« De la place pour tous dans l’Église » : aux JMJ, le pape François a poursuivi sa volonté d’inclusivité
Gino Hoel.
Les Journées mondiales de la jeunesse ont réuni 1,5 million de jeunes à Lisbonne. Elles constituaient une étape importante dans l’agenda du pape pour changer l’Église et assurer sa succession.
Lors des 37e Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) qui se sont déroulées à Lisbonne du 1er au 6 août, François a galvanisé des jeunes gens venus du monde entier. Deux mois après son opération d’une hernie abdominale, le pape de 86 ans a semblé fatigué lors de certains temps forts, allant parfois jusqu’à abandonner certaines parties de ses discours pour improviser. Dans l’avion le ramenant à Rome, le dimanche 6 août, il a confié aux journalistes : « J’essaie toujours de communiquer lorsque je parle. […] Avec les jeunes, les longs discours contenaient l’essentiel du message et je choisissais en fonction de la façon dont je sentais la communication. »
Le pape François a bousculé les jeunes, fragilisés par la pandémie de Covid-19 et inquiets pour leur avenir et par la crise climatique. Il les a incités à aller de l’avant, à se montrer courageux, à avoir confiance en l’avenir qui leur paraît incertain. Il les a appelés à « se lever et partir », à « marcher » et à « se relever » quand ils tombent.
Parmi ces jeunes, plus de 40.000 catholiques français qui, selon un sondage pour La Croix publié en mai, seraient plus conservateurs et pratiquants que leurs aînés. Pour autant, tous les JMJistes n’étaient pas sur cette ligne : beaucoup ont été saisis par ce pape qui espérait « rajeuni[r] » à leur contact et qui a plaidé à plusieurs reprises pour une Église plus inclusive.
Des « drames » actuels plus ou moins abordés par le pape
Le lieu de rencontre – Lisbonne, la capitale portugaise – a assurément participé au succès de ce « Woodstock chrétien », avec environ 1,5 million de participants. L’édition de 2011 à Madrid, « sous le signe de la crise économique », avait réuni 2 millions de jeunes, dont 50.000 Français. Par ailleurs, le Portugal demeure fortement catholique : un jeune Portugais sur trois se dit pratiquant.
L’Église catholique au Portugal connaît pourtant, elle aussi, les scandales d’agressions sexuelles. En février 2023, une commission indépendante a évalué que près de 5.000 mineurs ont été victimes d’un clerc depuis 1950. Il s’agit d’un minimum. La question des réparations est toujours en suspens, même si les autorités de l’Église au Portugal promettent d’agir.
Au premier jour de son voyage, François a demandé au clergé portugais d’« accueillir et écouter » les victimes, alors que lui-même a rencontré treize personnes ayant subi des violences sexuelles. Dans l’avion du retour, il a précisé : « L’abus, c’est comme “manger” la victime. Ou pire, la blesser et la laisser en vie. Parler à des personnes victimes d’abus est une expérience très douloureuse. Ce qui est également bon pour moi, non pas parce que j’aime écouter, mais parce que cela m’aide à gérer ce drame. »
Ce n’est pas le seul « drame » que doit « gérer » le pape jésuite. Depuis le début de la guerre en Ukraine, François s’implique en faveur de la paix, parfois de manière brouillonne et déconcertante. Il eut ainsi toutes les peines du monde à reconnaître que la Russie était l’agresseur et il est apparu trop souvent comme « ambigu » sur cette question.
François a aussi envoyé en Ukraine et en Russie le cardinal-archevêque de Bologne, Matteo Maria Zuppi, comme médiateur, afin de « trouver les moyens de parvenir à une paix juste ». Ce prélat est membre fondateur de la communauté de Sant’Egidio, une association de fidèles catholiques engagée pour la paix et qui passe pour mener une diplomatie parallèle à celle du Vatican. Dans un entretien accordé au magazine espagnol Vida Nueva et publié le 4 août, le pape argentin a annoncé réfléchir « à nommer [prochainement] un représentant permanent pour faire le lien entre les autorités russes et ukrainiennes ».
Depuis la mort de Benoît XVI, François a mis un coup d’accélérateur pour l’avenir et sa propre succession.
Samedi 5 août, lors des JMJ, il s’est rendu au sanctuaire marial de Fátima (situé au centre du Portugal), où il devait appeler publiquement à la paix. Mais il a préféré prier silencieusement et « ne pas l’annoncer publiquement », selon ses propres dires face à la presse, dimanche 6 août. Ce faisant, il a déçu les jeunes Ukrainiens présents à Lisbonne qui espéraient une condamnation de la Russie. Il n’a pas aidé non plus à rendre lisible son engagement diplomatique dans le conflit.
À la fin du mois de juillet, des sources russes ont évoqué, sans que Rome ne confirme, une possible rencontre entre François et Kirill, le patriarche de Moscou, dans un aéroport russe sur le chemin du prochain voyage du pape en Mongolie, prévu du 31 août au 4 septembre. Mais rien n’indique que la guerre en Ukraine serait évoquée et les deux chefs religieux pourraient ne s’en tenir qu’à des déclarations en faveur de l’œcuménisme (le mouvement tendant vers l’unité entre les différentes Églises et communautés chrétiennes).
François redit son credo sur la synodalité et l’inclusivité
Enfin, derniers « drames »: la première session du synode sur la synodalité (la participation de l’ensemble des baptisés, clercs et laïcs, à la vie de l’Église), prévue en octobre 2023, et le prochain consistoire avec la création de vingt-et-un nouveaux cardinaux à la fin du mois de septembre. Depuis la mort de l’ancien pape Benoît XVI, François a mis un coup d’accélérateur et pris des décisions importantes pour l’avenir et sa propre succession.
Le 1er juillet 2023, le pape a nommé Víctor Manuel Fernández comme préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi (ex-Saint-Office). Jusqu’alors archevêque de La Plata (Argentine), celui-ci est un théologien très proche de lui et a contribué à la rédaction de documents importants du pontificat, comme les exhortations apostoliques Evangelii Gaudium et Amoris Lætitia, ou bien l’encyclique « écolo » Laudato si’.
Cet archevêque argentin de 61 ans sera créé cardinal avec notamment François-Xavier Bustillo, 54 ans et évêque franciscain d’Ajaccio, que personne n’attendait. Le pape François voit sans doute dans ce prélat réputé pour sa simplicité et sa spiritualité l’avenir de l’Église en France, en bien mauvaise posture. Il s’agit par ailleurs d’un geste pour la Méditerranée, où des Rencontres du même nom rassembleront des dizaines d’évêques venus de son pourtour, du 17 au 24 septembre 2023 à Marseille. Lors de sa visite express d’un jour et demi dans la cité phocéenne, qui sera notamment marquée par une messe au stade Vélodrome, le pape prononcera un discours de clôture le samedi 23 et ne manquera pas d’évoquer la crise migratoire.
L’évêque de Rome attend des vingt-et-un nouveaux porporati (de porpora, « pourpre », terme désignant les cardinaux) –dont dix-huit seront électeurs en cas de conclave– qu’ils s’impliquent dans le prochain synode, décisif, en particulier au sujet de la place faite aux femmes et aux LGBT+ dans l’Église. François –qui a créé plus des deux tiers des cardinaux– espère que son successeur poursuivra ses efforts en faveur d’une Église inclusive et moins dogmatique.
C’est d’ailleurs ce qu’il a asséné dans son discours lors de la cérémonie d’accueil des JMJ de Lisbonne, le jeudi 3 août. Dans une formule marquante, le pape argentin ne s’adressait pas qu’aux jeunes en martelant : « Tous. Tous. Tous. Dans l’Église, il y a de la place pour tous. […] Il y a de la place pour tout le monde. Tous ensemble, chacun dans sa langue… chacun dans sa langue, répétez avec moi: tous, tous, tous! » François délivrait aussi sa feuille de route pour les assemblées synodales de 2023 et 2024. Une feuille de route pour que l’Église accueille enfin tout le monde sans discrimination et quelle que soit sa condition.