Des femmes contre le fondamentalisme
Blandine Ayoub.
Avec des copines de Saint-Merry Hors-les-Murs, nous sommes allées écouter la rabbine Pauline Bèbe et la pasteure Emmanuelle Seyboldt, au centre paroissial protestant de la rue de l’Annonciation, parler de « Penser Dieu au féminin : un chemin d’altérité ? »
On ne peut pas dire que l’accueil des femmes à des postes de responsabilité dans leurs communautés respectives fut un chemin de roses. Alors que le synode protestant de 1965 avait voté et ratifié cette possibilité, il a fallu même refaire un synode dès l’année suivante, pour entériner cette décision déjà controversée. Et on exigea longtemps des femmes pasteures de rester célibataires, ce qui n’a jamais été demandé aux hommes. Quant à Pauline Bèbe, elle s’est fait sèchement virer de son poste quand elle a attendu son premier enfant. Patriarcat, quand tu nous tiens…
Ce qui est inquiétant, c’est que toutes deux constatent actuellement un mouvement de repli rétrograde, dogmatique et fondamentaliste, dans les communautés juives comme protestantes. Ainsi qu’une difficulté croissante à y accepter que les femmes y prennent leur place, à statut égal à celui des hommes, ce qui semblait pourtant un progrès attesté, ratifié, digéré. Il n’y a donc pas que notre Église catholique qui se ratatine, après l’ouverture postconciliaire des années soixante-dix. Toute notre société est concernée par le « c’était mieux avant » cher à Zemmour et consorts. Faut-il y voir un simple mouvement de balancier qui a toujours rythmé la vie des hommes, avec par exemple des siècles pairs aux mœurs débridés et des siècles impairs pudibonds ? Ou doit-on s’inquiéter de cette récession des idées progressistes qui affecte nos vies en général, en particulier celle des femmes ?
Les protestants se sont donné un mode de fonctionnement beaucoup plus favorable aux changements que chez les catholiques, puisque les décisions sont prises à l’échelle des Églises nationales, et que les nominations sont électives, avec des mandats limités dans le temps. Néanmoins Emmanuelle Seyboldt, – quand même élue Présidente de toute l’Église Protestante Unie de France -, tient à rappeler quelques fondamentaux qui lui semblent dangereusement réinterrogés aujourd’hui : la vie n’est pas le dogmatisme ; il est essentiel de toujours continuer et reprendre l’interprétation des textes, et ce d’autant plus face au fondamentalisme croissant partout.
Pauline Bèbe parle également de rétrécissement à l’œuvre dans le judaïsme, et de l’importance d’éviter le repli : il est absolument nécessaire de partager avec ceux qui pensent différemment de soi, y compris entre responsables, qui ont souvent tendance à rechercher leurs semblables. Elle rappelle drôlement que la libération du peuple hébreu d’Égypte a été rendue possible parce que cinq femmes, bravant les ordres d’extermination, ont sauvé la vie de Moïse à sa naissance : deux sages-femmes, sa mère, sa sœur Myriam, et la fille de Pharaon – autrement dit que le salut est venu de cinq femmes très désobéissantes !
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