Claudine Castelnau.
Au cours de l’année qui s’est écoulée depuis que la Cour suprême a annulé le droit constitutionnel à l’avortement, les responsables religieux américains ont réagi de manière étonnamment diverse – certains approuvant les interdictions dans différents États, d’autres dénonçant une loi oppressive contre les femmes.
Les sondages nationaux sur la question de l’avortement font apparaître des fractures au sein même d’une religion. Ainsi, alors qu’une majorité de catholiques américains soutiennent la légalisation de l’avortement, la Conférence des évêques catholiques américains soutient son interdiction radicale. Parmi les protestants, une solide majorité d’évangéliques blancs sont favorables à l’interdiction de l’avortement, mais la plupart des protestants traditionnels (réformés, luthériens et autres) soutiennent le droit à l’avortement, et plusieurs de leurs principaux dirigeants ont dénoncé publiquement la décision de la Cour suprême qui a annulé la décision Roe v. Wade de 1973.
Ainsi, l’évêque président de l’Église épiscopale (anglicane) Michael Curry, s’est dit « profondément attristé » par cette décision. Certains Américains religieux sont allés au-delà des expressions de consternation, intentant des poursuites judiciaires en affirmant que les nouvelles interdictions d’avortement enfreignaient leurs propres croyances religieuses qui l’autorise et des femmes juives ont soutenu de tels procès, affirmant qu’une interdiction de l’avortement par l’État violait les enseignements juifs et mettait en question la liberté religieuse qui permet de choisir pour soi […] c’est-à-dire d’être responsable et de faire face aux conséquences de ses actes, bons ou mauvais.
C’est ainsi que les hindous américains ont déclaré être « très favorables » à la liberté de choix en matière d’avortement. Et si les évêques catholiques américains sont officiellement inébranlables dans leur condamnation de l’avortement, un sondage de l’Associated Press de 2022 révèle un profond écart entre les positions des évêques et celle des catholiques : 63 % des laïcs catholiques déclaraient que l’avortement devrait être légal dans tous les cas et 68 % étaient opposés à la suppression de la loi Roe vs Wade qui l’autorisait. Un énorme fossé entre ce que la hiérarchie enseigne et la façon de penser des laïcs ! Et c’est ainsi qu’une enquête réalisée en 2014 avait révélé que près d’un quart des femmes catholiques qui avaient avorté se déclaraient catholiques ! Mais n’en parlaient pas.
Car, remarque une responsable catholique pro-choix « le sujet est tabou et la hiérarchie catholique, entièrement masculine leur dit qu’elles sont complices de meurtre. Je souhaite que les évêques et les prêtres écoutent ces femmes, écoutent leurs histoires, les raisons pour lesquelles elles choisissent l’avortement. La décision de la Cour suprême de supprimer Roe vs Wade était une injustice envers les femmes, en particulier celles qui sont déjà confrontées à des difficultés économiques et à la discrimination raciale. » Et le président du Conseil des évêques de l’Église méthodiste unie (une division de l’anglicanisme) n’hésite pas à déclarer que cette décision d’abolir Roe vs Wade « crée la division, la colère et le chaos dans un pays déjà divisé et en conflit. » Et une responsable pasteur d’une église réformée de New York ajoute : « Ce sont les plus pauvres d’entre nous, les plus privés de leurs droits qui sont visés et qui doivent lutter davantage parce qu’une partie du christianisme estime qu’il a le droit de décider pour les autres de ce qui est moral. »
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