Le féminisme peut être une chance pour l’Église et notre société
C’est le thème de réflexion qu’Annie Grazon et Sylvie Nerrant-Blot, pour le groupe NSAE-Cher, proposaient à la réflexion de notre « Commission NSAE et Évangile ».
Ce premier semestre 2024, notre newsletter hebdomadaire a fait paraître en continu un article concernant la situation des femmes au sein de l’Église. De nombreux auteurs sont intervenus : Juan José TAMAYO, théologien espagnol lié à la théologie de la libération (Marie-Madeleine – Pionnière de l’égalité), Denise COUTURE professeure retraitée de l’Institut d’étude religieuse de Montréal (démonter la normalisation du discours antiféministe catholique), Jean Paul VESCO archevêque d’Alger (Mgr Vesco, évêque d’Oran en Algérie : « Il n’est d’humanité que plurielle »), Marie- Thérèse LYSAUGHT, professeur de bioéthique (l’idéologie du Vatican en matière de genre rend « Dignitas Infinita » incohérente). Ce nombre important de parutions nous a engagées à vous proposer une réflexion sur cette thématique.
Essayant de comprendre l’histoire des femmes au sein de l’Église catholique, une évolution est à repérer :
1 – Avec l’institutionnalisation du Christianisme, la femme est d’emblée considérée comme inférieure hiérarchique par rapport aux hommes, « elles sont irresponsables par nature », explique Juan José TAMAYO, qui poursuit : « l’Église déclare « qu’elles sont impures et incapables de représenter Dieu ». Quant à Denise COUTURE, elle énonce que « les femmes sont du côté de la passivité et les hommes du côté de la production de sens. »
2 – Aujourd’hui la nouveauté est l’idée d’une complémentarité des sexes dans l’égale dignité. Denise COUTURE en précise le sens, en fait l’Église fait « un choix politique frontalement anti-féminin : anti- égalité au sens social du terme, anti-contraception, anti- antiavortement, anti- participation des femmes à la pensée théologique, à la gouvernance, à l’accès à la prêtrise. » Aujourd’hui on peut rajouter que depuis le 30 mai dernier, le Pape a répondu à la question portant sur le diaconat féminin un « non » franc et massif. L’Église souhaiterait ainsi que la différenciation sexuelle qui permet la domination masculine puisse se proposer comme un énoncé de foi, une vérité constitutive d’un dessein divin.
Au passage, selon l’enquête de Saint Merry Hors les Murs, en lien avec la rabbine Pauline BÈBE et la pasteur Emmanuelle SEYBOLDT (Des femmes contre le fondamentalisme), on assiste à un mouvement de repli rétrograde, dogmatique et fondamentaliste, dans les communautés juives et protestantes.
Face à ce constat, il y a urgence à récupérer le christianisme égalitaire et la figure, soit l’autorité morale et spirituelle, de Marie-Madeleine, souvent nommée Marie de Magdala en tant qu’amie, disciple, successeure de Jésus et pionnière de l’égalité.
Que vivent les femmes à égale reconnaissance des hommes, il est nécessaire d’établir aujourd’hui de nouvelles alliances inclusives comme notre société civile tente de s’y employer. Notre Église doit s’en inspirer au risque de devenir un puissant contre-témoignage évangélique.
Les femmes et l’Église
Compte-rendu des débats, lors de la réunion du 6 septembre, par Christophe Breysacher
Le judaïsme, le protestantisme et l’Islam accordent l’accès des femmes aux fonctions cultuelles et à certaines responsabilités, même si cela reste encore difficile notamment pour le judaïsme et l’Islam. L’Église catholique, par contre, ne réserve aucune place aux femmes dans les ministères ordonnés et fort peu dans les postes à responsabilités. L’Église gagnerait à donner des responsabilités aux femmes. Des théologiennes réfléchissent à la question, mais il n’y a aucune ouverture annoncée de la part de l’institution.
Le pape affirme l’égalité homme-femme en dignité, mais pas en droits. La notion d’égalité de droits est remplacée par celle de complémentarité entre les hommes et les femmes : les hommes commandent et les femmes servent… Il y a la une perversion du langage, le concept d’égalité est détourné de son sens.
L’Église ne veut pas voir les nouvelles formes familiales. Il n’y a pas de cohérence dans le discours sur le genre. Les encycliques comme « Laudato Si’ » ont été pensées à partir d’un travail collectif avec une diversité de pensées. Ce travail n’a jamais été entrepris concernant la question du genre.
Qu’est-ce que cela signifie pour les femmes de rester marginalisées dans nos sociétés ? On constate un retour vers le fondamentalisme dans certaines franges de la société, c’est pourquoi le combat féministe concerne la société entière. Il y a une vision fixiste qui cherche à s’imposer : les hommes et femmes auraient des rôles bien définis dans la société qu’il ne faudrait pas remettre en cause.
Le RN est fondamentaliste de façon insidieuse.
Néanmoins, la société est plus diverse que l’institution Église. Pourtant, dans le passé, le magistère a pu produire des encycliques comme Populorum progressio qui reposaient sur une vision du monde plus réfléchie. L’Église pourrait gagner à comprendre le féminisme. Il y aurait des ressources dans les sources bibliques et chrétiennes pour changer la doctrine. Dans l’Évangile Jésus valorise les femmes.
Pourquoi cette résistance au changement de doctrine ? Dans la société, les mouvements féministes peuvent faire pression. Mais dans notre Église ces mouvements n’existent pas, ou sont affaiblis (comme les mouvements d’Action Catholique). Quant aux personnes qui fréquentent encore régulièrement les églises, elles ne sont en général pas très enclines à réclamer des changements dans l’institution.
Les femmes ont des fonctions, mais n’occupent pas (ou peu) de postes de responsabilités dans l’Église. Il faut déconstruire le discours de l’Église sur l’égalité, qui est insidieux.
Nous avons des convictions, mais ne prétendons pas détenir des vérités contrairement à l’institution. Dans l’Église, les vérités sont définies par le magistère, qui les imposent du haut en bas vers le « troupeau » des fidèles. Mais, les gens d’« en-bas » sont capables de réfléchir et leur vision du monde peut changer.