Par Jean Gadrey
Je résume en deux paragraphes pour ceux et celles qui ne souhaiteraient pas entrer dans les détails qui vont suivre. Depuis 2007, les institutions de l’UE ont souhaité se doter d’un indicateur « au-delà du PIB » capable de refléter la situation sociale des pays et des régions. Intention louable, en particulier pour orienter les fonds européens vers les pays et régions qui en ont le plus besoin, selon d’autres critères que leur PIB par habitant, en cernant mieux les manques sociaux (ont ensuite été ajoutés les manques écologiques). Cela avait plutôt bien commencé, mais depuis 2015 nos institutions de plus en plus néolibérales ont jeté leur dévolu sur un indicateur très lié, en termes de valeurs, mais aussi de soutiens financiers, aux milieux d’affaires américains via leurs branches philanthropiques : le Social Progress Index (SPI).
Ce dernier a été légèrement amendé et complété pour devenir européen : le EU-SPI. Cet indicateur ignore presque totalement les inégalités, ce qui est un exploit pour cerner le progrès social : sur les 55 indicateurs dont cet indicateur synthétique fait une sorte de moyenne, deux sont des indicateurs d’inégalités entre les femmes et les hommes (part des femmes dans les assemblées régionales et écart des taux d’emploi entre hommes et femmes), aucun ne porte sur les inégalités entre les riches et les pauvres, aucun sur les inégalités salariales femmes/hommes, aucun sur le taux de pauvreté des revenus. Et sur le plan écologique, aucun n’est dédié aux émissions de CO2 alors que l’indicateur global contient quatre indicateurs de pollutions diverses et qu’il prétend être un indicateur de « progrès social durable ». Fin du résumé.