Le salut par la croix
John S. Spong.
Question : Comment la mort de Jésus il y a 2000 ans me sauve-t-elle ? Qu’est-ce que la doctrine du salut substitutif ?
Réponse : Votre question touche au cœur d’une réforme radicale du christianisme qui me semble indispensable aujourd’hui.
La doctrine du salut substitutif implique plusieurs affirmations problématiques :
1. L’humanité aurait, à l’origine, été créée bonne et parfaite.
2. La Chute dans le péché de l’humanité aurait été provoquée par un acte de désobéissance et les hommes seraient incapables de se sauver eux-mêmes.
3. Dieu a donc dû intervenir lui-même directement dans le salut de l’humanité. Il a, pour cela, d’abord choisi Abraham, puis il a donné la Loi à Moïse, a envoyé les prophètes. Tout ceci a échoué et Dieu a dû assumer personnellement le rôle de sauveur, ce qu’il a fait en la personne de Jésus. C’est sur sa croix qu’il a lui-même payé le prix de la Chute.
La Croix fut considérée comme intemporelle. C’est à travers le sacrement de l’Eucharistie, pour les catholiques ou par l’acceptation de « Jésus comme sauveur personnel » pour les protestants, que les croyants peuvent bénéficier du fait que Dieu nous a substitué Jésus et a fait retomber sur lui le châtiment de nos péchés. L’affirmation « Jésus est mort pour nos péchés » est devenue une sorte de mantra chrétien.
Il faut prendre conscience du fait que cette doctrine provient de la célébration du Yom Kippour, dans le judaïsme ancien, où un agneau était sacrifié dans le Temple pour les péchés du peuple. Le sang de l’agneau était aspergé sur le peuple en symbole de purification.
Lorsqu’on dit que Jésus est « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », on emploie le langage liturgique du Yom Kippour.
Évidemment cette doctrine pose de sérieux problèmes et me paraît devoir être récusée par la nouvelle Réformation qui est devant nous.
1. Quel Dieu exigerait un tel sacrifice et une telle effusion de sang avant d’accorder son pardon ?
2. Quel Dieu prendrait plaisir à un sacrifice humain ?
3. Y a-t-il vraiment eu une période où les hommes étaient parfaits et ont subitement vécu une Chute dans le péché ?
Depuis que Charles Darwin a exposé la doctrine de l’Évolution au 19e siècle, on considère que la vie a évolué en 4,5 ou 5 milliards d’années, d’une cellule unique à l’actuel Homo sapiens. À quel moment de ce processus se situerait la Chute ?
4. Le mal provient-il réellement d’une Chute – qui n’a jamais eu lieu – ou plus simplement de la violence de notre lutte pour la vie qui nous centre sur nous-mêmes ?
5. Le salut doit-il vraiment être compris comme la libération de nos péchés ou peut-on le comprendre comme la capacité d’entrer dans des relations humaines positives et altruistes ?
Il me semble indispensable que nous élaborions, pour commencer, une nouvelle compréhension de la vie humaine, puis que nous repensions la vie et l’œuvre du Christ. Sinon, je ne crois pas que les doctrines traditionnelles du salut puissent nous aider durant le 21e siècle.