L’inclusion du handicap aux Jeux olympiques et paralympiques
Aurore Chaillou.
« Nous souhaitons mettre les Jeux au service d’un projet de société inclusif et solidaire, qui donne sa chance à chacun », assurait Tony Estanguet, président du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (Cojop), lors de la candidature de la France. Cet objectif doit se réaliser par une place plus grande faite aux femmes et aux personnes en situation de handicap. La mise en avant de la notion d’inclusion vise à renforcer l’acceptabilité des Jeux auprès de la population et des institutions, au vu de l’importance des fonds publics engagés. Elle montre que les organisateurs sont conscients des revendications d’égalité portées par la société. Pour les femmes comme pour les personnes en situation de handicap – c’est également vrai pour les personnes racisées et les minorités LGBTQI+ –, au fil de l’histoire, le sport s’est révélé un terrain d’entraînement pour démontrer leurs capacités physiques et mentales ; un terrain pour s’émanciper des déterminismes sociaux et prendre part à la société, au nom de l’égalité des droits et de la justice, dont le sport a fait l’un de ses principes. Les Olympiades, en tant que compétition sportive ultime, cristallisent ces enjeux. Un pas de géant a été fait depuis 1896 et les premiers Jeux modernes, réservés à un petit nombre d’hommes bien portants. Les femmes sont désormais reconnues comme des sportives à part entière, grâce à l’opiniâtreté de quelques pionnières, dont la Française Alice Milliat (1884-1957). En 2024 – c’est une première historique –, les Jeux olympiques seront paritaires : 5 000 athlètes femmes, 5 000 hommes. Les personnes en situation de handicap, longtemps tenues à l’écart des Olympiades, concourront fin août et début septembre sur les mêmes sites que les athlètes olympiques. Les Jeux paralympiques accueilleront près de 4 400 personnes porteuses de différents types de handicap : moteurs, sensoriels, psychiques. Leur inclusion dans le mouvement olympique est pourtant inégale, avec une faible représentation des personnes ayant une déficience intellectuelle. Leur participation interroge nos représentations, la place qui leur est faite dans la société et le système paralympique de classification du handicap.
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Rénover l’olympisme
Le combat des athlètes en situation de handicap – et notamment celui des athlètes de sport adapté – pour intégrer pleinement les Jeux et l’univers sportif fait écho à celui des femmes, commencé un siècle plus tôt. Les revendications qui sous-tendent ces combats sont en partie les mêmes : se réapproprier son corps, s’émanciper, choisir sa vie, participer à la société. Il s’agit in fine d’inciter les institutions sportives à endosser réellement les valeurs de respect, de partage, de solidarité dont elles se revendiquent, dans la mesure où le sport est « un des symboles de l’idéal méritocratique selon lequel n’importe qui peut “y arriver”, à partir du moment où il s’en donne les moyens et selon lequel on peut parvenir à faire partie de l’élite même si on part d’en bas [8] ».
Réaliser ces objectifs passe par un accroissement de la médiatisation des compétitions auxquelles les athlètes de parasport prennent part. « On est médiatisé une fois tous les quatre ans », regrette Ugo Didier. D’après un sondage sur les représentations du handicap dans la société avant les Jeux, « 79 % des Français sont convaincus que la télévision peut faire changer le regard sur le handicap » [9]. Pourtant, si cette médiatisation est croissante depuis 2012 et les Jeux de Londres, « c’est la figure du sportif paralympique “héroïque” qui domine […], les mises en scène », avec notamment la mise en valeur des prothèses et de fauteuils de course de haute technologie. Là encore, on observe une « très rare présence des personnes déficientes intellectuelles dans la couverture médiatique des jeux et dans la mise en image des sportifs paralympiques [10] ».
« Il y a aussi l’accessibilité des bâtiments, notamment les ERP [établissements recevant du public], rappelle le nageur toulousain. J’espère que Paris laissera un héritage là-dessus. » C’est un enjeu pour les joueurs de cécifoot, qui aimeraient avoir à Saint-Mandé un terrain conforme aux règles de leur sport, avec des barrières pour empêcher les sorties de ballon. Leur ville est tout de même la première à avoir importé ce sport en France, en 1987. Or « si les Jeux paralympiques peuvent participer à des transformations durables de nos sociétés vers des modes d’organisation plus inclusifs, c’est en réalisant et en montrant les réalisations qui permettent de réduire ou d’annuler les situations de handicap [11] ».
Permettre à chaque personne de se faire sa place dans le sport passe aussi par la reconnaissance de ses capacités à exercer diverses fonctions sportives : entraîner, arbitrer, diriger et présider un club ou une fédération sportive. Endosser ces fonctions est une manière de changer les choses de l’intérieur en permettant l’expression des points de vue et des besoins des uns et des autres. Ugo Didier se verrait bien directeur technique national de l’équipe de France de paranatation dans quelques années. Marie Graftiaux suit une formation pour apprendre à nager à des enfants. Comme les joueurs de cécifoot de Saint-Mandé, elle tient à une chose : « Il faut vraiment s’enlever la mentalité du handicap. » Un défi pour les fédérations sportives, les clubs, les comités organisateurs des Jeux et toute la société. Un défi à relever, comme le veut la devise des Jeux : plus vite, plus haut, plus fort. Ensemble.
Notes :
[8] B. Barbusse, op. cit., p. 24. [9] « Le regard des Français sur le handicap avant les Jeux olympiques et paralympiques », Sondage IFOP pour APF France handicap, décembre 2023 (sur www.ifop.com). [10] Rémi Richard, Anne Marcellini, Athanasios Sakis Pappous, Hélène Joncheray et Sylvain Ferez, « Construire et assurer l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques. Pour une inclusion sportive durable des personnes vivant des situations de handicap », Movement & Sport Sciences – Science et motricité, 2020/1, n° 107, pp. 41-52 (sur www.cairn.info). [11] Ibidem.Source : Revue Études, article offert.