Être digne de Noël
Par Gilles Castelnau
Lorsque les nuits sont les plus longues de l’année, lorsque survient le solstice qui annonce que le soleil est invaincu et que les jours vont rallonger, on fête depuis toujours la lumière. Et l’obscurité qui envahit nos vies et nos esprits se fait moins noire, car l’espérance est annoncée, on a foi en la lumière et le souffle de l’Esprit saint nous régénère, nous permet de tenir le coup.
Encore faut-il ne pas étouffer ce Souffle, comme le disait Paul, ne pas éteindre cette lumière sous un boisseau comme le disait Jésus. Il faut toujours à nouveau relire les évangiles et laisser l’Esprit de Jésus nous animer à notre tour.
Il ne posait jamais de question embarrassante. Un dynamisme créateur dont nous comprenons qu’il est celui de Dieu émanait de lui et « sauvait » les hommes et les femmes qu’il rencontrait. C’est ainsi que les récits – sans doute pour beaucoup mythologiques et symboliques – montrent les gens libérés de leurs souffrances et ouverts à une vie plus épanouie, « sauvés » de la lèpre, de la paralysie, de la culpabilité, de la mort même, de l’observance pointilleuse des anciens rituels de purification.
On ne parlait pas, à cette époque, en Galilée des malheurs qui nous frappent aujourd’hui : le Covid bien sûr, les licenciements, les délocalisations, la récession, le sida, le racisme, le réchauffement climatique, les jeunes des banlieues et leurs problèmes, les pays en voie de développement ruinés par les jeux de la Bourse et du prix des matières premières.
On n’avait pas l’idée, en ce temps, de critiquer le système politique de l’Empire romain ou de refuser l’esclavage. Et d’ailleurs, autant qu’on sache, Jésus ne s’est jamais écarté de la Palestine rurale.
Mais l’élan vital qui l’animait était celui du Dieu éternel, actif en tout temps, dans tous les pays, sous tous les régimes, renouvelant toujours la vie des hommes. C’est évidemment à nous d’imaginer maintenant sa présence dans notre monde et quel élan il apporte à nos contemporains dans tous les milieux sociaux et professionnels, familiaux, avec les problèmes actuels de santé, de stress, de solitude, ou… de bousculade.
Encore faut-il ouvrir notre cœur à sa présence créatrice. Le salut de Dieu est une présence en nous qui est plus que nous, mais qui n’est pas sans nous. Comment le comprendre si nous croyons ne pouvoir compter que sur nous ?
– Comment le comprendre si on prend des euphorisants, de la drogue, de l’alcool, ou l’on demande un congé maladie pour déprime ?
– Comment le comprendre si on passe son temps à calculer le « niveau du moral des ménages » qui devrait « normalement » augmenter continuellement ?
– Comment le comprendre si on oublie la foi et l’espérance et qu’on répète « Moi je suis déprimé » et « quand on voit ce qu’on voit et qu’on sait ce qu’on sait, on a bien raison de penser ce qu’on pense ! »
Le « péché » dont nous devons nous prémunir, qui nous rend indignes de la fête de Noël, c’est négliger l’énergie de Dieu en nous. C’est ne pas être amoureux de la vie, se dessécher, admettre la laideur, l’ennui, la médiocrité.
C’est se réfugier dans une immobilité sécuritaire, dans un pessimisme amer et désabusé, s’enfermer dans un petit groupe sectaire, ne pas transmettre à la jeune génération la conscience de la vie agissante dans le cosmos entier, l’amour de la beauté. C’est laisser aux ténèbres, au pessimisme, à la mort leur victoire sur la lumière, sur la joie, sur la vie !
Jésus-Christ qui nous a révélé le « salut » n’était pas un être divin se promenant provisoirement sur la terre sans être engagé dans les conflits de l’existence et les ambiguïtés de notre vie (on pourrait alors lui demander des miracles sans nous sentir impliqués nous-mêmes dans son dynamisme créateur puisqu’il ne serait pas, lui, véritablement engagé dans notre détresse).
Source : http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-spiritualite/gc449.htm