Les laïcs peuvent-ils diriger une paroisse ? Voyez un bel exemple à Louisville
Par Joseph Martos [1]
Le sociologue Pierre Hegy, dans son récent ouvrage Worship as Community Drama, a décrit une paroisse catholique peu commune dont il a masqué l’identité sous le nom de Church of the Resurrection. Lorsque le livre a été publié au début de cette année et que nous avons lu le chapitre intitulé « Une paroisse séculière : un consensus sans autorité centrale », nous avons reconnu qu’il s’agissait de nous.
J’ai demandé à Hegy de révéler éventuellement l’origine du chapitre. Il a répondu que les protocoles sociologiques devaient être suivis dans le livre, mais que ceux-ci ne s’appliqueraient pas à un article de journal. Alors, allons-y.
Depuis près de 30 ans, la communauté catholique St William de Louisville, dans le Kentucky, est gérée par un administrateur paroissial laïc, mais, même auparavant, des décisions très importantes étaient prises par les habitants de la paroisse.
Fondée en 1901 pour les immigrants irlandais qui travaillaient dans les gares de chemin de fer à proximité, elle a vu le nombre d’adhérents tomber à 85 au début des années 1960, les travailleurs des chemins de fer étant déplacés par informatique pour démonter et réassembler des trains de marchandises passant par Louisville. On entend encore le fracas des wagons couverts et des wagons à plateau en été lorsque les fenêtres de l’église sont ouvertes. Nous avions décidé de ne pas installer la climatisation afin d’économiser de l’énergie et de préserver l’environnement.
Personne ne sait pourquoi la paroisse s’appelait Saint-William ni à quel William pensait l’évêque, mais certains font remarquer que l’évêque de l’époque s’appelait William et y voient un motif personnel. Vers 1995, la paroisse adopta comme patron saint Guillaume de Donjeon, un moine du Moyen Âge qui refusa d’être élu évêque et qui était connu pour son ministère auprès des pauvres, des malades et des prisonniers. Clairement notre type de gars.
Devant la perspective de devoir fermer la paroisse en déclin en 1969, l’archevêque Thomas McDonough décida de la confier à un jeune prêtre du nom de Ben O’Connor, lui suggérant d’essayer de mettre en œuvre les changements liturgiques approuvés par le Concile Vatican II. Disparut l’autel gothique, remplacé par une simple table en bois. Les bancs sont aussi partis, remplacés par des chaises que l’on pouvait réorganiser à sa guise. Fini le chant grégorien ; remplacé par la guitare dans les messes.
En quelques années, St William devint l’une des églises les plus populaires de la ville, attirant des habitants des quatre coins de l’archidiocèse et même de l’Indiana, de l’autre côté de la rivière Ohio.
Pour O’Connor, être une paroisse de Vatican II dans Saint-Guillaume signifiait plus qu’une participation pleine et active à la liturgie. Assis autour de la table du presbytère, les responsables de paroisse ont discuté des moyens de résoudre certains problèmes sociaux de la ville. Ils ont créé New Directions, une société à but non lucratif chargée d’acheter des maisons abandonnées, de les rendre habitables et de les louer à des prix abordables. Ils ont transformé une salle inutilisée en un ministère au service des pauvres qui avaient besoin d’aide pour gérer leur argent et payer leurs factures.
Dans les années 1980, les paroissiens ont voté pour devenir une église sanctuaire, offrant un refuge aux réfugiés de la répression politique au Salvador et les aidant à trouver la sécurité au Canada. Ils ont également eu des contacts avec un missionnaire Maryknoll [2] au Nicaragua et ont établi un jumelage de paroisse avec des catholiques dans la ville d’Esquipulas – relation qui perdure encore.
À mesure que plus de paroisses mettaient en œuvre les changements liturgiques de Vatican II, les messes à Saint-Guillaume sont devenues moins bondées. Et avec le départ des prêtres pour se marier, le nombre de prêtres affectés à la paroisse a été réduit à un. Mais en tant que paroisse non géographique avec une liturgie vivante et des ministères sociaux actifs, elle continuait à être autosuffisante avec 200 à 300 familles.
En 1990, l’archevêque Thomas Kelly s’est adapté à la pénurie de prêtres en nommant un membre actif de l’église à la fonction d’administrateur paroissial de la paroisse. En l’absence de prêtre, les membres de la communauté s’impliquèrent encore plus dans le soutien de la paroisse et dans la création de nouveaux ministères. Un magasin appelé Just Creations a été ouvert pour vendre des objets d’artisanat fabriqués par des artisans des pays du Sud, en payant un prix juste pour leur travail, leur permettant ainsi de bien vivre.
Le presbytère vide a été transformé en un centre de retraite et, aujourd’hui, CrossRoads Ministry propose chaque année des immersions en centre-ville à des centaines d’étudiants du secondaire et du supérieur.
Plus tôt cette année, l’archevêque Joseph Kurtz a estimé qu’il était temps que Saint-Guillaume ait à nouveau un pasteur prêtre, comme toutes les autres paroisses de l’archidiocèse. La seule façon pour lui de faire cela, cependant, était d’affecter un prêtre d’une autre paroisse à une double charge de curé. Ce n’est pas rare à une époque où beaucoup de diocèses ont plus de paroisses que de prêtres.
Malheureusement, le prêtre nommé a été un mauvais choix. Notre administrateur paroissial laïc gère les affaires courantes, mais les principales décisions de la paroisse sont prises par la discussion, la délibération et le consensus. La nouvelle personne nommée avait une mentalité plus traditionnelle, selon laquelle le pasteur prend toutes les décisions. Plutôt que de laisser les différends se transformer en affrontement public, l’archevêque a sagement décidé de nous permettre de continuer comme auparavant.
Nous verrons ce qui se passera l’année prochaine. Nous avons eu des prêtres pasteurs pendant 20 ans, mais c’étaient des prêtres qui avaient une vision de Vatican II et qui souhaitaient être conduits par l’Esprit. Comme vous pouvez le constater, cet esprit nous a conduits dans des lieux où peu de paroisses osent s’aventurer.
St William est l’une des paroisses les plus prospères de Louisville. Tout le monde chante à la messe dominicale. Les jeunes professionnels et les familles avec enfants sont plus nombreux que les têtes grises si visibles lors de nombreuses messes catholiques. Même si nous sommes une petite paroisse, nous donnons plus que la plupart des grandes paroisses aux pauvres et aux nécessiteux par l’intermédiaire de la société Saint-Vincent-de-Paul, de Catholic Relief Services, de notre paroisse sœur au Nicaragua et de services d’immigration locaux. Être autonome semble nous rendre plus généreux.
Peut-être est-il temps que nous soyons plus qu’une réussite locale. Peut-être sous la direction du pape François, le moment est-il venu de renouveler le renouveau commencé sous le bon pape Jean XXIII. Beaucoup peut arriver quand le peuple de Dieu est autorisé à être le peuple de Dieu et à assumer la responsabilité d’être l’Eglise.
Nous sommes un exemple vivant de la manière dont l’Église catholique peut progresser malgré la pénurie de prêtres, malgré les scandales sexuels et malgré la curie romaine. Nous sommes la preuve que l’esprit de Vatican II est toujours bien vivant.
À Saint-Guillaume, « Nous sommes l’Église » est plus qu’un slogan. C’est la façon dont nous fonctionnons. Et tout cela est permis en vertu du droit canonique ! Nous avons juste besoin d’évêques qui reconnaissent les immenses possibilités des paroisses gérées par des laïcs.
Notes :
[1] Joseph Martos est un théologien, professeur à la retraite et membre de sa paroisse depuis 27 ans.] [2] (par la rédaction) nom de trois organisations missionnaires de l’Église catholique des États-Unis qui travaillent ensemble depuis un siècle à l’évangélisation en Extrême-Orient, en Asie du Sud-Est, en Amérique latine et en Afrique (https://fr.wikipedia.org/wiki/Maryknoll)
Source : https://www.ncronline.org/news/parish/can-laypeople-lead-parish-look-louisville-thriving-example?clickSource=email
Traduction : Lucienne Gouguenheim