Une vie bien vécue
Mary M. McGlone.
Dans nos pires moments, nous pourrions dire que nous nous sentons aussi moche que sur la photo de notre carte d’identité. À l’autre bout du spectre, les personnes fortunées peuvent se faire faire des portraits qui effacent les imperfections et font paraître majestueux même les plus ordinaires.
Quelque part entre les deux se trouve la réalité de ce que nous sommes – une question bien plus complexe que ce qui peut être capturé visuellement ou verbalement. La liturgie de la parole d’aujourd’hui se concentre sur la question de savoir comment les disciples ont grandi dans la connaissance de Jésus et comment cela les a affectés.
De manière assez surprenante, les personnes qui ont élaboré notre lectionnaire ont choisi la relation d’Abram avec Dieu pour éclairer le mystère de la transfiguration de Jésus. Notre choix dans la Genèse raconte une histoire de changement d’identité. Dieu a invité Abram à laisser derrière lui tout ce qui l’avait défini – son pays et sa parenté – afin que Dieu puisse faire de lui quelque chose de nouveau.
Dieu a fait cinq promesses à Abram, chacune d’entre elles l’incitant à regarder au-delà de tout ce qu’il avait et connaissait, afin qu’il puisse embrasser une identité beaucoup plus large qui serait aussi bonne pour le monde entier que pour lui personnellement.
La lecture se termine par le merveilleux résumé d’une vie bien vécue : « Abram partit comme le Seigneur le lui avait ordonné ».
Nous entendons l’Évangile d’aujourd’hui, en gardant à l’esprit que cette scène se déroule après les événements de Matthieu 16. Ces événements comprenaient une dispute avec des pharisiens qui demandaient des signes, la déception de Jésus devant l’incapacité des disciples à comprendre ses œuvres et cette question des plus directes, intimes et intimidantes : « Qui dites-vous que je suis ? » Cet échange s’est terminé lorsque Jésus leur a dit que sa vocation (et la leur) inclurait la souffrance.
Matthieu situe l’incident sur la montagne six jours après ces événements. Cette référence calendaire apparemment étrange place subtilement cet incident dans le contexte du récit de la création : Jésus est monté sur la montagne avec ses amis le septième jour, le jour de l’achèvement. Après avoir partagé des enseignements difficiles sur ses souffrances et sa défiguration, Jésus leur a permis d’entrevoir l’avenir de toute la création lors de la Transfiguration.
Matthieu, Marc et Luc nous donnent des récits remarquablement similaires de cet incident. Lorsque Matthieu nous dit que Jésus a été « transfiguré » devant eux, il utilise le mot qui vient en français sous le nom de métamorphose. Dans la mythologie grecque, la métamorphose était ce qui se passait lorsque les dieux prenaient forme humaine.
À l’inverse, Jésus, être humain à part entière, s’est imprégné de la splendeur divine. Cela a complètement bouleversé les disciples qui avaient si facilement proclamé que Jésus était le Christ, le fils oint de Dieu. C’est une chose de faire une grande déclaration sur ce que nous croyons, c’en est une autre de commencer à percevoir ne serait-ce qu’une infime partie de ce que peuvent impliquer des titres comme Christ ou Dieu.
De toute évidence, les disciples ont réalisé qu’ils avaient vu plus qu’ils ne pouvaient comprendre. Quoi qu’ils aient pensé de Jésus ou de la gloire de Dieu, ce moment sur la montagne leur a montré combien leur imagination était dérisoire. Jésus leur a dit de ne pas en parler, car les mots qu’ils essaieraient d’utiliser seraient si inadéquats qu’ils en seraient presque sacrilèges.
L’expérience sur la montagne a dû être le point culminant de leur vie de disciple pour ceux qui ont accompagné Jésus ce jour-là. C’est pourquoi ils n’ont jamais pu la décrire correctement.
Il en va de même pour nous. Il y a des moments dans nos relations les plus profondes où nous connaissons vraiment l’amour et l’intimité, où nous entrevoyons la profondeur de l’autre d’une manière qui ne peut être exprimée par des mots. Dans ces moments-là, nous réalisons que la vérité de l’amour est intemporelle, plus profonde et plus large que ce que l’on peut décrire.
Être pris dans de telles expériences est transformateur. Non seulement nous voyons et tombons à nouveau amoureux, mais nous sommes nous-mêmes transformés dans le processus.
Le mystère de la Transfiguration, l’autorévélation de Jésus comme le bien-aimé de Dieu, nous offre plus qu’un simple aperçu de sa vocation divine. L’apparition de Jésus en tant que bien-aimé de Dieu, sa révélation de la divinité dans l’humanité nous donne un aperçu de notre propre destinée. Elle nous rappelle la vérité de l’enseignement de la Genèse selon lequel les êtres humains sont orientés pour devenir des images de Dieu toujours plus grandes.
C’est ce que Paul dit à Timothée lorsqu’il cite un hymne qui chante comment Dieu nous sauve, non pas à cause de ce que nous faisons, mais grâce à ce qui se passe en nous et parmi nous lorsque nous aimons. La liturgie d’aujourd’hui nous dit que la transfiguration est le destin que nous partageons tous avec le Christ, si seulement nous nous laissons aimer comme lui. C’est la voie d’une vie bien vécue.