L’effondrement du catholicisme en question
Samson (Golias Hebdo 771).
Entre juillet 2019 et novembre 2020, l’Ined et l’Insee menaient une enquête sur la diversité des populations en France, en interrogeant 26 500 personnes âgées de 18 à 59 ans. Intitulée « Trajectoires et Origines 2 » (TeO2), l’enquête s’inscrit dans la lignée de TeO1, menée en 2008-2009 sur le même sujet.
Selon la présentation disponible sur les sites de l’Institut national d’études démographiques et de l’Institut national de la statistique et des études économiques : « L’enquête couvre de nombreuses thématiques de la vie quotidienne : logement, éducation, maîtrise de la langue, accès aux services publics, santé, relations sociales, citoyenneté, religion, etc. [Le but est] d’étudier dans quelle mesure les origines sont susceptibles de modifier les chances d’accès aux principaux biens qui définissent la place de chacun dans la société. » On le voit, il ne s’agit pas d’étudier l’appartenance religieuse pour elle-même, mais comme un des multiples facteurs potentiels de discrimination. Avec tous les problèmes que pose le traitement de données sensibles comme la religion ou la santé.
Même si l’intérêt d’une telle enquête concerne surtout des questions comme la mesure du sentiment d’appartenance à la France et du sentiment de rejet chez les personnes immigrées, on peut toutefois utiliser les statistiques de TeO2 pour mesurer l’appartenance religieuse et comparer les résultats à ceux de l’enquête TeO1 menée en 2008-2009, soit douze ans auparavant. Dans une tribune publiée dans La Croix (22.05.2023), l’historien Guillaume Cuchet dévoile, en ce qui concerne la religion, les résultats de cette enquête et propose une interprétation.
Appartenance catholique : divisée par deux en douze ans
On peut résumer ces résultats en six points. 1) La part des personnes qui se déclarent sans religion est passée de 45 % à 53 % depuis 2008. 2) Les catholiques sont passés de 43 % à 25 %. 3) Les « autres chrétiens » sont passés de 2,5 % à 9 %, avec une nette progression des évangéliques. 4) Les musulmans sont passés de 8 % à 11 %. 5) On note le caractère de plus en plus identitaire et fervent du judaïsme. 6) Le taux de reproduction spirituelle des groupes (capacité à transmettre leur conviction à la génération suivante) est de 91 % pour l’Islam, de 67 % pour le catholicisme et de 69 % pour les évangéliques. Le résultat le plus frappant est l’effondrement de l’appartenance catholique, presque divisée par deux en douze ans. D’un point de vue sociologique, ce résultat est spectaculaire, quand on sait que la sociologie religieuse, comme la sociologie électorale, est extrêmement stable et qu’elle relève du temps long. Ce qui est mesuré ici, ce n’est pas la baisse de la pratique, mais celle de l’appartenance déclarée au catholicisme : seuls 25 % des Français se disent encore catholiques, indépendamment de leur pratique. De là, puisque la statistique est exhaustive (on obtient 100 % en comptant 2 % de juifs et de bouddhistes), on pourrait être tenté de se demander où sont passés les 18 % de catholiques perdus entre-temps. Sont-ils allés grossir les effectifs des « sans religion », ont-ils rejoint les autres chrétiens, se sont-ils convertis à l’Islam ?
https://www.golias-editions.fr/2023/06/01/leffondrement-du-catholicisme-en-question/