À propos du pacte sur la migration et l’asile 2024 – « Humaniser l’humanité »
Evaristo – Redes cristianas [1]
Que la migration soit une pulsion et une nécessité humaines semble être un truisme. Ce n’est pas un phénomène nouveau. Bien comprise, la migration est la meilleure parabole de l’être humain : toujours immigré, toujours migrant.
Quelques données simples peuvent nous donner un aperçu de la présence de ce phénomène à notre époque. Selon le HCR 2023, les déplacements, principalement forcés, pourraient dépasser les 120 millions de personnes sur la planète d’ici 2024.
Et telle une ombre difficile à séparer du corps, la migration s’accompagne souvent de douleur et même de mort. Au cours des douze dernières années, plus de 60 000 migrants ont disparu ou sont morts, dont 29 000 ont été engloutis par les eaux de la Méditerranée. La route des Canaries compte plus de 21 000 victimes sur la même période.
Cette énorme tragédie, qui se répète comme un cauchemar, a finalement contraint l’UE à revoir et à corriger ses propres sources juridiques de référence. Après de multiples tentatives et retards, l’UE en est venue à signer le Pacte sur les migrations et l’asile 2024 [2].
Son intention, plus ambitieuse que ses résultats, était bonne : mieux gérer les migrations et l’asile à ses frontières, en essayant d’équilibrer la solidarité et la responsabilité des États membres avec la sécurité nécessaire et la protection des droits des migrants.
Mais le résultat n’a sans doute pas été à la hauteur des bonnes intentions. La rigidité des contrôles aux frontières – qui oblige les migrants à emprunter des itinéraires plus longs et plus dangereux -, l’externalisation du phénomène – qui vise à impliquer les pays d’origine ou de transit, toujours plus précaires, dans le contrôle des flux migratoires – et son entrée en vigueur en 2026, après une longue période de transition, entre autres, ont conduit de nombreux militants et experts à qualifier le pacte de régressif en matière de droits de l’homme et de recul de plus d’un demi-siècle en matière de droits des migrants.
On a dit de ce pacte, voté par l’extrême droite, la droite modérée et les sociaux-démocrates au Parlement européen, qu’il faisait « entrer dans l’histoire » sa présidente, Roberta Metsala. Mais pour Amnesty International « il ne conduira qu’à une plus grande souffrance humaine » ; et la gauche au Parlement européen n’a pas hésité à le décrire comme un « Pacte de la honte ».
À Redes Cristianas, nous ne manquons pas de voir et de dénoncer l’hypocrisie de certains pays d’accueil, conscients qu’ils violent les droits humains fondamentaux et les traités internationaux sur le droit à l’immigration, tandis que leurs multinationales absorbent les richesses des pays d’origine et que nous, citoyens, profitons du travail le plus ingrat de leur population migrante.
De ce côté de la migration, le monde que nous construisons avec nos politiques à courte vue et moralisatrices a besoin d’un changement radical. Un monde différent dans lequel les préjugés et la peur induite, l’indifférence et la haine ne prévalent pas sur la solidarité et la fraternité dans la vie sociale et politique.
Nous avons besoin d’un changement de paradigme capable de « renverser, subvertir et changer l’histoire dans une autre direction », comme l’aurait dit le théologien martyr Ignacio Ellacuría. Jusqu’à ce que la terre devienne un lieu pour toute l’humanité et que nous puissions nous reconnaître les uns les autres, comme le dit le pape François, avec « la même dignité et comme une seule famille ». Pedro Casaldáliga l’a dit avec une formule lapidaire : il faut « humaniser l’humanité ».
Notes :
[1] Plus de 200 groupes, communautés et mouvements catholiques de base en Espagne ont formé une plateforme appelée « Redes Cristianas » (Réseaux chrétiens). Ces groupes, qui appartiennent à la base ecclésiale, veulent aider à répondre aux problèmes majeurs auxquels la société et l’Église elle-même sont confrontées aujourd’hui.[2] Dans notre pays, sans aller plus loin, le problème de la surpopulation des mineurs non accompagnés dans les îles Canaries est toujours d’actualité. Un problème qui concerne quelque 6 000 adolescents miraculeusement arrivés sur nos îles.
Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une question très délicate et complexe qui nécessite la prise en compte d’aspects humanitaires, juridiques, sociaux, administratifs, etc., ainsi qu’une étroite collaboration entre le gouvernement central, les régions autonomes et les ONG (ce qui, comme nous le savons, est difficile à réaliser, compte tenu de la distance idéologique et du populisme politique de l’extrême-droite).
Mais nous restons surpris que, dans une société comme la nôtre, qui se montre si souvent généreuse et solidaire, il y ait tant de résistance à l’accueil des migrants et surtout des enfants. Que nous arrive-t-il ? D’où viennent tant de peurs et de préjugés ? Les préjugés idéologiques et l’hostilité envers les pauvres sont-ils plus forts que la générosité et l’attitude d’accueil des citoyens ?
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Source : https://redescristianas.net/a-proposito-del-pacto-sobre-la-migracion-y-asilo-2024-humanizar-la-humanidad. Plus de 200 groupes, communautés et mouvements catholiques de base en Espagne ont formé une plateforme appelée « Redes Cristianas » (Réseaux chrétiens). À partir de ces groupes, qui appartiennent à la base ecclésiale, nous voulons aider à répondre aux problèmes majeurs auxquels la société et l’Église elle-même sont confrontées aujourd’hui.