Par Jesús Bastante
Un tir sur le poteau. C’est le sentiment qui se dégage de la première lecture de la « Synthèse sur la phase diocésaine du Synode sur la synodalité de l’Église en pèlerinage en Espagne » présentée cet après-midi à la Fondation Paul VI à Madrid. Le document de synthèse qui sera remis à Rome (avec l’ensemble des contributions des 215 000 personnes des 70 diocèses) est un texte de 13 pages, convenablement travaillé (et « poli »), qui évite certaines des questions qui ont été les protagonistes de la plupart des travaux connus à ce jour : l’ordination des femmes, la fin du célibat optionnel ou une plus grande démocratisation de l’Église.
En effet, bien que la synthèse reconnaisse que le thème qui « a eu une forte résonance dans le processus synodal » a été celui du « rôle des femmes dans l’Église », parmi les propositions, elle insiste sur le fait que tant cette question que celle du « célibat optionnel et de l’ordination des personnes mariées » ont été soulevées « seulement dans certains diocèses et, dans ceux-ci, par un petit nombre de groupes ou d’individus ». Dans une moindre mesure, précise le texte, la question de l’ordination des femmes s’est également posée ».
Lire le Magistère sans faire de changements
« En tout cas, par rapport à ces questions, il y a une demande claire que, en tant qu’Église, nous dialoguions à leur sujet afin de mieux comprendre le Magistère et de pouvoir offrir une proposition prophétique à notre société ». C’est-à-dire : lisez le Magistère, et ne proposez pas de changements.
Outre le rôle des femmes et le célibat, les participants au Synode ont souligné leur « préoccupation pour le peu de présence et de participation des jeunes dans la vie et la mission de l’Église », ainsi que l’« écho important » qu’a eu « la question des abus sexuels, des abus de pouvoir et des abus de conscience dans l’Église, mettant en évidence le besoin de pardon, d’accompagnement et de réparation ».
De même, « la nécessité d’un accueil plus attentif dans le cas de personnes qui ont besoin d’un accompagnement plus important dans leur situation personnelle en raison de leur situation familiale – il y a une forte préoccupation pour les personnes divorcées et remariées – ou en raison de leur orientation sexuelle ». Nous pensons que, en tant qu’Église, loin de rester dans des groupes identitaires qui brouillent les visages, nous devons regarder, accueillir et accompagner chaque personne dans sa situation spécifique ».
« Une majorité des participants a ressenti le besoin d’institutionnaliser et de renforcer les ministères laïcs », souligne la synthèse, qui ajoute la question du « dialogue avec les autres confessions chrétiennes et avec les autres religions ». « Nous reconnaissons que nous avons peu d’expérience œcuménique dans nos communautés, tout en comprenant la nécessité d’établir ce dialogue là où il n’existe pas et, le cas échéant, de le renforcer, avec des espaces partagés et des initiatives qui touchent tous les membres des communautés ».
La présence dans le monde rural, la pastorale des personnes âgées, la religiosité populaire ou le soin des prisonniers, des malades ou des immigrés ont été d’autres préoccupations majeures pour les 215 000 personnes qui ont participé, selon les données de la CEE, aux assemblées synodales diocésaines.
« Nous savons que nous sommes écoutés, mais que nous ne sommes pas protagonistes ».
« Nous nous sommes sentis écoutés, nous avons été libres de parler, nous avons fait l’expérience de l’espoir, de la joie, de l’illusion, du courage de remplir notre mission, avec un fort sentiment communautaire de continuer le voyage et de le faire ensemble », souligne la synthèse, qui affirme qu’« il est clair que les choses ne peuvent pas continuer comme avant et qu’il est urgent de répondre aux défis inévitables ».
« Nombreux sont ceux qui se demandent si ce processus d’écoute servira vraiment à quelque chose, surtout par rapport aux expériences précédentes – synodes et assemblées diocésaines tenues plus ou moins récemment, qui ont généré des frustrations parce qu’elles n’ont pas été mises en pratique », admet le résumé de la CEE, qui admet que « nous savons que nous sommes écoutés, mais pas protagonistes de la vie et de la mission de l’Église ».
Dans le même temps, la synthèse met en garde contre le risque de « surcharger l’expérience synodale », de passer « de la consultation à la codécision » et de parvenir à « une plus grande ouverture du processus de nomination des évêques et des curés à la participation de la communauté ». La synodalité, en somme, comme « un instrument efficace pour éviter le cléricalisme » qui a conduit dans certains diocèses à « un faible impact du processus synodal, qui a rencontré la lassitude du Peuple de Dieu ».
Faible réaction des jeunes et des familles
« La participation était principalement le fait de personnes déjà impliquées dans la vie de l’Église, principalement des femmes. Les jeunes et les familles, ainsi que les personnes éloignées et les non-croyants, ont peu répondu, même si ceux qui ont participé ont exprimé leur surprise quant à l’intérêt de l’Église à connaître leur opinion », souligne le texte.
Quelles sont les principales préoccupations observées ? « La sécularisation des baptisés, la perte de l’identité chrétienne des croyants et, par dérivation, des structures dont nous faisons partie – institutions et centres de l’Église ». En même temps, on suppose que « la liturgie (…) est vécue de manière froide, passive, ritualisée, monotone, distante », ce qui entraîne « une déconnexion entre les célébrations liturgiques et notre vie ».
Adapter la langue et les rites, mais aussi « repenser le rôle de l’homélie » pour que les célébrations « touchent l’âme des fidèles ». En même temps, ils encouragent « l’approfondissement de la vie de prière, sans laquelle nous ne pouvons animer l’Église ».
Pluralité et uniformité
« Nous sommes l’Église à bien des égards et, parfois, très différents les uns des autres. Mais cette pluralité doit être assumée dans la clé de la complémentarité et nous devons être capables de réaliser l’unité sans tomber dans la tentation d’imposer l’uniformité », avertit le document, qui admet que « nous avons le sentiment de ne pas nous connaître et d’être divisés ».
Les chrétiens ne peuvent pas vivre comme si nous étions une réalité sociale en dehors de ce monde. Nous devons marcher ensemble avec la société d’aujourd’hui, et cela signifie que nous devons nous efforcer d’être ouverts à tous.
« Parallèlement à cela, les chrétiens ne peuvent pas vivre comme si nous étions une réalité sociale en dehors de ce monde. Nous devons marcher ensemble avec la société d’aujourd’hui et cela signifie que nous devons nous efforcer d’être ouverts à tous. Une résonance particulière est la nécessité de se montrer comme une Église qui écoute et accompagne, qui encourage et qui va à la rencontre de la vie réelle des gens », ajoute le texte, qui appelle à « briser les préjugés et les clichés sur l’Église, en favorisant le dialogue avec la société ».
Le drame du « cléricalisme bilatéral ».
Parallèlement, la synthèse met en garde contre le « cléricalisme bilatéral » qui conduit à « un excès de protagonisme de la part des prêtres et à un défaut de responsabilité des laïcs », tout en « soulignant avec insistance la nécessité d’élargir les espaces de participation, d’encourager un plus grand nombre de personnes à s’y impliquer, d’aider les baptisés à découvrir qu’ils sont Église et que, en tant que tels, tout ce qui les concerne les concerne ».
Dérivé de ce qui précède, « l’autoritarisme dans l’Église (autorité comprise comme pouvoir et non comme service), avec ses conséquences correspondantes – cléricalisme, faible participation aux décisions, détachement des fidèles laïcs – est l’une des principales critiques qui apparaissent dans les contributions des groupes synodaux », qui souligne que « le rôle des laïcs et de la vie consacrée à l’heure actuelle est indispensable et irremplaçable, et nous devons pouvoir trouver des voies et des espaces pour qu’ils puissent le développer dans toute sa plénitude ».
Fracture entre l’Église et la société
En ce qui concerne le dialogue avec le monde, il souligne la nécessité d’« abandonner la vision d’une Église d’entretien pour aller vers une authentique Église de sortie, même si cela implique de prendre certains risques », comme celui d’accepter le « clivage clair entre l’Église et la société », qui voit l’Église « comme une institution réactionnaire avec peu de propositions, éloignée du monde d’aujourd’hui ».
« En partie, nous considérons que la responsabilité nous incombe, car nous ne savons pas comment bien communiquer tout ce que nous sommes et faisons. Cette image de l’Église nous blesse – parce que nous l’aimons – et, dans un certain sens, le sentiment de ne pas atteindre la société et que les préjugés contre l’Église sont insurmontables nous conduit à un profond découragement qui entrave notre présence évangélisatrice et transformatrice dans la réalité ».
« Il y a un manque d’esprit évangélisateur », souligne le document, qui demande « des responsables chrétiens dans les différents domaines de la vie publique – politique, économie, éducation, culture… – et il est essentiel de promouvoir des processus de formation de ces laïcs chrétiens qui vivent la charité politique, ainsi qu’un accompagnement dans le développement de leurs tâches ».
« Il y a un manque d’esprit évangélisateur », dit le document, qui demande « des responsables chrétiens dans les différents domaines de la vie publique – politique, économie, éducation, culture… – et il est essentiel de promouvoir des processus de formation de ces laïcs chrétiens qui vivent la charité politique, ainsi qu’un accompagnement dans le développement de leurs tâches ».
Professionnalisme, transparence et présence dans les médias
Sur la présence sociale de l’Église, le Synode espagnol propose trois mesures : « la nécessité d’un plus grand professionnalisme en matière de gouvernance (c’est-à-dire de disposer d’experts pour la prise de décisions dans les différents secteurs où nous sommes présents) ; l’opportunité d’étendre la transparence à des domaines autres que le domaine purement économique – pour lequel elle est très positivement appréciée en termes généraux – pour expliquer comment nous contribuons au bien commun ; et l’urgence d’une plus grande présence dans les médias généraux, tant dans les espaces traditionnels que dans les nouveaux espaces virtuels, ainsi qu’une meilleure utilisation de nos propres médias ».
Surmonter le cléricalisme
Enfin, la synthèse souligne « trois urgences », qui sont « clairement liées entre elles : croître dans la synodalité, promouvoir la participation des laïcs et surmonter le cléricalisme ». En ce qui concerne le premier, il demande d’« assumer la diversité des communautés en termes de complémentarité et d’avoir des structures ecclésiales authentiquement synodales ». Cela signifie donner un rôle plus important à ceux qui en font partie, sur la base de la complémentarité des vocations, également en termes de prise de décision ».
Une proposition concrète pour continuer à expérimenter la synodalité serait la tenue de consultations annuelles, paroissiales ou diocésaines, pour donner l’occasion de s’exprimer et de contribuer aux plans pastoraux à réaliser. Il s’agit de promouvoir d’autres structures de participation qui rendent le peuple de Dieu coresponsable de l’action évangélisatrice et caritative de l’Église. Parmi les prêtres, il conviendrait de promouvoir et d’encourager le travail dans les archipels et dans le conseil presbytéral, en tant qu’organe collégial, afin de développer des processus de discernement concernant la vie pastorale du diocèse.
En ce qui concerne la participation des laïcs, elle insiste pour « souligner la pleine responsabilité des laïcs dans la vie et la mission de l’Église », et demande « de définir les matières dans lesquelles la participation des chrétiens laïcs aurait un caractère décisif, en particulier dans les domaines qui sont plus propres à leur vocation dans le monde ». À ce stade, on répète l’urgence de « repenser le rôle de la femme dans l’Église, avec un plus grand protagonisme et une plus grande responsabilité », mais sans toucher à la question sacramentelle.
En même temps, « il est essentiel de renforcer la présence accompagnée des laïcs dans le tissu social : associations de quartier, syndicats, partis politiques, économie, science, politique, travail, médias, entre autres ».
Enfin, « vaincre le cléricalisme » en tant qu’« inertie des temps passés », ce qui « implique également de vaincre la passivité et le manque d’implication de nombreux fidèles laïcs dans la construction de l’Église ».
Pour conclure, la synthèse avance une série de propositions au niveau paroissial, diocésain et universel. Il s’agit des éléments suivants :
1.- Propositions au niveau des paroisses.
— Promouvoir une nouvelle façon d’être sur le territoire. La carte actuelle des paroisses montre une réalité qui correspond au passé, car, en de nombreux endroits, la paroisse n’est plus une réalité pastorale vivante, mais un territoire de mission. En Espagne rurale, il est nécessaire d’organiser une nouvelle forme de présence de l’Église avec des synergies dans la vie paroissiale et un plus grand engagement des fidèles laïcs.
— Là où ils n’existent pas, les conseils paroissiaux et économiques doivent être créés ou, si nécessaire, renouvelés, pour en faire de véritables espaces synodaux. Il convient également d’examiner sur quels thèmes les conseils paroissiaux ou économiques peuvent être délibératifs, avec la participation des laïcs. Les deux conseils sont considérés comme des instruments fondamentaux de la synodalité.
— Encourager les petits groupes de foi qui se nourrissent quotidiennement de la Parole et qui, ensemble, approfondissent leur vie chrétienne. Ils doivent être soignés et nourris, car ils constituent un levain qui fera pousser la graine de la foi.
2.- Propositions au niveau diocésain
— Accorder une plus grande importance aux mouvements ecclésiaux, aux confraternités et aux fraternités, à la vie consacrée et monastique dans l’élaboration des plans diocésains. Leur contribution peut contribuer au renouveau de l’Église, notamment par le biais des conseils pastoraux diocésains.
— Développer et augmenter le nombre de ministères officiellement reconnus pour les laïcs : ministres de la liturgie, ministres de la parole, Caritas, visiteurs, catéchistes.
— Donner la priorité à la mise en réseau de toutes les réalités existantes dans les diocèses.
3.- Propositions au niveau de l’Église universelle
— Aider à redécouvrir la vocation baptismale, l’appartenance commune au peuple de Dieu, en cherchant des espaces de communion et de travail en équipe, ainsi que l’engagement dans un projet d’annonce de Jésus dans ce monde et en ce temps.
— Être toujours plus présent en tant que voix prophétique dans toutes les difficultés, les conflits et les défis du monde d’aujourd’hui.