Dieu, Jésus et la prière
Atelier de Parvis : Dire Dieu, Jésus, la foi aujourd’hui
Par Paul Fleuret et Serge Couderc
Au cours de cette troisième étape de l’atelier 1 de Parvis, chacun(e) était invité(e) à répondre aux questions : 1. De quel « Dieu » suis-je croyant ou croyante ? Qu’est-ce que je mets sous le mot « Dieu » ? Comment est-ce que je me représente Dieu aujourd’hui ? Mes représentations de Dieu ont-elles évolué ? 2. Quelle est la place de Jésus dans ces représentations de Dieu ? 3. Qu’est-ce que prier pour moi aujourd’hui ? Voici quelques impressions, observations, analyses des seize contributions partagées au cours de cette étape 3.
Ce qui frappe d’abord, c’est une manière commune de penser la foi, de dire Dieu, de se rapporter à Jésus, avec les mêmes questionnements, les mêmes assurances, les mêmes découvertes, les mêmes références à des livres ou à des personnes-ressources. Il y a là quelque chose qui a à voir avec notre génération : tous issus de milieu chrétien, avec une éducation relativement identique, nous avons reçu une religion que nous qualifions de traditionnelle – pour le moins. Nous sommes du monde d’avant. Avant les bouleversements socio-économiques, philosophiques, culturels, moraux, etc. des années 60. Avant le concile Vatican II qui nous a tous marqués. Comment nous faire entendre des nouvelles générations qui sont dans la recherche d’affirmation identitaire et, pour ce faire, se tournent vers les recettes et les pratiques du passé ?
1- De quel « Dieu » suis-je croyant.e ?
Deux d’entre nous font remarquer que l’on ne peut parler de Dieu sans avoir en tête certains événements importants : aux États-Unis, au Brésil, des présidents d’extrême droite ultraconservateurs sont arrivés au pouvoir avec le soutien de courants religieux évangéliques ; en Russie, le patriarche Kirill soutient la guerre de Poutine au nom de Dieu ; en Italie, la Première ministre, dans le sillage du fascisme, se dit chrétienne et cite Dieu régulièrement. L’islamisme terroriste prétend agir au nom de Dieu… Dans ce contexte, comment peuvent être reçues nos convictions ?
Aujourd’hui, le Dieu nommé dans le Symbole de Nicée-Constantinople nous est devenu étranger : un Dieu dans son ciel – et nous sur la terre, un Dieu créateur, tout puissant intervenant dans l’histoire humaine, un Dieu qui aurait confié aux religions juive et chrétienne le soin d’interpréter ses volontés et de les faire respecter, un Dieu dont nous saurions tout grâce aux théologiens et aux conciles.
Nous avons évolué dans nos représentations de Dieu. Beaucoup se retrouvent dans cette phrase de Marcel Légaut : « Il y a quelque chose en moi qui n’est pas que de moi et qui ne serait pas sans moi et j’ose l’appeler “Dieu” sans me donner de “Dieu” une représentation à priori et particulière ». Des phrases fortes ont été citées : « Dieu devient Dieu quand les créatures disent : Dieu. Je suis une cause de ce que Dieu soit Dieu. Si je n’existais pas, Dieu n’existerait pas non plus » (Maître Eckhart). « Il n’y a pas de Dieu-avec-nous sans nous. Dieu n’est Dieu-avec-nous que là où l’homme le fait tel, et tel que le fait l’homme. » (Jacques Pohier)
Dieu est perçu plutôt comme absent, inconnaissable, informulable ; il échappe aux catégories de personne, d’immanence et de transcendance. C’est dans notre monde lui-même que peut se « voir » la présence de Dieu : il n’est pas un concept, mais une expérience. Plusieurs soulignent le fait que la représentation qu’ils ont de Dieu surgit des profondeurs de leur humanité, de leur chemin d’humanisation : « la représentation de Dieu qui est crédible à mes yeux, je la tire d’un questionnement qui m’habite depuis longtemps dans l’invention quotidienne de ma vie d’homme ».
Nous sommes nombreux à employer « des mots pour dire Dieu » : Père, Souffle, Esprit, Force de vie et d’amour, Réalité ultime et fondatrice, Source cachée, Énergie d’Amour et de Vie… Mais même ces mots sont incapables de dire Dieu.
Tous énumèrent des noms de savants qui ont bouleversé leur connaissance et donc leur vision du monde, du cosmos, de Copernic à Freud et Einstein, ainsi que des noms de théologiens et de théologiennes, penseurs à la parole libre – et, de ce fait, libératrice – qui les ont éveillés à un regard renouvelé sur Dieu. Plusieurs disent avoir cheminé avec la lecture de la bible et/ou du Nouveau Testament.
2- Quelle est la place de Jésus dans ces représentations de Dieu ?
Une évidence : Jésus croyait en Dieu. Sa religion, ses croyances personnelles, sa culture étaient très profondément imprégnées par le judaïsme de son temps. L’un d’entre nous a écrit : « La représentation de Dieu qui était celle de Jésus ne peut être la mienne aujourd’hui ». Mais il précise : « Si nos représentations divergent, nos expériences de Dieu convergent ». Jésus a opéré un renouvellement, un bouleversement de la représentation de Dieu par le partage d’une expérience spirituelle personnelle : Dieu est Abba, Papa ! Ce qui entraîne la fraternité entre les humains.
Notre représentation de Dieu – et par suite notre agir – est inspirée par celle de Jésus, par sa vie et son action. Beaucoup insistent sur les pratiques de libération de Jésus, sur la fraternité qu’il manifeste, sur son attention aux plus faibles. Nous avons là un critère de vérité pour notre propre foi en Dieu-Abba. On peut dire que, par Jésus, Dieu peut se découvrir dans la relation à tout humain reconnu comme frère ou sœur. C’est dans ce rapport à l’autre que se fait la rencontre avec le divin : voilà ce que révèle Jésus avec force.
3- Qu’est-ce que prier pour moi aujourd’hui ?
Les expériences relatées sont très diverses. Quelques-uns disent ne pas prendre de temps réservé à la prière. Pour eux, prier, c’est rencontrer d’autres personnes en profondeur, c’est poser des actes collectifs de foi. Prier, c’est rechercher dans les évènements de nos vies, dans les rencontres avec d’autres humains, la présence du Dieu mystère et source. C’est une façon de vivre et de concevoir la vie qui est toute de présence à Dieu alors même que Dieu reste une énigme. « J’essaie de vivre devant Dieu en m’ouvrant à sa présence ; de vivre avec Dieu en étant confiant qu’il est avec moi dans mon histoire et dans l’histoire de l’humanité ; de vivre sans Dieu, sans mots définitifs sur lui, sans l’enfermer dans des discours qui viendraient clore mes questions. »
Plusieurs expriment le besoin de recueillement pour vivre à plein, pour construire sa vie, pour mieux la comprendre et lui donner sens, pour se recentrer et s’unifier, pour s’approprier sa propre existence.L’un ou l’autre signale sa pratique de méditation chrétienne dans le style de la méditation de pleine conscience.
La prière de demande pose problème à tous. « Je ne crois pas au Dieu qui conduit en sous-main l’histoire, je ne crois pas au Dieu qui se joue des lois qui régissent le monde et les humains ». Il en est de même pour la prière de louange si chère aux charismatiques.
Les prières liturgiques – oraisons, prières universelles, prières eucharistiques – posent aussi problème, car leur langage est hors sol et le Dieu auquel elles s’adressent reste le Dieu tout-puissant.
S’expriment alors diverses façons de prier : prendre du temps pour se mettre dans la lumière de Dieu, en se promenant ; inventer, créer « des mots neufs, des phrases et des expressions nouvelles, qui me parlent pour toujours mieux prier, vivre, dire, écrire, chanter sur mon chemin d’humanisation, mon devenir-plus-homme, ma foi » ; créer de nouvelles formes et des mots ou les trouver chez d’autres ou avec d’autres.
En conclusion…
« Ces contributions révèlent des femmes et des hommes en recherche, une recherche qui se déploie sur toute une vie, recherche de sens, de cohérence, interrogation inlassable à travers l’étude de la Bible, Ancien et Nouveau Testament, mais aussi à travers de nombreuses lectures […]. L’interrogation sur Dieu donne lieu à une vraie recherche intellectuelle, dans laquelle nous traquons les représentations qui nous ont été imposées et que notre niveau de connaissance et notre esprit critique ne supportent plus, dans laquelle nous traquons tous les risques d’erreurs, les approximations, les contradictions. […] Ces contributions ont aussi une dimension humaine et spirituelle. Ce sont vraiment des témoignages, dans lesquels chacun dit “je”, chacun dit son cheminement personnel, marqué par des événements, des rencontres. […] Enfin, il me semble que s’est ainsi créée une communauté fraternelle, dans laquelle nous nous “écoutons” en quelque sorte les uns les autres, en essayant d’expliquer le plus clairement possible nos positions, en donnant les références des penseurs qui nous ont aidés, mais aussi en faisant part de notre cheminement personnel, de notre expérience spirituelle. »
La réflexion et les échanges se poursuivent avec une feuille de route n° 4 : en quoi Jésus, est-il libérateur, pour moi et/ou pour notre groupe, par ce qu’il a été, est et par son message ? Comment je me situe, comment nous situons-nous, par rapport au péché, au mal et au salut ?
Source : https://www.reseaux-parvis.fr/wp-content/uploads/2022/10/Synthese-Atelier-1-etape-3-.pdf
On peut lire les étapes précédentes :
https://nsae.fr/2022/06/26/dire-dieu-jesus-la-foi-aujourdhui-qui-est-jesus-pour-nous/
https://nsae.fr/2022/05/14/echos-de-latelier-de-parvis-dire-dieu-jesus-la-foi-aujourdhui/