Pour Dominique de Villepin, « le droit à la légitime défense n’est pas un droit à une vengeance indiscriminée »
« Il faut éviter que la riposte indiscriminée ne conduise à enflammer un peu plus la région, mais aussi le monde », a estimé l’ancien ministre des Affaires étrangères et ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, invité de France Inter jeudi matin.
« L’ampleur, l’horreur et la barbarie qui se sont exprimées nous appellent tous à un devoir d’humanité et de solidarité vis-à-vis d’Israël et du peuple israélien », estime l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin. Mais il se dit « pas surpris par cette haine qui s’est exprimée » à la lumière de ce qui s’est passé à Gaza depuis 2006. « On se dit que quelque chose a été raté, par nous tous, par l’ensemble de la communauté internationale, avec l’amnésie qui a été la nôtre, l’oubli qui a considéré à imaginer que cette question palestinienne allait pouvoir s’effacer devant un accord économique, stratégique et diplomatique, comme substitut à cette tragédie. »
Dominique de Villepin distingue un premier degré d’inquiétude au niveau local, « avec le Hamas, le Hesbollah, des mouvements de Cisjordanie », mais aussi la dimension régionale, « l’Iran, les pays arabes, qui ont exprimé la neutralité ou simplement déploré la violence ». Selon lui, « la ligne de fracture du monde, aujourd’hui, recoupe celle de l’Ukraine. La voix de l’Europe, la voix de l’Occident n’est pas majoritaire. Tout ce qui va se passer, va l’être sous l’œil et le regard du monde qui ne voit pas les choses comme nous ».
« Le devoir de responsabilité que nous avons vis-à-vis de cette horreur, c’est de bien prendre en compte l’importance de la réaction, de se souvenir que le droit à la légitime défense n’est pas un droit à une vengeance indiscriminée, qu’il n’y a pas de responsabilité collective pour un peuple pour les crimes commis par quelques-uns », estime l’ancien Premier ministre, notamment à propos du blocus total à Gaza.
« Il y a manifestement des crimes contre l’Humanité dès lors qu’a été ciblée de façon systématique et générale une catégorie de population, mais il faut éviter que la riposte indiscriminée ne conduise à enflammer un peu plus la région, mais aussi le monde. » Le Hamas « n’est pas le peuple palestinien », rappelle-t-il, mais « combattre le Hamas n’est pas enfermer deux millions de Palestiniens dans la bande de Gaza sans pouvoir sortir ».
« La solution à deux États, plus que jamais, est aujourd’hui la seule »
Dominique de Villepin fait le parallèle avec le 11 Septembre, comparaison « pertinente par l’immensité du drame et du choc », mais aussi « par les erreurs qui ont été commises ». Après ces attentats, « les Américains ont cédé à une volonté de vengeance, se sont lancés seuls dans une volonté de punir, ont été entraînés dans une logique de force et ont cru qu’ils pourraient fabriquer un nouveau Moyen-Orient, apporter la démocratie par la violence et la force, résultat, ils ont enflammé. Ne recommençons pas les mêmes erreurs ».
Pour la France, « il y a une exigence d’humanité et de solidarité vis-à-vis d’Israël, une exigence de responsabilité que nous devons porter à la tête de la communauté internationale et une expérience à partager, nous devons penser que la solution à deux États, plus que jamais est aujourd’hui la seule », estime Dominique de Villepin. « Israël ne peut pas être en sécurité tant qu’il n’y a pas la reconnaissance d’un état palestinien à ses côtés qui partage la responsabilité de la sécurité dans cette région. »
« On ne peut pas jouer avec tout, sur ces sujets »
Interrogé sur la demande du LR Eric Ciotti de suspendre toutes les aides aux Palestiniens, ou la France insoumise qui refuse de nommer le Hamas comme organisation terroriste, Dominique de Villepin réagit sans ménagement : « Tout ce qui, dans la politique politicienne, peut conduire à essayer de tirer profit politiquement de cette situation me dégoûte », dit-il. « On ne peut pas jouer avec tout, sur ces sujets, nous ne sommes pas là pour tirer avantage de telle ou telle communauté. »