Les religions et les élections en Argentine
La situation actuelle.
Le système électoral argentin possède la particularité d’organiser une élection primaire préalablement au premier tour, au cours de laquelle l’ensemble des différents candidats au sein de chacun des partis s’affrontent pour devenir le candidat de leurs partis respectifs. L’ensemble de la population peut participer à ce vote. Le candidat arrivé en tête au sein de chaque parti devient son candidat unique à la présidentielle.
La primaire organisée le 13 août dernier est marquée par la très forte performance du candidat d’extrême droite antisystème libertarien Javier Milei, qui a remporté 30 % des voix et devance les candidats des deux principaux partis ; il est en passe d’emporter les élections du 22 octobre ou d’un éventuel second tour le 12 novembre. Ce résultat est interprété comme un rejet clair de l’establishment politique et l’expression d’un désenchantement, dans un contexte où l’Argentine fait face à une inflation et un taux de pauvreté records.
Milei est coutumier d’insultes violentes contre le pape François. Se considérant comme expert en économie, il loue le discours de Jean-Paul II sur ce sujet, tout en s’insurgeant contre la pensée de François. « Qu’est-ce que la justice sociale ? C’est l’envie », demandait-il lors d’une émission télévisée il y a trois ans. Et de poursuivre : « L’envie est un péché capital, nous devrions informer l’imbécile de Rome, qui défend la justice sociale, que c’est du vol et que cela va à l’encontre des commandements. » [1]
De son côté, François a implicitement mis en garde, citant le livre « Syndrome 1933 », ouvrage dans lequel Seigmund Ginzberg décrit le contexte allemand qui a donné naissance au nazisme. « C’est Von Papen qui a été responsable de l’introduction d’un politicien qui parlait bien et qui séduisait les gens. Il s’appelait Adolf et tout le monde a dit ”bon, essayons celui-là, personne ne le connaît, nous ne connaissons pas ses racines et sa condition.” Ils ont donc voté pour Adolfito et c’est ainsi que nous avons fini ». [1]
C’est dans ce contexte que les dirigeants des principales confessions religieuses du pays publient un communiqué, dans lequel ils soulignent qu’« il n’y a pas de pays possible sans dialogue ».
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« Il n’y a pas de dialogue avec les insultes, les cris et la disqualification de ceux qui pensent différemment ».
Agence Aica.
« En tant que religieux, et comme c’est certainement le cas pour de nombreux non-croyants de bonne volonté, nous sommes préoccupés par le manque alarmant de dialogue entre les différents courants politiques et entre ceux-ci et la société, comme l’a montré le PASO », déclarent les dirigeants des principales confessions religieuses du pays, dans un communiqué publié aujourd’hui, dans lequel ils soulignent qu’« il n’y a pas de pays possible sans dialogue ».
Avec des citations de l’Évangile, du Coran et du Talmud, le texte avertit les candidats à la présidence que « le vote n’est pas seulement un acte de choix », mais « qu’il peut aussi être un rappel à l’ordre ». Ainsi, ils considèrent que « l’agenda politique doit commencer par une écoute attentive de la réalité » et que le résultat d’une élection « est un message profond qui nous appelle à la réflexion et nous engage pour le bien de notre peuple ».
À cet égard, les institutions religieuses rappellent qu’« il n’y a pas de pays sans dialogue » et qu’il n’y a pas de dialogue « avec des insultes, des cris et la disqualification de ceux qui pensent différemment ».
« Nous avons un besoin urgent de dialogue pour une amitié sociale qui fasse de la rencontre une culture », affirment-elles, et dans cette perspective, elles lancent « un appel ferme à tous les dirigeants politiques, indépendamment de leurs affinités partisanes, pour qu’ils assument la responsabilité de présenter des propositions concrètes et substantielles, ouvertes à un débat profond et intelligent et à une collaboration engagée, pour faire face aux défis du présent, en laissant de côté les stratégies qui recherchent le conflit et l’affrontement stérile ».
Les chefs religieux s’engagent à promouvoir « un dialogue responsable et engagé », tout en rappelant qu’il existe « des principes non négociables qui sous-tendent notre société et qui ne peuvent être ignorés : le souci de la vie, la préservation de notre maison commune et l’option préférentielle pour les plus démunis et les plus défavorisés ».
Fidèles à nos différentes traditions et confessions religieuses », concluent-ils, « nous voulons être une patrie de frères et de sœurs. C’est notre devoir à l’égard des générations présentes : construire aujourd’hui un avenir fondé sur la solidarité et les valeurs partagées, dans la recherche inlassable du bien commun ».
Les signataires de la déclaration, publiée le 22 août, sont : la Commission exécutive de la Conférence épiscopale argentine (CEA) ; la DAIA (Délégation des associations israélites argentines) ; le Séminaire rabbinique latino-américain ; le CIRA (Centre islamique de la République argentine) ; l’Église orthodoxe du Patriarcat œcuménique de Constantinople ; l’Église syrienne orthodoxe d’Antioche ; l’Église apostolique arménienne ; l’Église orthodoxe d’Israël ; l’Église apostolique arménienne ; FAIE (Federación Argentina de Iglesias Evangélicas) ; ACIERA (Alianza Cristiana de Iglesias Evangélicas de la Argentina) ; Consejo de Pastores de la Ciudad de Buenos Aires ; IDI (Instituto de Diálogo interreligioso) ; COMIPAZ (Comité interreligioso por la paz, de la provincia de Córdoba).
Lire : Texte du communiqué
Note :
[1] https://www.vidanuevadigital.com/2023/08/16/asi-son-los-insultos-sin-limite-contra-el-papa-francisco-de-milei-el-ganador-de-las-elecciones-argentina/