Par Claudine Castelnau.
Le très révérend Desmond Tutu est mort ce dimanche à l’âge de 90 ans. Celui qui fut archevêque anglican du Cap a été sa vie durant un lutteur infatigable contre l’apartheid, et la conscience de l’Afrique du Sud. Le dernier de cette génération, après son ami Nelson Mandela, entre autres, qui n’a pas craint de lutter, au péril de sa vie, contre les insupportables injustices générées par la politique raciste des Blancs sud-africains au pouvoir dans son pays.
On a dit que sa robe violette d’archevêque l’avait protégé et lui avait permis ce franc-parler légendaire contre les pouvoirs établis, d’où le surnom affectueux, « The Arch » (l’archevêque), que les Sud-Africains lui avaient donné, une manière de reconnaître sa ferveur pour la justice soutenue par sa foi chrétienne éclatante.
Le Président sud-africain Cyril Ramaphosa a dit sa profonde tristesse de la disparition d’un « patriote sans égal » et « l’adieu de notre nation à une génération de Sud-Africains exceptionnels qui nous ont légué une Afrique du Sud libérée […] Un homme d’une intelligence extraordinaire, intègre et invincible contre les forces de l’apartheid, il était aussi tendre et vulnérable dans sa compassion pour ceux qui avaient souffert […] sous l’apartheid. »
Poursuivant sa lutte pour la justice et la paix dans son pays, Desmond Tutu l’infatigable avait, après l’élection de Nelson Mandela à la présidence, inventé cette idée de « Nation arc-en-ciel » où toutes les couleurs de peau seraient également représentées dans son pays et la « Commission vérité et réconciliation » qui permettrait en échange de l’aveu public des crimes commis au temps de l’apartheid que les coupables (responsables blancs comme membres de l’ANC, mouvement de libération noir) soient amnistiés et que la page de la haine raciale soit définitivement tournée.
Thabo Makgoba, l’actuel archevêque anglican du Cap, où résidait Desmond Tutu a réagi : « Nous pleurons sa disparition […] Mais en tant que chrétiens et croyants, nous devons aussi célébrer la vie d’un homme profondément spirituel dont l’alpha et l’oméga étaient sa relation avec notre Créateur […] Il ne craignait personne […] Il contestait les systèmes qui rabaissaient l’humanité. Mais lorsque les auteurs du mal connaissaient un véritable changement de cœur, il suivait l’exemple de son Seigneur et était prêt à pardonner. »
D’autres, comme la Fondation Mandela, ont parlé de Desmond Tutu comme d’un « être extraordinaire, un penseur, un leader, un berger ». Son combat non violent, les marches pacifiques contre l’apartheid qu’il organisait aux pires heures du régime raciste sud-africain lui ont valu le prix Nobel de la paix en 1984.
Mais sa lutte ne s’est pas terminée avec la fin de l’apartheid et toujours il a été le veilleur qui dénonçait les errements du gouvernement de l’ANC et la corruption. Avec son franc-parler bien connu, il avait même déclaré en 2013, de ne plus jamais voter pour le parti qui a triomphé de l’apartheid (l’ANC) : « Je n’ai pas combattu pour chasser des gens qui se prenaient pour des dieux de pacotille et les remplacer par d’autres qui pensent en être aussi. »
Les médias soulignent que l’archevêque Desmond Tutu était le dernier de cette génération de lutteur contre l’apartheid, de conscience de l’Afrique du Sud. Il fut aussi ce petit homme souriant à la silhouette ronde au franc-parler légendaire et au rire puissant. À un journaliste qui lui demandait comment il comptait s’occuper durant sa retraite, il répondit qu’il se réjouissait « de pouvoir enfin boire du rooibos (une infusion issue d’un arbuste sud-africain) avec ma femme bien-aimée. »
Desmond Tutu a été un combattant contre l’homophobie comme il l’a été contre l’apartheid. Dans l’un de ses discours, il avait affirmé « Je ne peux avoir l’esprit en paix alors que des gens sont discriminés pour quelque chose contre quoi ils ne peuvent rien : d’abord les femmes, qui sont exclues simplement parce qu’elles sont femmes. Et plus choquant et plus horrible, ceux qui sont punis, tués, simplement à cause de leur orientation sexuelle. Je m’oppose à une telle injustice avec la même passion avec laquelle je me suis opposé à l’apartheid. Si Dieu, comme certains disent, est homophobe, alors je ne prierai pas ce Dieu-là. »
Source : http://protestantsdanslaville.org/claudine-castelnau-nouvelles/cr835.htm