Mes adieux à la religion traditionnelle (et à ce qu’il en reste)
Martin Thielen – traduction : Gilles Castelnau
Un verset de la Bible résume bien mon itinéraire spirituel : Matthieu 28.17 : « Quand les disciples le virent (le Christ ressuscité), ils l’adorèrent, mais eurent des doutes. »
Depuis 50 ans, ma confession de foi et mon baptême dans la Convention baptiste du Sud, j’ai adoré Dieu et le Christ, mais, comme les premiers disciples, j’ai aussi douté. Beaucoup douté.
Voici mon histoire.
J’ai perdu confiance dans une lecture littérale de la Bible
Mon Église m’a appris à croire que la Bible est « inerrante et infaillible », mais je n’en ai jamais été vraiment sûr.
J’étais notamment perturbé par la violence extrême que l’on y trouve, comme par exemple un génocide ordonné par Dieu. Le côté surnaturel de beaucoup de récits me paraissait également difficile à croire. Et je désapprouvais le fait que les femmes y étaient maltraitées et que l’esclavage était admis. Quand j’ai eu vingt ans, je disais dans mon Église que je ne pouvais plus croire honnêtement à la vérité littérale de la Bible et cela y était fort mal reçu.
J’ai perdu confiance dans les Églises évangéliques
Mon ministère pastoral dans la Convention Baptiste du Sud a été assombri dès le début par la domination implacable et terrible des fondamentalistes qui y étaient au pouvoir. J’en suis rapidement arrivé à la difficile décision que je ne pouvais plus demeurer engagé dans une tradition religieuse méprisant les femmes, la raison intellectuelle, la science, les homosexuels, l’œcuménisme, qui était mesquine, prétentieuse, toujours critique, coléreuse, raciste et très étroite d’esprit. J’ai quitté le monde évangélique et j’ai cherché une plus progressiste.
J’ai perdu confiance dans les doctrines traditionnelles
J’ai affronté, pendant des décennies, de nombreuses croyances orthodoxes. Je ne pouvais notamment pas croire en l’enfer : que Dieu tourmente des gens pour l’éternité dans les flammes de l’enfer parce que leurs croyances étaient erronées. Je ne pouvais pas admettre non plus que les non chrétiens et les gens sans religion ne puissent avoir aucun véritable espoir ni dans la vie actuelle ni dans l’au-delà. Ni que Dieu exige vraiment la mort sanglante et atroce du Fils de Dieu pour pardonner les péchés des hommes. Je récitais à l’église le dimanche le Symbole des Apôtres, mais j’avais de sérieux doutes sur bon nombre de ses affirmations. Et je me suis interrogé sur mon ministère de pasteur dans cette Église.
J’ai perdu confiance en la Providence de Dieu
Après avoir été témoin, pendant des années, de la souffrance de certains de mes paroissiens luttant contre un cancer, la maladie de Charcot ou la démence, après avoir célébré des obsèques d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes, après avoir appris quotidiennement les souffrances infinies subies par tant d’hommes et de femmes aux quatre coins du monde, je n’ai plus cru en la divine Providence. J’ai compris que Dieu ne fait pas intervenir dans le monde sa Providence comme on le dit traditionnellement.
J’ai perdu confiance en l’institution religieuse
Puis, j’ai pris conscience que mon mécontentement envers l’institution religieuse surpassait encore mon dégoût à l’égard de l’Église évangélique. Il m’a semblé que toutes les Églises, évangéliques, catholique, protestantes, y compris l’Église Méthodiste à laquelle je m’étais rattaché, avaient dérapé et étaient devenues toxiques et peut-être même irrécupérables.
L’Église telle qu’elle est aujourd’hui n’est pas ce que Jésus voulait.
J’ai perdu confiance au Dieu des Églises
Les Églises enseignent traditionnellement un Père céleste personnel, aimant, surnaturel, trinitaire, omniscient, tout-puissant et omniprésent qui intervient de manière surnaturelle dans le monde, répond aux prières et accomplit des miracles.
Elles croient également en un Christ divin préexistant avant la création, né d’une vierge, accomplissant de grands miracles, mort pour nos péchés, corporellement ressuscité des morts. Il a institué l’Église, est monté au ciel, reviendra un jour à la fin du monde, enverra les uns au paradis et les autres en enfer, puis siègera à la droite de Dieu adoré éternellement par les vrais fidèles.
Cela me paraissait inacceptable. J’ai donc quitté le ministère pastoral.
Vivre dans la foi. Je ne suis pas sans spiritualité
Je crois toujours en Dieu
Pas le Dieu des credo du quatrième siècle ou de la théologie traditionnelle. Le Dieu auquel je crois est beaucoup moins définissable et prévisible. Je crois en un Dieu qui est, notamment, l’Esprit, vivant et donnant vie et énergie à l’univers. Dieu mystérieux, inaccessible à l’intelligence humaine et dont l’ambiguïté ne me dérange en rien
Je crois toujours en Jésus
J’ai des doutes au sujet des doctrines christologiques traditionnelles, mais j’ai une grande attirance pour Jésus, car il aimait les pécheurs, il était homme de grâce et de bonté, il accueillait les marginaux, il bénissait les enfants, il faisait preuve de compassion, il s’opposait aux responsables religieux fondamentalistes et il luttait pour la justice. Je me considère toujours comme disciple de Jésus et je m’efforce de suivre ses enseignements, son exemple et son esprit.
Je suis fidèle à toutes mes valeurs
Aucune de mes valeurs fondamentales n’a changé. Elles comprenaient (et comprennent toujours) l’amour, la miséricorde, la grâce, l’honnêteté, la raison, la responsabilité, l’authenticité, la générosité, la tolérance, la bonté, le service, l’éducation, la liberté, l’inclusion et la justice.
Ces valeurs sont le fondement de toutes mes attitudes ; elles sont au cœur de ma vie.
Je me soucie toujours de l’Église
Malgré mon mécontentement à l’égard des institutions religieuses, je leur suis reconnaissant pour les dons que j’en ai reçus d’elles et que j’apprécie malgré leurs défauts, et je leur souhaite de réussir – bien qu’elles doivent évidemment pour cela, accepter des changements radicaux.
Je pense aussi à leurs clergés, je les encourage de mon mieux chaque fois que je le peux et je suis éventuellement prêt à revenir parmi eux si une bonne occasion se présente.
Je suis toujours pasteur
Je ne suis plus pasteur à plein temps dans une église officielle, mais je travaille avec la « paroisse des Douteurs », je fais des conférences et je publie beaucoup par écrit et par internet : j’accomplis ainsi un ministère auprès de chercheurs et de lutteurs, de personnes qui s’efforcent de penser ce que peut être une foi pour le XXIe siècle.
[…]Jésus ne parlait pas de vie religieuse. Ce qui l’intéressait était un comportement d’amour. Aujourd’hui plus que jamais, j’essaie de répondre à l’appel de Jésus à vivre une vie d’amour.
C’est ainsi que ma vie continue. Dans les années à venir, ma foi, comme la vôtre, va continuer à évoluer. Quant à moi, aussi longtemps que je pourrai, je continuerai à écrire.
Source :
http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-spiritualite/gc895.htm