John Shelby Spong — Un autre visage des États-Unis d’Amérique
Par Robert Ageneau, avec la coopération de Roger Gautier
John Shelby Spong est né le 16 juin 1931 dans une famille modeste, à Charlotte, ville principale de la Caroline du Nord dans le sud-est des États-Unis. Dans cet État qui fit partie des Confédérés lors de la guerre de Sécession (1861-1865), les idées de ségrégation et de supériorité des Blancs, basées sur l’esclavage des Noirs et une lecture fondamentaliste de la Bible, avaient encore largement pignon sur rue au temps de son enfance.
C’est par l’éducation que John Spong s’en dégage et fait siennes les idées basées sur la philosophie moderne de l’émancipation et de l’égalité des humains. Après des études à l’Université de Caroline du Nord puis au Séminaire épiscopal de Virginie, il débute en 1955 sa carrière de prêtre dans l’Église épiscopalienne (tradition anglicane) des États-Unis.
Dans les différentes paroisses où il est affecté, John Spong constate que la conception traditionnelle du christianisme ne passe plus, notamment auprès des jeunes : elle apparaît déphasée, l’Église se cantonne à des répétitions conservatrices dans sa liturgie, sa prédication, sa morale. Pour lui, si le christianisme ne change pas, il mourra. Sa démarche va alors consister à promouvoir la figure d’une foi renouvelée. Au début des années 1970, il publiera ses trois premiers livres qui le feront connaître et où se trouvent en prémisses ses idées-forces : l’abandon d’une conception théiste de Dieu, une connaissance biblique fondée sur les travaux exégétiques récents, la prise en compte de la culture scientifique inhérente à la femme et à l’homme d’aujourd’hui.
Après son passage dans plusieurs paroisses, John Spong est élu en 1976 évêque du diocèse de Newark, dans l’État du New Jersey qui comprend une partie de la banlieue de New York. Cette nomination sera l’aboutissement d’un processus électoral où des laïcs, des prêtres, des évêques interviennent dans des collèges électoraux spécifiques. En raison de ses positions, son élection fera l’objet de nombreux débats et d’âpres controverses dans la presse. Elle va le propulser au niveau médiatique aux États-Unis et dans le monde de langue anglaise.
L’évêque Spong applique ses méthodes et ses intuitions à son nouveau diocèse en visitant les paroisses, en dialoguant avec les gens. D’autre part, il approfondit sa formation en fréquentant l’Union Seminary de New York, la Yale Divinity School du Connecticut et la Harward Divinity Scholl du Massachusetts. Il sera plus tard chercheur à la Quatercentenary School de l’université de Cambridge et chercheur en résidence à l’Université d’Oxford en Angleterre. Il est également membre élu du Jesus Seminar.
John Spong poursuit l’écriture d’ouvrages qui, au fil des ans, atteindront le nombre de vingt-six en 2018 et se vendront à plus de deux millions d’exemplaires. Il est l’invité de nombreuses émissions télévisées en Amérique, en Australie, et occasionnellement en Europe. Il fait aussi l’objet de papiers dans le Washington Post, le Times… et voyage beaucoup.
En 1992, il ordonne le premier prêtre homosexuel dans son diocèse, manifestant ainsi son combat d’avant-garde pour la défense et la promotion des minorités. Un combat qui ira jusqu’à rendre possible l’élection d’un évêque homosexuel dans le diocèse du New Hampshire. Il écrira : « Ne me dites pas qu’un prêtre homosexuel est un problème alors que c’est une bénédiction ». Aux États-Unis et dans le monde de langue anglaise, ses engagements intellectuels et sociaux lui vaudront régulièrement des oppositions violentes et des menaces de mort.
L’évêque Spong est marié. Avec sa première épouse, Joan, décédée d’un cancer en 1988, il aura trois filles. Il se remariera plus tard avec Christine Mary Bridger qui l’a accompagné dans l’écriture de ses ouvrages et dans ses voyages.
À sa retraite, l’année 2000, John Spong est élu conférencier à l’université de Harvard. Il continue à travailler, à publier et à voyager dans monde. Frappé par un AVC en septembre 2016, il sera contraint d’arrêter une partie de son activité.
Depuis 2013, sept de ses ouvrages ont été traduits et publiés en français par les éditions Karthala (Paris). Il faut y ajouter l’édition du choix d’une centaine de lettres personnelles envoyées à ses lecteurs, sous le titre Être honnête avec Dieu. Lettres à ceux qui cherchent (Karthala, 2020). Un ouvrage composé à partir d’une sélection de 139 lettres sur les 800 écrites par Spong en 16 ans, traduites en français par le pasteur protestant Gilles Castelnau.
En juin 2014 et 2015, John Spong et son épouse sont venus à Paris pour la promotion des deux premiers livres traduits : Jésus pour le XXIe siècle (2013) et Né d’une femme. Conception et naissance de Jésus dans les évangiles (2015). Ils ont pu nouer de premiers contacts avec la presse spécialisée. Plusieurs conférences-débats ont eu lieu, en particulier au temple protestant de l’Oratoire et à l’Église catholique de Saint-Merry.
Cet évêque-théologien, qui possède une culture biblique considérable comme on en rencontre peu, commence à être connu et apprécié en France et en Europe (Belgique, Allemagne, Suisse, Italie, Espagne) pour le contenu libérateur de son message. Mais il reste encore aujourd’hui ignoré des hommes d’Église, de la grande partie des théologiens et des médias, en raison des changements coperniciens qu’il promeut dans les doctrines, les conceptions et les pratiques d’un christianisme du futur.
Sur le site internet protestantsdanslaville.org qui fait une place importante à l’œuvre de Spong, Claudine et Gilles Castelnau écrivent : « Le portrait de John Spong est désormais accroché dans le Hall d’Honneur de la chapelle Martin Luther King du Morehouse College d’Atlanta. Il y voisine avec les portraits du pasteur Martin Luther King, du Mahatma Gandhi, de Nelson Mandela, Desmond Tutu, Thurgood Marshall, André Young, Rosa Parks et d’autres leaders des droits de l’homme. Les responsables du comité organisateur ont déclaré qu’à leur avis, l’évêque Spong n’était pas seulement un opposant de longue date du racisme et de l’antisémitisme, mais qu’il était, en Amérique et dans le monde, la voix la plus écoutée contre l’homophobie ».
Aux États-Unis, il a reçu en 2015 le prix de l’Humaniste de l’année, à New York. Un prix décerné jusqu’à cette date à des personnalités laïques.
John Spong est décédé à Richmond en Virginie le 12 septembre 2021, à l’âge de 90 ans accomplis.
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