Un prêtre réduit au silence évalue les changements apportés par le pape à la CDF
Par Tony Flannery [1]
Le Pape François veut-il apporter de réels changements à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF), et en a-t-il le pouvoir ?
Le pape François a publié un document sur sa réforme de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. La traduction anglaise ne sera pas disponible avant un certain temps, je suis donc dépendant des articles de divers médias pour m’informer de son contenu. Elle s’inscrit dans le cadre de la réforme majeure de la Curie à laquelle François a l’intention de procéder, avec l’aide de son Conseil des cardinaux, depuis le début de son pontificat.
Tout d’abord, permettez-moi de dire quelques mots sur ma propre expérience de la CDF au cours des dix dernières années, et sur ce que je considère comme essentiel à toute réforme de cet organisme. Il y a dix ans, après 40 ans de ministère en tant que prêtre, on m’a interdit d’exercer mon ministère publiquement parce que la CDF s’opposait à certaines de mes opinions exprimées dans un magazine publié mensuellement par ma congrégation religieuse, et cette situation reste la même à ce jour.
Le principal problème de mes rapports avec la CDF était précisément qu’il n’y avait aucun rapport qui respectait de quelque manière que ce soit ma dignité fondamentale en tant que personne humaine. En tant que membre d’une congrégation religieuse, ils ont traité exclusivement avec mes supérieurs, et n’ont eu aucun contact avec moi. Ils ont prétendu à un moment donné qu’ils avaient tenté de dialoguer avec moi, ce qui était faux. Dire qu’ils ont dialogué avec mes supérieurs serait également faux.
Mon supérieur général et mon supérieur provincial m’ont clairement fait comprendre qu’ils n’étaient pas en mesure de s’opposer aux décisions de la CDF ou de les remettre en question, car cet organisme avait le pouvoir de les démettre sommairement de leurs fonctions et de les remplacer par quelqu’un de leur choix, comme il l’avait fait dans d’autres cas. Il n’y avait donc pas de dialogue, pas de défense, pas de cour d’appel. Je me souviens que mon supérieur général m’a dit qu’il avait salué le préfet de la CDF de l’époque, William Levada, par les mots « Votre Éminence ». Ce n’est pas un début prometteur pour une rencontre entre égaux. Ainsi, mon expérience de la CDF a été celle d’un organisme qui avait un pouvoir total, qui était extrêmement arrogant, qui croyait pouvoir prendre des décisions ayant des implications énormes sur la vie des gens, décisions qui ne pouvaient être remises en question ou faire l’objet d’un appel auprès d’un organisme indépendant.
Le pape François veut-il apporter un réel changement à cet organe, et en a-t-il le pouvoir ? Il a déjà pris des mesures importantes. Il a démis Gerhard Müller de ses fonctions à la tête de la CDF, au grand dam de ce dernier. Plus récemment, il a également écarté Giacomo Morandi. Ces deux mesures sont, à mon avis, positives.
Dans le nouveau motu proprio, il divise la CDF en deux unités distinctes, chacune avec son propre chef, et avec un préfet général. Une unité concerne la discipline, et l’autre la doctrine.
La section discipline gérera les problèmes liés à l’abus sexuel des mineurs et autres crimes « graves ». Il semble qu’ils aient été submergés ces dernières années par des cas d’abus commis par des clercs et des religieux sur des mineurs, et il s’agit d’un effort pour traiter ces cas de manière plus adéquate et plus rapide. Cet organe aura également pour tâche de former les personnes occupant des postes d’autorité dans l’Église sur la manière de traiter ces cas. Cela semble être une fonction très nécessaire. Dans ce document initial, il ne semble pas s’étendre sur ce qu’il entend par crimes « graves ».
La deuxième unité concerne la doctrine. Cette section gérera les questions liées à la « promotion et à la protection » des questions de foi et de morale, ainsi que les questions matrimoniales. Elle promeut les études visant à accroître la compréhension et la transmission de la foi au service de l’évangélisation, afin que sa lumière soit un critère pour comprendre le sens de l’existence, notamment face aux questions posées par le progrès de la science et l’évolution de la société.
J’aime particulièrement cette dernière phrase, qui reconnaît que l’Église, dans son enseignement et sa pratique, doit être consciente des changements et des développements scientifiques et sociétaux, et dialoguer avec eux.
Dans tout cela, il me semble que François essaie de sortir la CDF de ses attitudes doctrinales étroites et autoritaires, et de l’amener à penser et à s’engager dans une attitude plus large et tolérante, jusqu’à aider les gens à comprendre le sens de la vie. Plutôt que de déclarer de manière dogmatique ce qui est et ce qui n’est pas de la doctrine, il semble vouloir qu’elle entre dans la discussion et le discernement avec l’ensemble de l’Église et de la société, afin de laisser l’Esprit agir à travers tous.
Je sais que ce sont des traits larges et généraux que François peint dans ce document, mais j’aime ce que j’en lis. Ma seule grande réserve concerne le personnel. Il sera difficile de changer le comportement d’un organisme qui existe depuis plus de 500 ans, sous le nom de l’Inquisition, le Saint-Office, et maintenant la CDF. L’actuel préfet, Luis Ladaria, prendra sa retraite dans le courant de l’année. Il devra être remplacé par une personne forte, décisive et dans l’esprit de François. Si cela se produit, et sous la direction de François, nous pourrions assister à un véritable changement, et la CDF, au lieu d’être une présence négative et finalement destructrice dans l’Église, pourrait au contraire devenir une présence pleine de ressources qui aidera l’Église tout entière à mieux présenter le message de Jésus au monde moderne. Je suis plein d’espoir.
Note :
[1] Tony Flannery est un membre de la congrégation rédemptoriste, originaire d’Attymon, près d’Athenry dans le comté de Galway, en Irlande. En 2012, il a été porté à son attention que le Vatican s’opposait à certains de ses articles dans le magazine Reality. Il a été convoqué à Rome par le Supérieur général des Rédemptoristes, ce qui a entamé un long processus qui a abouti à son interdiction d’exercer son ministère en tant que prêtre, une situation qui perdure à ce jour. Il a écrit un récit complet de ses démêlés avec le Vatican dans son dernier livre, A Question of Conscience.Source : https://www.thetablet.co.uk/blogs/1/2002/a-silenced-priest-assesses-the-pope-s-changes-to-the-cdf
On peut lire :
– Pour le Vatican, Tony Flannery doit signer des serments de fidélité ou rester suspendu
– Silence remarquable de la congrégation doctrinale du Vatican sous François