales à adopter juridiquement des mesures positives et surtout veille à leur mise en œuvre sans la moindre complaisance.
Source : Les Réseaux du Parvis n°107